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Appels à contributions
Etre une fille, un garçon dans la littérature de jeunesse (1970-2012)

Etre une fille, un garçon dans la littérature de jeunesse (1970-2012)

Publié le par Ivanne Rialland (Source : Université Bordeaux4-IUFM d'Aquitaine)

Appel à communication

Journée d’études 17 octobre 2012, Université Bordeaux IV-IUFM/ MSHA/TELEM-Bordeaux 3

Être une fille, un garçon dans la littérature de jeunesse (1970-2012)

Depuis les années 1970, la sociologie a mis en lumière que le « genre » est l'identité construite par l'environnement social des individus. Après Simone de Beauvoir qui écrivait en 1949 « on ne naît pas femme, on le devient », Erving Goffman (L’Arrangement des sexes, 1979) et Pierre Bourdieu (La domination masculine, 1998) se sont attachés à la question de l'identité masculine. Dès lors, penser le genre revient à le dissocier du sexe biologique des individus. A la suite des travaux de Ann Oakley (Sex, Gender and society, 1972), nombre d’études dont celles de Judith Butler (Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité, 1990) ont contribué à considérer le genre comme le « sexe » social et à faire émerger le concept d’ « identité sexuelle ».

Il importe de s’interroger sur la construction de l’identité du genre masculin/féminin à partir de  la  littérature de jeunesse contemporaine dans la mesure où le champ, en constante extension, garde sa visée éducative. Si l’on observe le développement de la chick lit – cette littérature écrite par et pour des femmes – et les nombreuses collections s’adressant spécifiquement aux adolescentes, comme « Pôle fiction filles » (Gallimard), « Bliss » et « Wiz girl » (Albin Michel), force est de constater que les collections sexuées ne relèvent pas d’un passé éditorial révolu. Mais toutes les oeuvres pour la jeunesse ne se  conforment pas à une partition des genres relevant d’une doxa culturelle et sociale. La problématique du genre est parfois abordée dans une démarche militante, telle la déclaration d’intention affichée sur le site des éditions Talents Hauts : « Filles = garçons. Des livres pour enfants contre le sexisme où les héros peuvent être des héroïnes, les mamans sont des femmes d'aujourd'hui et les hommes des papas modernes, les filles ne sont pas au bois dormant et les garçons ne sont pas les seuls à chasser le dragon...» Certains  écrivains bousculent l’archétype masculin vs féminin et saisissent leurs personnages dans le trouble de leur sexualité et dans le bouleversement des modèles familiaux du monde contemporain, allant jusqu’à mettre en scène les familles homoparentales ou à questionner les orientations sexuelles, afin de dynamiter  les modèles construits par nos cultures et nos sociétés. Pourtant, la prégnance des préjugés reste puissante, comme l’a récemment démontré Nelly Chabrol-Gagne dans Filles d’album. Les représentations du féminin dans l’album (L’atelier du poisson soluble, 2011) en étudiant un corpus de 250 albums publiés entre 1995 et 2010. C’est dans ce contexte que nous posons la question : « Qu’est-ce qu’un garçon/ une fille aujourd’hui à travers le prisme de la littérature de jeunesse ? »

Le programme pluridisciplinaire et européen « GENERATIO », porté par la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine (Programme quinquennal MSHA 2011-2015) auquel sont associées l’Université Montesquieu Bordeaux IV-IUFM d’Aquitaine et l’Université Bordeaux 3 (EA 4195 TELEM) ambitionne de définir une perspective d’approche relativement inédite ou inégalement abordée jusque-là : la construction des jeunes générations. Il nous offre un cadre dynamique pour poser/reposer la question de la représentation de l’identité sexuée dans la littérature de jeunesse à partir de l’un de ses axes d’étude : « La construction des jeunes générations par l’adhésion aux codes culturels, symboliques et matériels, ou le rejet de ces codes. » Tradition et/ou ruptures ? Reproduction et/ou remise en question des modèles ? Nouvelles approches et/ou discours consensuels et bien-pensants ? Lors des quatre journées d’études programmées de 2011 à 2014, nous souhaitons appréhender la littérature de jeunesse comme un laboratoire privilégié de la construction du genre, à travers différentes approches éditoriales et littéraires.

Après une première journée (13 octobre 2011) consacrée à examiner la situation de la littérature de jeunesse en France de 1945 à 1970, la deuxième journée, pour laquelle nous lançons cet  appel à contribution, s’intéressera à la période contemporaine, de  1970 au début du XXIème siècle. Sans prétendre à l’exhaustivité, on privilégiera les axes suivants :

On pourra se demander si la littérature de jeunesse emprunte ses personnages à la société dont elle est contemporaine ou, au contraire, si elle les construit dans la nostalgie des représentations héritées d’un passé proche (l’enfance/l’adolescence de l’auteur) ou lointain (l’enfant d’époques passées et idéalisées) ; sans négliger, dans la veine des utopies et contre-utopies portée par les genres de la  fantasy et de la science-fiction, les scénarios qui proposent des alternatives et/ou de nouveaux modèles d’un être au monde masculin ou féminin. Des regards portés sur l’édition  examineront l’évolution des collections « sexuées » et la création de nouvelles venues afin d’en dégager les points de convergence et de divergence. De même, l’attention se portera sur les écrivains engagés dans une création « pour filles » ou « pour garçons » afin de questionner dans les oeuvres les éléments esthétiques, comme les systèmes axiologiques, qui portent témoignage d’une spécificité : filles et garçons ne sont pas un seul et même « lecteur modèle ». Enfin, on s’intéressera aux interactions entre littérature de jeunesse et médias. Dans le marché de la culture pour la jeunesse se multiplient adaptations cinématographiques des oeuvres littéraires et novellisation des films et des séries télévisées. Alentour s’accumulent les produits dérivés et les transferts selon des parcours sans cesse renouvelés : du livre au film,  au jeu vidéo, au manga… Que nous apprend sur les filles et les garçons cette circulation médiatique ? Quelles représentations du masculin et du féminin propose-t- elle ? Quelle culture « genrée » met-elle en mouvement ?

Les propositions de communication (400 mots maximum, et une brève présentation de leur auteur) devront être adressées avant le 31 mai 2012 aux deux adresses suivantes : gilles.behoteguy@wanadoo.fr et christiane.connan-pintado@orange.fr. La réponse du comité scientifique sera communiquée fin juin.

Comité scientifique :

Gilles Béhotéguy

Nelly Chabrol-Gagne

Christiane Connan-Pintado

Brigitte Louichon

Jean-François Massol

Jean Perrot