Actualité
Appels à contributions
Être une fille, un garçon dans la littérature de jeunesse en Europe de 1850 à 1950

Être une fille, un garçon dans la littérature de jeunesse en Europe de 1850 à 1950

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Christiane Connan-Pintado)

APPEL À COMMUNICATION

JOURNÉE D’ÉTUDES DU 23/10/2013

 

BORDEAUX IV-TELEM BORDEAUX 3-MSHA

 

 Etre une fille, un garçon dans la littérature de jeunesse en Europe de 1850 à 1950 

 

Depuis les années 1970, la sociologie a mis en lumière que le « genre » est l'identité construite par l'environnement social des individus. Après Simone de Beauvoir qui écrivait en 1949 « on ne naît pas femme, on le devient », Erving Goffman (L’Arrangement des sexes, 1979) et Pierre Bourdieu (La domination masculine, 1998) se sont attachés à la question de l'identité masculine. Dès lors, penser le genre revient à le dissocier du sexe biologique des individus. A la suite des travaux de Ann Oakley (Sex, Gender and society, 1972), nombre d’études dont celles de Judith Butler (Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité, 1990) ont contribué à considérer le genre comme le « sexe » social et à faire émerger le concept d’ « identité sexuelle ».  Si cette réflexion est relativement récente, elle peut nous aider à analyser les œuvres du passé et en particulier celles de la littérature de jeunesse.

La journée d’études du 23/10/2013 est la troisième d’un cycle consacré à la littérature de jeunesse, dans le cadre de GENERATIO, programme quinquennal de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine. Ce programme pluridisciplinaire et européen auquel sont associées l’Université Montesquieu Bordeaux IV-IUFM d’Aquitaine et l’Université Bordeaux 3 (EA 4195 TELEM) ambitionne de définir une perspective d’approche relativement inédite ou inégalement abordée jusque-là : la construction des jeunes générations. Il nous offre un cadre dynamique pour poser/reposer la question de la représentation de l’identité sexuée dans la littérature de jeunesse à partir de l’un de ses axes d’étude : « La construction des jeunes générations par l’adhésion aux codes culturels, symboliques et matériels, ou le rejet de ces codes. » Tradition et/ou ruptures ? Reproduction et/ou remise en question des modèles ? Nouvelles approches et/ou discours consensuels et bien-pensants ? Selon les fonctions qu’elle se donne et les valeurs qu’elle cherche à transmettre, selon les croisements ou les clivages qu’elle établit entre culture de masse et culture des élites, la littérature adressée à la jeunesse apparaît comme un observatoire privilégié de la construction de la jeunesse dans la mesure où elle reflète l’évolution de cette jeunesse et / ou en propose des représentations modélisantes. En l’espèce, il s’agira d’étudier comment les discours du texte et de l’image contribuent à véhiculer des représentations du genre, à travers différentes approches éditoriales et littéraires.

.

Les deux premières journées, en 2011 et 2012, s’étaient attachées aux livres pour enfants publiés en France depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les deux suivantes élargiront la perspective à la fois dans l’espace et dans le temps pour s’ouvrir à la littérature de jeunesse en Europe depuis le milieu du XIXe siècle.

 

La journée du 23 octobre 2013 pour laquelle nous lançons cet appel à communication embrassera un siècle, de 1850 à 1950. Ère de la « littérature industrielle » étudiée par Francis Marcoin[1], le XIXe siècle se marque  en France, à partir des lois Guizot, par une amplification spectaculaire de l’édition destinée à la jeunesse dont les productions se situent à divers échelons de la légitimité. Pour fournir à la demande généralisée de  livres de prix, éditeurs parisiens et provinciaux produisent quantité d’ouvrages qui sont rarement des œuvres, comme le montre le volume consacré à la maison catholique de Tours, Mame[2]. A l’arrière-plan de ce siècle prolifique dont peu d’auteurs ont survécu, tels Ségur, Malot, Verne, nombre d’écrivains sont tombés dans l’oubli et n’intéressent plus guère que les historiens du livre de jeunesse. Parmi ces oubliés, beaucoup de romancières car la littérature d’enfance et de jeunesse s’impose au XIXe siècle comme le domaine privilégié d’une créativité féminine toujours en quête de reconnaissance : « Lentement et malaisément, un art, une écriture se constituent en dehors de l’art et de l’écriture. Et l’histoire n’a que mépris pour ces “bas-bleus”, ces “gouvernantes” qui acceptèrent modestement d’écrire pour des enfants, en dehors du monde littéraire[3]. » L’œuvre abondante de Zénaïde Fleuriot (1824-1890) est sans nul doute emblématique de cette littérature écrite par des femmes pour les jeunes filles, littérature « marquée par une ouverture sur le monde qui cherche à résoudre les difficultés de ce que peut y devenir la femme et par un désir de stabilité qu’il est possible d’interpréter comme un projet d’enfermement[4]. » Dans la première moitié du XXe siècle, le nouveau regard porté sur l’enfance par les avancées de la psychologie et de la pédagogie, mais aussi par l’introduction des bandes dessinées et des séries américaines, influencent à leur tour et diversement la production des livres pour enfants. En Europe, les contextes économiques, sociaux, culturels et politiques distinguent pays du Nord et du Sud et conditionnent l’émergence et les orientations d’une littérature de jeunesse où rayonnent quelques œuvres phares, futurs classiques d’une littérature qui grâce à eux accède véritablement à ce statut : Alice au pays des merveilles et Max et Moritz en 1865, Pinocchio en 1881, Peter Pan et Le merveilleux voyage de Nils Holgersson au tournant du XXe siècle. Auprès de ces œuvres majeures, une production qui franchit rarement les frontières nationales marque dans chaque pays des générations de jeunes lecteurs, comme l’ont montré les travaux de Mariella Colin pour l’Italie[5] et ceux de Mathilde Lévêque pour l’Allemagne et la France pendant l’entre-deux-guerres[6].

Célèbres ou obscurs, les ouvrages pour la jeunesse méritent attention par les représentations du genre qu’ils véhiculent, aussi nous proposons-nous de les aborder sans introduire de hiérarchie entre eux. La dimension diachronique et européenne du programme devrait nous permettre de prendre en compte les contextes spécifiques et les œuvres singulières pour  tenter de répondre, dans une perspective comparatiste,  à la question : que signifie être une fille ou un garçon dans la littérature de jeunesse européenne de 1850 à 1950 ?

 

Sans prétendre à l’exhaustivité, on privilégiera les axes suivants :

 

On pourra se demander dans quelle mesure la littérature de jeunesse construit des modèles et des contre-modèles féminins et masculins, en fonction des différents contextes sociaux, culturels, historiques, politiques et/ou idéologiques. Des regards portés sur l’édition  examineront la création et l’évolution des collections dans leur dimension « sexuée » De même, l’attention se portera sur les écrivains engagés dans une création « pour filles » ou  « pour garçons » afin de questionner dans les œuvres les éléments esthétiques, comme les systèmes axiologiques, qui portent témoignage d’une spécificité : filles et garçons ne sont pas un seul et même « lecteur modèle ».

La langue de la journée d’études sera le français.

Les propositions de communication (400 mots maximum, et une brève présentation de leur auteur) devront être adressées avant le 31 mai 2013 aux deux adresses suivantes : gilles.behoteguy@wanadoo.fr et christiane.connan-pintado@orange.fr.

La réponse du comité scientifique sera communiquée fin juin.

Comité scientifique :

Gilles Béhotéguy, Université Bordeaux IV-IUFM d’Aquitaine

Christiane Connan-Pintado, Université Bordeaux IV-IUFM d’Aquitaine

Brigitte Louichon, Université Bordeaux IV-IUFM d’Aquitaine

Francis Marcoin, Université d’Arras

Jean Perrot, Université Paris 13

Anne Vibert, Université Stendhal Grenoble 3