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Nouvelle parution
Études françaises, vol. 44, no 3 (2008) - Microrécits médiatiques. Les formes brèves du journal, entre médiations et fiction

Études françaises, vol. 44, no 3 (2008) - Microrécits médiatiques. Les formes brèves du journal, entre médiations et fiction

Publié le par Gabriel Marcoux-Chabot (Source : Érudit)

Études françaises, vol. 44, no 3 (2008) - Microrécits médiatiques. Les formes brèves du journal, entre médiations et fiction, Presses de l'Université de Montréal, 2010.

Fondée en 1965, Études françaises estune revue de critique et de théorie publiée en français. Elles'intéresse aux littératures de langue française, aux rapports entreles arts et les sciences humaines, les discours et l'écriture. Chaquenuméro contient un ensemble thématique ainsi que diverses études. Elles'adresse particulièrement aux spécialistes des littératures françaiseet québécoise, mais aussi à toute personne qu'intéresse la littérature.

Vol. 44, no 3 (2008) - Microrécits médiatiques. Les formes brèves du journal, entre médiations et fiction
Sous la direction de Marie-Ève Thérenty et Guillaume Pinson

Presses de l'Université de Montréal

Marie-Ève Thérenty et Guillaume Pinson
Présentation : le minuscule, trait de civilisation médiatique

Petit lexique des microformes journalistiques

Jean-Didier Wagneur
Le journalisme au microscope. Digressions bibliographiques
Le développement important de la petite presse à la fin de la monarchiede Juillet et sous le Second Empire s'offre comme un corpus riche dereprésentations autoscopiques du journalisme. Empruntant aux genresphysiologique, biographique, didactique, cette textualité fonctionne àla fois comme connivence avec le lectorat, construction de salégitimation dans le champ littéraire et mémoire. Est ici proposée uneexcursion bibliographique parmi ces interventions. Tour à toursatiriques, parodiques ou apologétiques, ces textes travaillés par uneforte ironisation sont le symptôme d'une fascination du social pour lapresse en même temps qu'ils soulignent les procédures d'appropriationet de détournement de formes littéraires.

Boris Lyon-Caen
« Esprit, es-tu là ? » Épigramme et satire en 1830
« Pochades », « Bigarrures », « Coups de lancettes »… L'épigramme en 1830investit la prose journalistique, de la manière lapidaire et économequi constitue sa marque de fabrique. Notre article vise à présenter lesressorts comiques et critiques de cette forme brève. À décrire larhétorique du sous-entendu qui la fonde, contraintes législatives« aidant ». À la réinscrire, aussi, dans le cadre de l'histoireculturelle et politique du trait d'esprit : les plumes alertes etacérées du Figaro ou de La Caricature font passer dans l'opposition cet apanage de la culture aristocratique qu'étaient, chez l'honnête homme du xviie et du xviiiesiècles, la raillerie et le persiflage. Par-delà son caractèredivertissant, l'éloquence y devient corrosive. Les circonstances(historiques) et le support (périodique) de l'épigramme font s'actualiseret se réinventer l'éthique et l'esthétique du satiriste, tout endistinction et en connivence. Corrélat méthodologique : les formesainsi prises par la satire prouvent la nécessité, s'il le fallait,d'ancrer la pragmatique du discours dans l'histoire.

Marie-Ève Thérenty
Vies drôles et « scalps de puce » : des microformes dans les quotidiens à la Belle Époque
Cet article étudie le développement d'un nouveau genre journalistique àla Belle Époque : des articles très travaillés et souvent minusculesqui paraissent en une de quotidiens comme Le Figaro, L'Écho de Paris ou Le Gaulois.Certains écrivains, comme Jules Renard, Étienne Grosclaude, AlfredCapus ou Alphonse Allais, s'en font une spécialité et en vivent. Cesarticles se définissent à la fois par leur caractère bref et par leurhumour souvent fondé sur l'absurde et l'incongru. Il s'agira de montrerque, loin d'avoir uniquement une fonction de divertissement, ces textesintègrent les mutations du système de l'information, le passage à lachose vue et les exigences d'une écriture de l'actualité. Mais, cefaisant, ils prennent aussi à revers et à défaut la grande machineriede l'information par ces petites déflagrations ironiques et poétiquesinstallées au sein même de ses colonnes d'actualité.

Silvia Disegni
Poème en prose et formes brèves au milieu du xixe siècle
L'auteur de l'article vise à examiner l'apport de la presse dans ladéfinition, la pratique et le développement d'une nouvelle formepoétique en prose dans les années 1840-1860 du xixesiècle en France. Elle tend à démontrer qu'un tel renouvellementpoétique ne peut être dûment analysé que si l'on opère une distinctionentre les formes brèves du journal et les formes les plus longues(chroniques, contes et certains faits divers), les unes et les autresn'ayant pas toujours joué le même rôle dans l'histoire du poème enprose. Si les premières ont marqué la poésie de l'avant-garde dont lestraces peuvent déjà être trouvées vers la fin du xixe siècle, dans les années qui ont succédé les décennies examinées, lors des années 1840-1860,le poème en prose se développe surtout dans le cadre des formes longueset plus légitimées auxquelles se sont essayés les écrivains majeurs dusiècle. Car un tel cadre permet mieux, pour la nature et l'extension decelles-ci, d'accueillir les nouvelles compositions de la modernité etde développer les différentes formes de dualisme oxymorique qui lescaractérisent.

Corinne Saminadayar-Perrin
Micro-histoire(s) du contemporain : détails et choses vues (1830-1870)
Historien du contemporain, le petit journal au xix e siècle se donne pour mission d'enregistrer en temps réel les infimes particularités qui fontl'actualité — d'où la prédilection pour une saisie fragmentée du socialdont rendent compte les faits-Paris, les échos, les « choses vues » oules nouvelles à la main ; d'où aussi une réévaluation des fonctionstraditionnelles du détail, lequel désormais vaut moins pour ce qu'ilsignifie que par ce qu'il manifeste. L'écriture journalistique del'histoire au présent rend sensible l'opacité, le bougé, la résistanceau sens qui caractérisent l'événement en acte. Les expériencesformelles que favorisent les microformes journalistiques esquissent unepossible redéfinition de l'écriture historique, dialogique et soucieusede préserver le noeud de virtualités qu'incarne à tout moment ledevenir. À cet égard, le caractère périodique et médiatique du journalmanifeste et favorise un changement de paradigme et une conceptionnouvelle du discours historique, préfigurant ainsi la rencontre à venirdu reportage et de la littérature d'avant-garde.

Guillaume Pinson
L'impossible panorama : l'histoire fragmentée du journal au xixe siècle
Quel discours le xixe sièclea-t-il tenu sur le journal, quel imaginaire a-t-il déployé pour tenterde décrire l'objet périodique et son impact sur la société française ?Telle est la question que pose cet article qui se propose de mettre enconcordance les petites formes médiatiques, telles qu'elles sedéploient dans le journal, et la façon dont le xixesiècle a représenté et mis en scène le journal. Autrement dit, lemodèle micropoétique qui organise la mosaïque médiatique contamine lediscours tenu sur le journal. On peut le vérifier dans plusieurs genreset registres : la « littérature panoramique » (études de moeurs, codes,physiologies, keepsakes) sous lamonarchie de Juillet, les inventaires anecdotiques et les petitesbiographies de journalistes sous le Second Empire ou encore lesMémoires de journalistes sous la IIIe République. Tous cesgenres sont directement inspirés de la sphère médiatique et connaissentsouvent des prépublications en journal ; ils se situent au croisementde la nouvelle à la main (la blague) et de l'anecdote, tout en dérivantconstamment vers la fiction. Mais une nuance doit être apportée,notamment du côté de certaines entreprises romanesques (les Illusions perdues de Balzac, Charles Demailly des Goncourt, Bel-Ami de Maupassant, entre autres) ainsi que des débuts de l'historiographie du journal, qui naît à la fin des années 1850 avec la vaste Histoire politique et littéraire de la presse en France d'Eugène Hatin. On trouve là une ampleur et une hauteur de vue qui déplacent indéniablement le modèle micropoétique.

Pierre Popovic
La métamorphose des oxymores. Le résumé de l'étape par Henri Desgrange et Albert Londres
L'idée de faire le tour d'une chose, d'une question, d'un pays est ensoi aporétique et illusoire. On ne fait en fait jamais qu'un tour parmiune infinité d'autres possibles en sorte que faire le tour supposetoujours des choix, des renoncements, des ellipses, un art de lasynecdoque et, surtout, une façon de décréter que tel itinéraire ou quetel inventaire constitue une partie exemplative d'un grand tout dont ilest à la fois le sous-produit et la quintessence temporaire. Pour ledire autrement : faire le tour implique une poétique narrative. Le Tourde France cycliste — précédé par d'autres « tours de France » célèbres(des monarques et des gouvernants, de « deux enfants », de FloraTristan, des premiers enquêteurs sociologiques) — n'échappe pas à cetterègle. Des débuts en 1903 jusqu'àaujourd'hui, les chroniqueurs de « la Grande Boucle » ont développémaintes formes destinées à rendre compte au mieux de la course et àtransformer le périple des « forçats de la route » en événement. Enprenant pour corpus des textes de deux des plus illustres commentateursdu Tour, son fondateur Henri Desgrange et Albert Londres, l'étudedégage les ressources rhétoriques, narratives, intertextuelles etinterdiscursives mobilisées par « le récit de l'étape » avant demontrer que ce récit serait illisible s'il ne se fondait dans l'horizond'un imaginaire social particulier.

EXERCICE DE LECTURE

Karine Tardif
La bibliothèque imaginaire de l'humanité souffrante dans la trilogie Soifs de Marie-Claire Blais
Cet article examine la façon dont Marie-Claire Blais, dans la trilogie Soifs,convoque des personnages et des textes significatifs de la littératureafin de mettre en relief l'une des constantes thématiques de latrilogie, à savoir la souffrance et l'innocence des victimes du xx esiècle et de l'époque actuelle. Par son ampleur et son insistance, letravail intertextuel tend à se présenter comme une réflexion sur lalittérature, conçue non pas comme un refuge dans lequel des consciencestroublées par le chaos et la violence du monde d'aujourd'hui peuventtrouver un peu de paix et de beauté préservées de ce même chaos, maiscomme un lieu de distance d'où s'établit un point de vue sur le monde,un lieu où le sujet contemporain peut retrouver des traces de sespropres interrogations sur le mal et sur la mort.

Simon Saint-Onge
Le temps contemporain ou le Jadis chez Pascal Quignard
Cet article vise à éclairer certains aspects d'une des dimensionsimportantes de l'oeuvre de Pascal Quignard, une dimension qui a traitau temps et qui innerve l'ensemble de ses écrits dès la rédaction deses Petits traités (1977).Plus précisément, au cours de cette étude, on envisage de saisircomment l'écrivain français construit une modalité temporelle qui frayeavec la question de la contemporanéité : le Jadis. La construction dece temps contemporain à la fois plus actuel et plus originaire que leprésent apparaîtra comme un processus de figuration qui fait éclater lecontinuum de la temporalité ; comme ce qui détermine une poétique dutemps d'une portée aporétique se défiant du tribunal de l'histoire. Enappui à cette réflexion, on se propose d'analyser comment s'inscritcette modalité temporelle dans un texte fictionnel, à savoir le contequi clôt l'ouvrage Sur le Jadis (2002).