Essai
Nouvelle parution
F. Magnot, La parole de l'autre dans le roman-mémoires

F. Magnot, La parole de l'autre dans le roman-mémoires

Publié le par Marc Escola


Florence Magnot-Ogilvy, La Parole de l'autre dans le roman-mémoires (1720 – 1770)

Louvain-Paris-Dudley Ma., Editions Peeters, collection La République des lettres, 2004, 395 p.

ISBN 90-429-1490-4

EAN : 9782877238045

Quatrième de couverture


Un personnage raconte sa vie, ou du moins une partie de sa vie. A travers cette voix, le lecteur en entend d'autres. Les voix de ceux qui lui ont parlé, qui souvent ont raconté leur propre histoire et dont le narrateur rapporte la parole, sous des formes diverses : transcription, sommaire ou vague allusion. Quelle place tient cette parole dans l'économie générale du roman ? Interroger sous cet angle le texte des romans-mémoires mène à des réponses parfois inattendues qui mettent en évidence la complexité du jeu critique auquel engage le roman à la première personne. Le narrateur tend à accommoder la parole de l'autre au sens qu'il désire donner à sa propre histoire et à imposer l'idée qu'il se fait de sa valeur. Le romancier donne à lire ce que le narrateur n'a pas voulu ou pu entendre de cette parole.

La parole de l'autre, réplique de dialogue ou histoire insérée, questionne en profondeur, dans les romans-mémoires, celle de l'énonciateur apparemment central du récit. Dans cette perspective, le roman-mémoires peut être tenu pour une passionnante et exemplaire exploration de l'altérité et de la valeur qui lui est attribuée, qu'elle soit d'ordre esthétique, éthique ou économique. Le statut économique de la parole de l'autre est en effet l'un des points d'aboutissement de la présente étude : monnaie d'échange dans toutes sortes de transactions, cette parole voit sa valeur et son traitement évoluer, depuis le moment où le récit principal s'ouvre largement à des voix exogènes et reconnaît leur étrangeté jusqu'aux textes des années 1760-1770, où le narrateur et ceux qu'il rencontre deviennent de plus en plus proches.



TABLE DES MATIÈRES

Première partie : La parole de l'autre comme signe : valeur mimétique et valeur discordancielle.

Chapitre 1. La parole de l'autre et l'impossible copie du monde.
I. ESQUIVE DE LA REPRÉSENTATION.
1. La transcription imprécise des paroles.
A. Stylisation et caractérisation minimale.
B. Traductions approximatives.
2. Ellipses de la parole de l'autre.
A. Le métalangage.
B. Le portrait énonciatif.

II. LA SOLUTION DES TEXTES COMIQUES : EXPÉRIMENTATIONS LUDIQUES SUR LA PAROLE DE L'AUTRE.
1. Spécificités de l'énonciation comique.
A. Discontinuité temporelle et structure de liste.
B. Discontinuité énonciative et désinvolture de la caractérisation.
C. Des locuteurs polyglottes.
D. Italiques.
2. Les paroles des autres dans les marges des romans marginaux.
A. Echantillonnage.
B. Documents joints et collages comiques.
C. Collages polémiques.
D. Ellipses significatives de la parole de l'autre.

CHAPITRE 2. ENCADREMENT ET DÉBORDEMENTS DE LA PAROLE DISSONANTE.

I. EXHIBITION DES CADRES : LA FONCTION CRITIQUE DE LA PAROLE DE L'AUTRE.
1. La mise en abyme de la fiction.
2. Les auditeurs perturbateurs : le trublion et l'incrédule.
A. INTERRUPTIONS SPONTANÉES.
B. INTERRUPTION PAR UN TIERS.
C. PASSAGE DE RELAIS NARRATIF.

II. ENVOLÉES ROMANESQUES.
1. Ouverture vers un romanesque hyperbolique.
A. LES CHARMES DÉSUETS DU ROMAN.
B. INTRUSIONS ET MÉTAMORPHOSES DES PERSONNAGES CATALYSEURS.
2. Fonctions des changements de cadre.
A. RELANCER L'INTÉRÊT.
B. RÉORIENTER L'INTRIGUE CENTRALE.
C. CONTOURNER LES BIENSÉANCES.

III. CONTRÔLE DE LA DISSONANCE.
1. Rappels de la situation d'énonciation.
2. Rappels des cadres idéologiques et éthiques.
A. LA DISSONANCE HONTEUSE ET LE JE VOUS AVOUE.
B. LES ACCROCS DE LA PAROLE FÉMININE.

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE.

DEUXIÈME PARTIE. LA PAROLE DE L'AUTRE COMME EFFET : VALEUR IDÉOLOGIQUE ET VALEUR FORMATRICE.

Chapitre 3. L'effet explicite des paroles dramatisées.
I. POLARITÉ DES IMAGES DE LA PAROLE.
1. Le paysage philosophique et les thèses de l'impression.
2. La dramatisation par le contexte.
A. Paroles édifiantes : du discours au texte-monument.
B. Une contextualisation problématique : les paroles des mentors hétérodoxes.
C. Paroles infâmes.
3. Critiques du topos de la parole corruptrice.
A. La parole corruptrice comme objet de satire.
B. Echapper à la parole corruptrice : l'éducation désincarnée.

II. Mises en scène de surgissement : coups de théâtre et coups de force.
1. Dramatisation de l'intrigue et/ou de la narration.
A. Dramatisation de l'intrigue et de la narration.
B. Le surgissement de la parole comme stratégie narrative.
C. Métamorphoses du personnage et paroles ad hoc.
2. Menace de coup de théâtre et suspens dramatique.
3. La parole tableau.

CHAPITRE 4. L'EFFET OBLIQUE DES PAROLES DISQUALIFIÉES.

I. Le babillage et le silence.
1. Une parole dévaluée : le babillage.
A. Une parole à expurger.
B. Le sérieux du comique et l'inquiétant babillage.
2. De l'utilité du babillage.
A. Une source brute d'informations.
B. Un autre regard : le sexe et l'argent.
3. Lectures du silence.
A. Le silence : réaction au bruit ou expression d'une ambiguïté identitaire ?
B. La rêverie profonde ou le désengagement des âmes sensibles.

II. La parole de l'autre et l'autre vérité.
1. La parole des personnages latéraux comme miroir.
A. Un miroir qui ne ment pas.
B. Le petit miroir complaisant des coquettes.
C. Un miroir social inquiétant.
2. Fonction définitoire de la parole de l'autre.
A. La définition de soi par l'autre.
B. Une injonction à se définir.
C. Le brouillage axiologique des paroles dans La Vie de Marianne.
3. Fonction de dénomination : fixer une identité.
A. L'expression des idées : netteté de la parole de l'autre.
B. Sensibilité linguistique du narrateur et perméabilité aux paroles des autres.


Troisième partie :
La parole de l'autre comme objet d'échange : valeur utile et valeur marchande.


CHAPITRE 5. LES RÈGLES DE L'ÉCHANGE.
I. Les insertions hétérogènes : la parole de l'autre comme bien de consommation.
1. Des récits sous dépendance : contraintes matérielles et transactions.
A. La parole de l'autre comme monnaie.
B. Autoportraits des romanciers en marchands.
C. Transaction et parole féminine : le récit tribut.
2. Inégalité de l'échange et mécanisme du désir.
A. Le récit secondaire autobiographique : un objet de désir.
B. Redéfinitions et reclassement de l'objet du désir.
C. Le silence du pirate ou la parole impossible.

II. Les insertions homogènes ou comment exploiter la parole d'un alter ego.
1. Les règles de l'échange dans les romans comiques : système marchand et transparence.
A. Homogénéité des biens échangés et réciprocité.
B. Indépendance des transactions matérielles et narratives : la convivialité des gueux.
2. Transactions homogènes nobles : interférences entre différents systèmes d'échange.
A. Rhétorique de l'amitié.
B. Les leurres de la réciprocité.
C. Une logique éditoriale et consommatrice.

CHAPITRE 6. RENTABILITÉ NARRATIVE ET ÉCONOMIE FAMILIALE : LA CONCENTRATION DES CIRCUITS DE L'ÉCHANGE.

I. LE RÉCIT INSÉRÉ ENTRE CONVERGENCE ET DIVERGENCE : ÉVOLUTION DE LA COMPOSITION.
1. UN PROCÉDÉ TRADITIONNEL DE COMPOSITION MIS EN QUESTION : ÉVOLUTION DU GOÛT ET RESSERREMENT DES INTRIGUES.
2. Le début du dix-huitième siècle et le besoin de fragmentation.
3. La question de la convergence du récit secondaire.
II. Vers une rationalisation de l'insertion narrative dans les romans-mémoires.
1. Le récit secondaire comme correction globale ou partielle.
2. BRUTALITÉ DE L'EXPLOITATION DU RÉCIT SECONDAIRE.
III. LA CONVERGENCE NARRATIVE ET LES TENTATIONS DU MÊME.
1. Une endogamie thématique : raréfaction des voix et resserrement du personnel romanesque.
2. Convergence et concurrence narrative : les décentrements du récit primaire.
3. Estompage des contours personnels des mémoires.
A. Enonciation double ou plurielle : les fictions en nous.
B. La communion finale et le refus du détour par l'autre.


DIGRESSION.
L'épistolaire : une autre réponse à la demande de convergence narrative.


I. LA PAROLE DE L 'AUTRE ET L'ÉPISTOLAIRE : LE NARRATIF INTERSTITIEL.
. La parole de l'autre dans La Nouvelle Héloïse.
1. Transparence et médiations : " Dis-lui cent fois... Ah! dis-lui... ".
2. La parole en circuit fermé et l'idéal de séparation.
3. L'appropriation de la parole de l'autre : l'altérité diffuse et dissoute.
4. Le romanesque au feu : les aventures de Milord Edouard.

Conclusion générale.