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Exemple-Exemplarité / Beispiel-Beispielhaftigkeit

Exemple-Exemplarité / Beispiel-Beispielhaftigkeit

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Virginie Ransinan)

 

Exemple-Exemplarité / Beispiel-Beispielhaftigkeit

Atelier franco-allemand de jeunes chercheurs du CIERA au Moulin d’Andé 2014

Organisé en coopération avec la Freie Universität Berlin

 

L’exemple est une figure omniprésente de la vie intellectuelle et sociale. Tout à la fois instrument d’argumentation et de communication, genre textuel et modèle (ou anti-modèle) d’action, il sert dans des situations et contextes multiples. En même temps, il est difficile de le définir en tant que tel. Comment aborder la question épistémologique de l’exemple sans avoir recours à des exemples ? Quel rapport l’exemple établit-il entre le général et le particulier ? L’atelier franco-allemand se propose d’interroger cette figure à partir d’un point de vue de sciences humaines et sociales, en tenant compte des formes et usages variés qu’il prend dans les disciplines concernées. Plutôt que de chercher une définition générale, ou, plus modestement, faire converger des éléments définitoires, cet atelier vise à circonscrire les fonctionnements, fonctions et usages, afin de dégager une meilleure compréhension des logiques inhérentes aux pratiques d’exemplification et aux divers emplois de l’exemple.

La première partie de l’atelier traitera des conditions générales de la figure de l’exemple en mettant au centre d’abord la dimension cognitive et ensuite la dimension normative. Dans la seconde partie, on examinera des usages concrets de l’exemple dans les disciplines de sciences humaines et sociales

Dimension cognitive

Sur le plan cognitif, l’exemple opère un va-et-vient entre une proposition générale (ou un concept) et une réalité concrète, observable, le plus souvent de nature empirique. Il est utilisé à titre d’illustration, de démonstration, quelquefois de preuve. Sa fonction d’illustration est très courante. Elle s’appuie sur une présupposition d’adéquation entre la proposition générale et les caractéristiques empiriques de l’exemple. En ce qu’il est fondé sur une réalité empirique, présente ou rapportée, l’exemple rend palpable, accessible au sens commun la proposition qu’il est censé illustrer. Sur le plan logique, il opère plutôt selon le principe de la déduction. Enfin il implique une certaine pluralité : la proposition – ou le concept – peuvent être éclairés par plusieurs exemples possibles, remplissant la même fonction d’illustration.

La fonction démonstrative de l’exemple est déjà plus complexe. Elle accorde à l’exemple une valeur explicative plus forte que la simple illustration. Démontrer par exemplification suppose une argumentation plus serrée concernant l’adéquation entre proposition et exemple. Celle-ci doit anticiper des contre-exemples éventuels susceptibles d’infirmer la proposition. Elle doit également justifier plus clairement le choix des caractéristiques de l’exemple utilisé qui, à l’exclusion d’autres, rentrent dans l’argumentation. On voit ici que la fonction démonstrative de l’exemple est plus fortement corrélée à la question de la cohérence de la proposition ou du concept dont il est censé montrer la pertinence. En tant qu’élément fondant une thèse, il s’appuie davantage sur une logique inductive.

Enfin l’usage, beaucoup plus rare, de l’exemple en guise de preuve est régi par des contraintes encore plus strictes. Il se trouve en mathématiques et logique, sous la forme de la preuve par l’exemple, et en sciences naturelles, sous la forme de l’expérience en laboratoire. En sciences humaines et sociales, la preuve par l’exemple est, en toute rigueur, impossible, puisque la différence entre les contextes socio-historiques des actions analysées introduit inévitablement des décalages et des distorsions. Ceci dit, comme on le verra plus loin, l’étude micro-historique d’un cas d’exemple peut l’élever au rang d’un modèle permettant, selon certains protagonistes de l’approche « micro », d’atteindre un degré de généralité plus pertinent que la formulation d’une thèse abstraite. On assiste ici à une sorte de renversement, où les logiques déductives de l’illustration et les logiques inductives de l’argumentation sont supplantées par la mise en avant d’une singularité pleine et entière dont la richesse et la complétude débordent toutes tentatives d’abstraction ou de synthèse globales. Sous la forme du cas ou du « paradigme indiciaire », l’exemple construit alors des formes d’intelligibilité à partir d’un traitement spécifique de singularités. Ce « cas limite » renvoie vers la deuxième dimension de la question, la normativité.

Dimension normative

L’exemple-modèle constitue l’autre versant de la problématique. Depuis l’Antiquité, les humains ont collectionné des exemples d’hommes et de femmes illustres qui devaient servir de modèle moral, politique et social. Ces modèles avaient donc une double finalité : d’une part ils incarnaient les valeurs d’une société et d’une culture dont ils étaient en quelque sorte les représentations concentrées ; de l’autre, ils avaient une fonction didactique et servaient à enseigner ces mêmes valeurs, notamment aux jeunes. On entre ici dans le registre de l’exemplarité. L’homme exceptionnel devait servir d’orientation pour résoudre des conflits d’action : son étude enseignait sur le comportement à adopter dans une situation donnée, conformément aux normes qui régissaient la société. Le Moyen Age a constitué des recueils d’exempla, récits de vie ou de situations de vie qui donnaient à voir ou à lire autant d’exemples à suivre. Ils étaient également utilisés dans des sermons et prédications ou pour conforter les règles de vie dans les monastères. On observera que ces vies exemplaires avaient également une fonction illustrative et peuvent, de ce fait, également être étudiées sur le plan de la rhétorique et de leur fonctionnement cognitif. Un cas spécifique de cette fonction didactique sont les recueils d’exemples historiques : déjà les Vies parallèles [d’hommes illustres] de Plutarque ont cette fonction d’orientation et doivent servir notamment les princes et responsables politiques lorsqu’ils se trouvent confrontés à des problèmes de décision et sont amenés à trouver conseil dans les « leçons de l’histoire » consignées dans les recueils d’exemples mettant en scène les grandes figures du passé. Ultérieurement, et à un niveau différent, les miroirs des princes ont largement puisé dans des recueils d’exemples. L’usage de l’exemplum historique devient problématique à partir de la Révolution française où, du fait de l’imprévisibilité de l’avenir, l’histoire perd progressivement son rôle de magistra vitae. Cependant, même après, les « leçons de l’histoire » restent un puissant motif de l’activité historiographique et des multiples usages politiques du passé pour le présent.

De façon plus générale, on constate que dimension cognitive et dimension normative sont intrinsèquement liées. Non seulement elles mobilisent autant la rationalité argumentative que, à travers notamment l’évidence concrète (Anschaulichkeit) de la perception, les registres sensuels de l’émotion, mais elles s’intègrent également dans la thématique commune de la persuasion, qui fait partie du domaine de la rhétorique. De même, elles s’inscrivent dans la dynamique des relations entre le particulier et le général qu’elles permettent de monter et de descendre selon que le point de départ se situe au niveau du singulier ou à celui de l’affirmation générale. C’est au croisement de ces deux mouvements directionnels que s’opèrent les usages différenciés de l’exemple.

L'exemple dans le discours des disciplines des sciences humaines et sociales

Il est aisé de constater que les disciplines de sciences humaines et sociales font un usage différencié de l’exemple. Le sociologue et le politiste parsèment leur texte de propos recueillis lors d’interviews, le musicologue et l’ethnomusicologue utilisent des exemples sonores (et les confinant le plus souvent dans les annexes), l’historien d’art fait intervenir des images, le littéraire cite des textes d’auteurs, le juriste fait référence à la jurisprudence et à des textes de loi, l’historien s’appuie sur des textes de sources écrites, sur des sources orales ou des iconographies. Tous usent des exemples dans les deux sens : comme illustration ou élément soutenant leur argumentation et comme noyau à partir duquel peut se développer un argument ou une intrigue. Les uns se posent la question du choix et de la pertinence de l’exemple, les autres celle de la capacité de l’exemple à orienter la réflexion et à revoir l’outillage analytique. Les uns utilisent l’exemple comme un cas parmi d’autres, selon la formule « c’est le cas de… », alors que les autres déploient un cas singulier, exemplaire et apte à éclairer un ensemble de problèmes intriqués les uns dans les autres. Par moments, ce sont les mêmes qui empruntent les deux directions d’investigation : en pensant à partir de l’exemple, du cas et, en même temps, en utilisant un cas pour corroborer un argument, une hypothèse. La nature même des matériaux travaillés induit des usages spécifiques. Un exemple sonore qui ne contient aucun texte, ne se situe pas sur le même plan qu’une image à l’évidence visuelle immédiate ou un morceau de texte plus ou moins long, plus ou moins articulé. Mais les exemples sont toujours construits pour prendre place dans une réflexion ou dans une argumentation.

À partir de ces considérations préalables, nous proposons d’organiser l’atelier en deux grandes parties. La première traitera des conditions générales de la figure de l’exemple en mettant au centre d’abord la dimension cognitive  et ensuite la dimension normative. Dans la seconde partie, on examinera, à la lumière des discussions précédentes, des « exemples » de la problématique de l’exemple, c’est à dire des usages concrets de l’exemple dans les disciplines de sciences humaines et sociales. On étudiera d’abord les disciplines dites générales ou systématiques (sociologie, sciences politiques, anthropologie, philosophie, économie, etc.) pour discuter ensuite le cas des disciplines davantage orientées sur des objets spécifiques (littérature, arts, musique) ainsi que des disciplines intermédiaires comme l’histoire ou la géographie. Tous les cas abordés pourront être traités à la fois dans leur dimension historique et dans leur configuration actuelle.

Déroulement et candidature

L’atelier s’articulera autour de trois axes :

  • Dimension normative de l’exemple
  • Dimension cognitive de l’exemple
  • L’exemple dans le discours des sciences humaines et sociales

Chaque axe sera introduit par un bref  exposé d’un(e) chercheur(e) confirmé(e), suivi par la discussion de papiers de jeunes chercheurs. L’ensemble du groupe travaillera également de manière collective à la lecture et au décryptage d’articles proposés en amont du séminaire.

Au total, 16 jeunes chercheurs (huit auteurs et huit commentateurs) seront retenus et répartis en binômes. Chaque auteur(e) soumettra par écrit un papier qui sera présenté et commenté dans une communication orale par un(e) commentateur/-trice. Les binômes (auteur/ commentateur) seront formés préalablement par les organisateurs scientifiques.

L’accent sera mis sur le travail en équipes interdisciplinaires. Les thématiques proposées doivent permettre de représenter un spectre de disciplines le plus large possible. Les auteurs en particulier, mais aussi les commentateurs, sont priés de tenir compte du caractère interdisciplinaire du séminaire lors de la préparation de leur texte.

Date : 10/09/2014 (midi) - 12/09/2014 (après-midi)

Lieu : Moulin d’Andé, Normandie

Public : 16 jeunes chercheurs et chercheuses principalement doctorant(e)s ou post-doctorant(e)s -et éventuellement masterant(e)s- travaillant ou non dans une logique comparatiste, traitant ou non d’un terrain français ou allemand. Les langues de travail seront le français et l’allemand. Chacun s’exprimera dans sa langue de prédilection, mais devra être en mesure de bien comprendre l’autre langue.

Calendrier :

  • Délai de réception des candidatures : 6 avril 2014
  • Avis aux candidats : autour du 18 avril 2014
  • Réception des textes définitifs des auteurs : 01 juin 2014

Comité scientifique : Marcel Boldorf (Université Lyon 2), Jay Rowell (CNRS/Université de Strasbourg), Anne Seitz (EHESS/CIERA), Claudia Ulbrich (FU Berlin), Michael Werner (CNRS/CIERA)

Modalités de candidatures : Consulter l'appel à candidatures intégral sur le site du CIERA

 

Contact : Virginie Ransinan
CIERA
Maison de la recherche
28, rue serpente
F-75006 Paris
Email : ransinan@ciera.fr
Tél. : 01 53 10 57 37