Essai
Nouvelle parution
F. Revaz, Introduction à la narratologie. Action et narration

F. Revaz, Introduction à la narratologie. Action et narration

Publié le par Marielle Macé

Françoise Revaz, Introduction à la narratologie. Action et Narration

Louvain-la-Neuve : De Boeck - Duculot, coll. "Champs linguistiques ", 2009, 224 p.

(On peut lire ci-dessous l'Avant-propos de Gerald Prince, reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur et de l'éditeur).

  • ISBN : 978-2-8011-1601-2
  • 16 x 24 cm
  • 22, 50 €

Présentation de l'éditeur:

Cet ouvrage d'introduction à la narratologie aborde la question de la narrativité dans une double perspective théorique : la sémantique de l'action et la narratologie. En effet, s'il est communément admis que le récit est « représentation d'actions », le type de rapport qui existe entre le monde de l'action et la narration ne cesse d'être un objet de débat, chez les philosophes, les historiens ou les narratologues.

Revisitant les travaux de la philosophie analytique ainsi que les thèses de Paul Ricoeur sur le récit, attentive également aux acquis de la narratologie post-classique, l'auteure propose une synthèse théorique assortie de nombreuses illustrations sur des genres variés (littérature, presse, historiographie, peinture).

L'originalité de l'ouvrage est de tisser un lien entre les théories de l'action et la narratologie en abordant de front deux problèmes narratologiques actuels : le retour du récit dans le roman contemporain et la sérialisation narrative de l'information dans le feuilleton médiatique.

Cet ouvrage s'adresse aux chercheurs, enseignants et étudiants des sciences humaines et sociales (histoire, philosophie, littérature, linguistique, médias) qui désirent accéder à des références théoriques incontournables et à des exemples d'analyse concrets sur des textes actuels.

Sommaire:

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Préface

Sommaire

Avant-propos, par Gerald Prince 

PREMIÈRE PARTIE: THÉORIES DE L'ACTION

Chapitre 1 L'événement et l'action

  • 1 L'agir humain : entre causalité et motivation
  • 2 Intention et responsabilité
  • 3 Explication et compréhension
  • 4 Normes et valeurs de l'action
  • En résumé
  • Références essentielles

Chapitre 2 Les frontières de l'événement

  • 1 Quand l'événement devient action : l'exemple du conte
    • Conte n° 1 : le diable transformé en deux étrangères
    • Conte n° 2 : la légende de Monsieur Mars
    • Conte n° 3 : l'orage déplace les enseignes
    • Conte n° 4 : la bataille des nuages
  • 2 Les phénomènes naturels : de l'explication scientifique à la compréhension mythique
  • En résumé
  • Références essentielles

DEUXIÈME PARTIE : NARRATOLOGIE

Chapitre 3 La narrativité

  • 1 Diversité des approches
  • 2 Une définition… quand même ?
  • 3 Le récit minimal
  • 4 L'amplification narrative : le cas du récit pictural
  • 5 Narrativité et marques linguistiques
  • En résumé
  • Références essentielles

Chapitre 4 Les catégories textuelles de la narrativité

  • 1 Du « tout ou rien » narratif aux degrés de narrativité
  • 2 La Chronique
  • 3 La Relation
  • 4 Le Récit
  • En résumé
  • Références essentielles

TROISIÈME PARTIE : PROBLÈMES NARRATOLOGIQUES ACTUELS : ÉTUDES DE CAS

Chapitre 5 Le roman postmoderne : le retour du récit ?

  • 1 L'éclipse du récit
  • 2 Des personnages non déterminés
  • 3 Le hasard comme principe d'organisation
  • 4 Parodie d'intrigue et dénouement suspendu
  • En résumé
  • Références essentielles

Chapitre 6 Le feuilleton médiatique : un récit en devenir

  • 1 Entre clôture provisoire et anticipation d'un dénouement
  • 2 L'incomplétude : un moteur narratif puissant
  • 3 Incertitude et attente : que va-t-il se passer ?
  • 4 Rupture dans l'ordre des choses : que s'est-il passé ?
  • 5 Une intrigue fragmentée et ouverte
  • En résumé
  • Références essentielles

Conclusion

Bibliographie

Index des noms propres

Index des notions

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Avant-propos

Personne ne doute que le récit représente des actions. Mais qu'est-ce qu'une action, qu'est-ce qu'un récit et dans quelle mesure la représentation d'actions est-elle caractéristique ou définitoire de ce dernier ? Ce sont ces questions et beaucoup d'autres que pose Françoise Revaz. Questions auxquelles elle répond en se référant à des textes aussi nombreux que variés (contes, romans, faits divers, albums illustrés, textes procéduraux ou scientifiques, narrations scolaires) et en s'appuyant sur la philosophie analytique anglo-saxonne pour ce qui touche au domaine de l'action et sur la narratologie pour ce qui touche à la narrativité. D'une part, Revaz explore les différences entre l'action et l'événement, les motifs et les causes, l'intentionnel et ce qui ne l'est pas, afin d'élaborer une sémantique de l'agir. D'autre part, elle examine les bases du narratif, ses catégories textuelles fondamentales et les rapports qu'il entretient avec le monde actionnel.

Nous devions à Revaz une belle étude sur Les Textes d'action où elle traçait la route qui mène de la description d'états synchrones à la structure d'intrigue des récits dits canoniques en passant par le tableau d'événements simultanés, la chronique d'événements successifs et non reliés par des rapports de causalité et la relation d'événements asynchrones formant un tout. Dans son nouvel ouvrage, elle reprend ses distinctions entre chronique, relation et récit, les affine, les assortit de riches et vigoureuses considérations sur le récit minimal, les notions de « nouement » et de « dénouement », le problème de la narrabilité, de ce qui vaut la peine d'être raconté, tout en adoptant des positions de narratologue post-classique. Outre qu'elle se tourne vers la philosophie analytique et non plus seulement vers la linguistique structurale (ou la linguistique tout court, puisqu'elle ne croit guère que la narrativité soit linguistiquement attestable), elle critique, en effet, les stricts binarismes, les dichotomies sommaires, la logique du « tout ou rien » souvent associés à la narratologie structuraliste. Elle préfère mettre en relief le continuum qui va de l'événement à l'action ou de l'inconscient au conscient et elle établit l'existence de degrés de causalité, d'actionnalité, d'agentivité, de narrativité. De plus, elle n'oublie pas le rôle du récepteur dans l'emploi des textes, leur constitution, leur narrativisation. Ce qui ne veut nullement dire que la nature d'un texte dépende uniquement (ou même avant tout) du contexte de réception et qu'il n'y ait pas de régularités textuelles permettant de distinguer le narratif du non-narratif. S'il est possible de lire le bottin comme un roman avec beaucoup de personnages et bien peu d'actions, il est sans doute plus difficile de faire l'inverse.

Pour tester l'efficience des catégories développées et des distinctions proposées dans son examen de l'action et de la narrativité, Revaz étudie de façon circonstanciée ce que l'on a pu décrire comme un retour du roman contemporain au récit et elle explore également les histoires sérialisées de la presse quotidienne. Elle montre que, dans le cas de l'oeuvre romanesque de Jean-Philippe Toussaint, c'est-à-dire d'un écrivain représentatif de toute une production postmoderne, la narrativisation dont il s'agit exploite des intrigues minimales, une organisation actionnelle qui favorise la contingence plus que la causalité et des personnages indéterminés ou sous-déterminés. Plus généralement, elle montre par cet exemple que la narratologie – classique ou post-classique – continue à être un remarquable instrument de description et d'analyse textuelles.

C'est le dernier chapitre de son étude, consacré au feuilleton médiatique dans la presse écrite (« Que va-t-il se passer lors de la Coupe de l'America ? », « Comment et pourquoi le drame de la Jungfrau est-il arrivé? ») qui illustre sans doute le mieux l'apport de Revaz à notre connaissance du narratif. Elle y caractérise un type de récit très répandu aujourd'hui. Dans le feuilleton médiatique, le résultat des événements est incertain (comme parfois leur nature), l'intrigue est élaborée journellement, la fragmentation supplante la continuité, le récit se fait prospectif autant et plus que rétrospectif, le provisoire et le possible remplacent le définitif et l'incontestable. La mise en évidence de ces traits peut susciter à son tour une série de questions sur le récit en général. Sur la clôture narrative, par exemple, et les récits qui n'ont pas de fin, ceux qui en ont une jamais révélée au récepteur, ceux dont la fin est non seulement tue mais connue du seul auteur, enfin, ceux où elle est connue de celui-ci avant le début, au milieu ou plus tard. Par-dessus tout, en précisant les traits d'un genre narratif relativement nouveau et peu étudié, Revaz démontre que le récit raconte ce qu'il aurait pu être ou pourrait être, qu'il est « tout devant » autant que « tout derrière », qu'il danse la samba, avançant pour reculer, reculant pour mieux avancer, et que sa dynamique reflète et provoque les désirs et les craintes du récepteur, ses élans comme ses résistances, son goût de l'attente et son besoin de détente, sa soif d'inconnu et sa volonté de maîtrise.

Gerald Prince
University of Pennsylvania, Philadelphia