Questions de société

"Et si c'était maintenant que ça commençait?". Réflexions sur le Printemps des Universités, par SLU (14/7/9).

Publié le par Marc Escola

Et si c'était maintenant queça commençait ? Réflexions de Sauvons l'Université ! sur le printemps2009 des universités (14 juillet 2009)

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article2830

Le10 août 2007 est promulguée la loi LRU (Libertés et responsabilités desuniversités), adoptée à la sauvette le 1er août : prenant en chargecette élaboration hâtive, Madame Pécresse a pu longtemps croire que larupture du paradigme universitaire qu'elle promouvait ainsi allaitpasser sans trop de difficultés. Certes, en octobre 2007, les étudiantsengagent un mouvement dans une bonne moitié des universitésfrançaises ; certes, ils sont soutenus çà et là par des universitaireset des collègues du personnel administratif ; certes, un vrai débat estlancé dans certains des syndicats et certaines des associations del'enseignement supérieur et de la recherche dont l'une, SLU, voitjustement le jour à cette occasion ; certes, le débat - et le combat -connaissent une nouvelle étape au printemps 2008 avec le mouvement liéà la remise en cause des organismes publics de recherche. Restetoutefois qu'il y a un an et demi, le monde de l'enseignement supérieuret de la recherche ne s'était pas massivement saisi des questionsposées par cette nouvelle loi. Pas plus qu'il ne s'était vraimentemparé l'année précédente des conséquences du Pacte pour la Rechercheou de la création des deux agences nationales (ANR et AERES), dont onallait vite percevoir le rôle essentiel dans le nouveau dispositifvoulu par le gouvernement. Toutes celles et tous ceux qui avaient tentéde mobiliser leurs collègues durant cette période partagent sans doutece constat.

Le premier semestre 2009 nous met devant une situationde nature profondément différente. On pourrait l'expliquer en posantque les acteurs de ce mouvement ont agi à la fois parce qu'ils étaienttouchés en tant que personnes et parce qu'ils étaient atteints en tantque membres d'un corps. Du même coup, les conditions commençaient àêtre réunies pour que le dossier devienne politique aux yeux d'unebonne part des collègues concernés : comme dans tout agir politique,s'y sont croisés ethos individuel, conscience desdroits et devoirs d'un groupe constitué et réinscription del'université dans le champ social et politique. Pour beaucoup, et cen'est pas un hasard, la réforme de la formation et du recrutement desenseignants du premier et du second degré a joué un rôle essentiel danscette prise de conscience, parce qu'elle touche au coeur de la fonctionsociale des universités, parce que s'y noue de manière évidentel'ensemble de ces dimensions. Dans un milieu éminemment individualiste,où toute explication des dynamiques et de l'idéologie mises en oeuvredans l'université est souvent perçue avec suspicion ou incrédulité etoù la tension vers la recherche d'une « vérité scientifique » tend àgommer toute analyse politique du monde et de nos pratiques, ce regaind'action collective est riche de perspectives à moyen terme. Ilpourrait déboucher sur une repolitisation du milieu universitaire. Il ad'ores et déjà refait de l'université un objet politique.

Ce qui a changé ou l'irruption du politique dans le débat universitaire

Au terme de quatre mois de mouvement, nous devonsadmettre que nous ne sommes pas parvenus à bloquer la dynamique desprojets ministériels. S'agit-il d'une défaite ? Le mouvementreprendra-t-il, et sous quelles formes, à la fin de l'été ou plustard ? Telles sont les deux questions principales posées de façonrécurrente depuis le début du mois de juin par tous ceux qui ne sesatisfont pas d'être enfin sortis d'une situation que plus personne necontrôlait vraiment.

Le propos qui suit entend moins répondre à ces deuxquestions que revenir sur ce qui importe peut-être tout autant que cesréponses, dès lors que la fin de cette histoire n'est pas encoreécrite. L'évidence de la dimension politique de ce qui s'est passés'est imposée à une bonne part des acteurs de la mobilisation, ce quireprésente une rupture étonnante par rapport à deux attitudescaractéristiques de notre société, qui n'épargnent pas la communautéuniversitaire.

D'abord, la tendance à qualifier de « politique » toutelogique revendicative globale, au sens négatif de « partisan »,d'« illusoire », voire d'« idéologique », comme s'il s'agissait làd'une sorte d'aberration, de grossièreté, inconvenante entre gens debonne compagnie soucieux de l'avenir de la science et de satransmission. Ensuite, l'usage impensé d'un faisceau de notionsconstitutives d'une nouvelle doxa, en particulierministérielle : « autonomie », « gouvernance »,« professionnalisation », « compétition », « classements, »« responsabilité », « société de la connaissance », « compétences »,« évaluation », « excellence », « modernisation », « innovation »…Généralisés de façon insidieuse, ces concepts forment un système devaleurs qui, quasiment naturalisé, finit par relever d'un état de faitexcluant l'hypothèse et le débat. Le refus de généraliser dans un caset l'adhésion à une généralisation abusive dans l'autre contribuentdepuis longtemps, chacun à leur place, à la dépolitisation du discourssur l'enseignement supérieur et sur ses réformes éventuelles.

Dès lors, la méfiance à l'égard du « politique » ainsiconçu tend à faire de la réflexion sur l'université l'affaire des seulsspécialistes de l'administration, voire - pire ! – à la restreindre àla gestion de la vie universitaire, dans laquelle dominent le discoursde l'expertise et l'apparente neutralité technique du constat froid etindiscutable, ne tolérant aucune élaboration collective. L'apparenterigueur des chiffres remplace ainsi la pensée critique, le « bon sens »et les bons sentiments se substituent à l'analyse contradictoire, lamorgue des certitudes solitaires à la délibération, trop lente au goûtdes gouvernants. La réalité doit être simple : il faut faire croire querien n'est politique dans cette affaire, que tout relève du seul soucide la bonne utilisation des deniers publics, de l'efficacité et duclassement légitime des compétences.

C'est justement cet édifice prétendument naturel qu'aremis en cause le mouvement dans les universités du premier semestre2009. Et il l'a fait d'une façon doublement inattendue : par le nombredes interventions et par leurs formes. On voulait présenter la« fronde » ou la « grogne » (selon deux termes péjoratifs, récurrentsdans les articles de presse pour qualifier tout mouvement social) commeun caprice de privilégiés ne se souciant que de leurs avantages acquis,un mouvement opposant des « décideurs » responsables, soucieux du bonfonctionnement de l'institution, à une corporation brouillonne, uniepar l'agrégat de ses intérêts individuels. En réalité, des pagesd'analyses, des discussions continues, des échanges nourris ont précisétoujours plus de quoi il retournait. Des milliers d'universitaires ontcommencé à parler d'autres choses que de la répartition de leursenseignements, du niveau des étudiants ou de la nature de leursrecherches en cours. Au gré de ces échanges, le caractère politique des« réformes » a été plus nettement affirmé. Compte tenu de lasyndicalisation très minoritaire dans le milieu universitaire, unetelle réaction a trouvé en tâtonnant ses propres formes, souventinédites : des expressions collectives – éphémères, mais régulières -de la communauté et, simultanément, une profusion d'interventionsindividuelles nourries par une inventivité rare. Ces formes ont, nonsans quelque paradoxe, proclamé une aspiration légitime à une certaineradicalité (arrêter le fonctionnement de l'université, bloquer tel outel lieu public, lancer des happenings en direction des rectorats, desgares ou des péages d'autoroute) et admis dans un même temps sonimpossibilité (elle eût été contraire à l'unité large du mouvement maisaussi – et c'est un point qui mérite d'être questionné – à l'idée quenombre de ses participants se font d'eux-mêmes).

Dans ce mouvement, on a donc beaucoup créé, pensé,écrit, envoyé, reçu, lu, critiqué, marché,... tourné. Nous sommesincapables aujourd'hui de dire quelles idées fortes resteront ; nous nesavons pas encore comment penser l'articulation entre ces idées et lesactions futures. Il n'en demeure pas moins que cette productionfoisonnante a sans doute changé les données de la situation. Beaucoupd'entre nous, dans l'inexpérience même d'un mouvement qui n'avait pasde précédent, ont appris de leurs hésitations et de leurs erreursmêmes : c'est d'ailleurs là sans doute la première des réponses àdonner à ceux qui s'interrogent sur ce qui restera de ce « printempsdes universités ». Très vite, les débats ont dépassé la simple questionstatutaire, contrairement à la présentation univoque faite d'embléedans de nombreux media - et peut-être aussi, il faut l'admettre,contrairement aux premières motivations de certains participants aumouvement. Ces débats se sont élargis à l'université en général, ilsont inscrit les « réformes » du moment dans une histoire longue, ilsles ont confrontées à des bouleversements analogues touchant d'autressecteurs (l'éducation nationale, l'hôpital, la justice, la poste). Acôté du statut des enseignants-chercheurs se sont imposés d'autresdossiers et, contrairement à ce que l'on aurait pu craindre, cetélargissement du débat n'a pas pris la forme d'un catalogue derevendications infinies. Il a précisé le récit politique dans lequell'épisode statutaire devait s'inscrire. Quelques idées force ont étéreprises par ce mouvement de manière plutôt consensuelle. Uneinterprétation globale des événements s'est dégagée, dont découlait uneconclusion alarmante : l'université était aussi l'un des lieux où sedéployait une politique plus générale et polymorphe de destructionprogrammée de la tradition républicaine de service public. Si cetteexplication donnait sens à ce qui se passait, elle rendaitsymétriquement le conflit plus aigu.

Prémisses à de nouvelles analyses

La réaction du monde universitaire, qui a pu être taxéede corporatiste, renvoie d'abord, chronologiquement, à la prise deconscience de l'existence d'une crise sociale profonde dansl'université, liée aux conditions de travail et de rétribution – laperte de leur pouvoir d'achat - autant qu'à la fonction symbolique desuniversitaires. La rupture de ce pacte républicain suivant lequel, enéchange de l'acceptation de conditions salariales et matérielles peufavorables, la liberté de recherche et d'enseignement était garantie, arenforcé des positions plus radicalement politiques, au sens premier duterme renvoyant à l'inscription du propos dans l'analyse desnécessités, des droits et des devoirs liés à l'appartenance à unecommunauté civique. Au passage, on a commencé à revenir sur descausalités que l'on avait refusé de prendre en compte jusqu'alors. Il aété ainsi admis que la source de ce que nous refusions se trouvait dansles logiques mises en place dès le Pacte pour la Recherche puis dans laloi LRU (Libertés et responsabilités des universités). On a mieuxcompris en outre que la LOLF (Loi d'orientation relative aux lois definance), appliquée depuis 2006, avait largement contribué à imposerdes processus de gestion administrative délétères, renforçant deslogiques d'arbitrages budgétaires et de concentration des systèmesd'information et de décision qui nourrissent la compétition entre lesindividus. Ainsi ont pu être lues ou relues différemment lesinjonctions de l'OCDE (Organisation de coopération et de développementéconomique), les préconisations du processus de Bologne (1999) et de lastratégie de Lisbonne (2000). Il est apparu du même coup que l'ensemblede ces textes et de ces dispositifs avaient une part essentielle dansla gestion ministérielle de l'université française, qui consiste àappliquer les critères d'évaluation de la valeur marchande immédiate àun domaine qui ne produit à court terme que des biens immatériels. Leremodelage hâtif d'une partie du système français d'enseignementsupérieur et de recherche à partir de références contradictoires,relevant de cultures et d'expériences radicalement hétérogènes, n'a enfin de compte abouti qu'à produire des structures et des pratiqueshybrides, bien moins efficaces que celles qui prévalaient auparavant.En outre, probablement parce qu'elles concernent simultanémentl'enseignement supérieur, la recherche, et l'éducation nationale,depuis la maternelle jusqu'au lycée, les « réformes » ont faitapparaître plus nettement que jamais la nécessité de penser laformation des élèves et des étudiants comme un tout.

L'ensemble de ces analyses ne s'est pas pour l'essentiel développé à partir d'a prioriempruntés à des questionnements portant sur d'autres objets : il a étéconstruit à partir des textes et de la mise en série critique desdonnées publiques sur l'université dont nous disposions. Du même coup,loin d'être arraché à son espace originel (l'université), le mouvementde mobilisation a fait émerger une synthèse qui montre le systèmeidéologique à l'oeuvre dans ces « réformes » et le caractèreirréductible de ce même système aux valeurs que nous entendons défendreet promouvoir. Cette prise de conscience interdisait sur le plantactique d'accepter la discussion de chaque dossier au cas par cas(puisque rien ne servait d'en régler un si les autres restaient enjachère) mais, surtout, elle battait en brèche le consensus mou portantl'idée de la « nécessaire réforme » de l'université. Par là même, lediscours polymorphe du mouvement se substituait, sans que cela ait étéprévu, ni pensé (et donc sans que quiconque y fût prêt...) au discoursen définitive inexistant de l'opposition politique officielle augouvernement en place.

Une des ambivalences et une des faiblesses de notremouvement a sans doute tenu à cette repolitisation brutale, donclacunaire et partielle, qui a dû se passer de relais politiquesclassiques et qui s'est construite hors d'une pratiqueorganisationnelle de type syndical forte. Mais cette faiblesse peutêtre aussi la nouveauté de ce mouvement et son éventuel avenir. Lesuniversitaires ne peuvent prétendre à un monopole de la réflexion sureux-mêmes et l'université, mais ils ont contribué à dévoiler lesmotivations du gouvernement et ont donné une place à ce sujet dansl'agenda de la politique française.

Penser la représentation

Au travers de ce qui s'est passé ces derniers mois dansl'enseignement supérieur et la recherche (à quoi on peut ajouter lesréactions de nombreux collègues de l'enseignement primaire à labrutalité des différentes réformes voulues par Xavier Darcos), il estclair que, pour la première fois depuis longtemps, la droite françaisemet en oeuvre son projet de restructuration radicale de l'ensemble dusystème d'enseignement en France. Ainsi, l'un des vrais acquis de notrecombat a été de faire apparaître le caractère central de la réforme dela formation et du recrutement des enseignants du premier et du seconddegré. En s'attaquant aux sciences fondamentales, aux lettres etsciences humaines et aux IUFM, ce projet entend non seulement éliminerdes « maillons faibles » du système éducatif, mais surtout retrancherde la fonction publique les enseignants – qui en constituent la majeurepartie, mais ne sont pas une des clientèles électorales traditionnellesde la droite française. S'appuyant sur la double dualité de notresystème d'enseignement supérieur – universités / grandes écoles, public/ privé – qu'il renforce, le gouvernement est animé par une forme demépris à l'égard de la culture et donc de pans entiers, non productifsà ses yeux, de l'université (La Princesse de Clèvesen étant devenue la métaphore inattendue), il utilise le discoursréformiste pour attaquer de front les disciplines critiques que sontles sciences humaines et sociales, et il favorise activement lacroissance du secteur privé, catholique ou non, dans l'enseignementsupérieur.

Pour le gouvernement, la « réforme » n'est donc enréalité pas, contrairement à ce qu'il claironne, une nécessitéadministrative et le changement ne relève pas simplement d'une décisionde « bon sens » et de retour à une rationalité de bon aloi. Leprésident de la République le dit très bien lui-même quand il fait decette « réforme » la plus importante de son quinquennat, une prioritéabsolue et une urgence tellement impérieuse qu'elle a pu justifiertoutes les précipitations et tous les raccourcis législatifs. Aucunétat des lieux n'a été fait, qui eût replacé l'université dans lessystèmes français et européen de l'enseignement supérieur et de larecherche, qui eût posé à l'ensemble de la société la question de laplace et des objectifs assignés aux universités, notamment à l'égard dumonde du travail.

Mais les réflexions produites pendant ce mouvement ontrendu impensable pour les principaux intéressés, les membres de lacommunauté universitaire, que les « réformes » s'appliquent sans qu'ilssoient consultés et consentants : ce serait là abdiquer leur fonctionessentielle d'analyse de ce qu'ils font et de ce que l'on fait ausystème d'enseignement supérieur français. La méthode du gouvernement(faire tout en même temps, très vite et sans poser les termescollectifs du problème, ni négocier quoi que ce soit) a contribué ainsià délégitimer gravement l'ensemble de l'édifice législatif récent et àfaire d'une négociation globale l'exigence collective d'une profession,pour partie révulsée par la nature des bouleversements que l'on faitsubir à l'université, pour partie indignée de la façon dont elle esttraitée. Seule cette négociation globale pourrait rendre légitime uneréforme de l'université, elle pourrait seule faire cesser cette lentedérive vers une « douce tyrannie ».

Cette exigence de négociations nous a confrontés auproblème de la représentation du mouvement. Nous avons souffert desfaiblesses de nos forces – un mouvement ample, protéiforme, sans basesyndicale large, unie et solide - tout autant que de la déterminationde notre adversaire. Comme l'ensemble de la société, l'université etses organisations représentatives sont prises dans la tendance à donnerla primeur aux individus et à la protection de leurs carrières plutôtqu'à une conception collective de leurs fonctions sociales analoguescomme membre du même corps. De ce point de vue, pas plus les syndicatsque les associations ou les tenants du discours sur la « dignité »blessée des universitaires n'étaient en mesure de construirel'efficacité politique d'une action collective.

L'amertume, les interrogations, la rage et les espoirsde ces derniers mois ne visaient pas, par un réflexe conservateur, àsauver la vieille université, qui n'existe plus depuis longtemps. Lemouvement a pris conscience de ce qu'est l'université aujourd'hui et atenté d'ouvrir des pistes permettant de penser son futur et celui de lafonction sociale des universitaires. La massification de l'université aeu lieu ; elle a transformé profondément sa réalité matérielle maisaussi nos pratiques, nos analyses et parfois, malheureusement, notreperception du bien fondé d'un accès large à l'enseignement supérieur.Cette réaction ambivalente tient à ce que les conséquences de la haussedu nombre d'étudiants et de l'évolution de leurs caractéristiques n'ontpas été pensées collectivement. Or, la question qui émerge peu à peu dela réflexion que les universitaires ont débutée au printemps ne portepas sur le fait de savoir si l'université accueillerait trop de jeunesgens mais sur les conditions nécessaires pour qu'elle continue de lefaire en demeurant l'université. L'université doit permettre un accèsencore élargi de groupes sociaux nouveaux à l'enseignement supérieur,et accomplir par là les promesses de sa démocratisation inachevée. Celapasse, entre autres, par le développement de pratiques démocratiquesdans les relations entre ses acteurs et par un engagement à repensercollectivement la production et la transmission du savoir et desconnaissances dans la société.

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Ces longs mois ont donc permis d'engager un processusde réflexion sur ce que pourrait être une autre université. C'est enpartie dans cette nouveauté et cette altérité que réside l'enjeu de larepolitisation du dossier qui est ici notre propos. Il n'y aura pas devéritable réflexion sur les moyens de réformer l'université sans priseen charge du caractère nécessairement politique d'une telle réflexion.Pas plus qu'on ne saurait réduire l'action politique à la manifestationou à la rue, on ne peut réserver la réflexion à la sphère purementintellectuelle, séparée des mouvements sociaux, pour la proposerensuite comme discours d'expertise à ceux qui seraient les véritablesacteurs de la réforme – le pouvoir exécutif, l'administration. De mêmeque le discours d'expertise ne peut être réservé à quelques sommitésplus ou moins proches des réalités universitaires, le discours del'action politique ne saurait être capté par les rhéteurs de laradicalisation. Toute polarisation des lieux, des formes et desorganisateurs du débat continuerait à laisser à l'extérieur de celui-cila majorité des acteurs de la mobilisation.

Redonner sens au politique, sur la foi de la prise deconscience qui s'est opérée, c'est réinvestir tous les moments et lieuxde la vie universitaire et sociale. C'est continuer sans relâched'offrir une pensée critique aux étudiants. C'est enfin, tirant lesleçons des mouvements de ces dernières années, réfléchir au rapportentre la réflexion sur l'université et ce à quoi elle sert, de manièreà ne pas laisser au seul pouvoir exécutif la responsabilité de traduireen termes politiques les problèmes de l'enseignement supérieur et de larecherche, et plus généralement du système d'éducation publique enFrance. Cela impose donc non seulement de construire la force politiqued'une réflexion collective, mais aussi de prendre constamment en chargeles propositions, les lieux d'où elles viennent et les usages qui ensont faits.