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Esthétique des œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles : littérature & arts

Esthétique des œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles : littérature & arts

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Emmanuelle Pelard et Anaïs Guilet)

Esthétique des œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles: littérature et arts

En 2006, Paul A. Fishwick édite Aesthetic computing,— fruit d’un workshop multidisciplinaire sur les relations entre l’expérience esthétique et celle du numérique —, dont l’objet est de poser les premiers jalons d’une théorie, voire d’une discipline : celle d’une esthétique numérique. Il mentionne que l’intérêt de cette nouvelle approche porte sur « les impacts et les effets de l’esthétique sur le champ du numérique » (Fishwick, 2006 : 3). Mais, le questionnement qui traverse depuis quelques années déjà les études sur les œuvres littéraires ou artistiques numériques se pose régulièrement à partir du constat inverse, à savoir quels sont les effets du numérique sur l’esthétique d’un récit, d’un poème ou d’une œuvre visuelle? À tout le moins, ce qui semble s’esquisser là est la nécessité de penser l’esthétique artistique et la poétique littéraire dans leurs relations avec le numérique. C’est pourquoi, eu égard aux évolutions constantes et aux changements que le numérique entraîne sur les formes d’expression, les modalités et les supports empruntés, il nous semble des plus pertinent d’envisager, concevoir, problématiser et théoriser une esthétique (art visuel) ou une poétique (littérature) des œuvres hypermédiatiques.

Si plusieurs propositions théoriques ou essais de taxonomie sur les pratiques littéraires numériques et sur leurs caractéristiques existent (cf. Bootz 2006, Saemmer 2007 et 2015, Di Rosario 2012, etc.), très peu d’études ont été dédiées aux œuvres pour écrans tactiles (tablettes tactiles et téléphones intelligents), notamment aux œuvres applicatives qui leur sont essentiellement destinées. Nous aimerions donc constituer un cahier virtuel, à paraître sur le site Web du laboratoire NT2 consacré aux arts et littératures hypermédiatiques, à l’esthétique et à la poétique de ces œuvres applicatives, que certains appellent livres augmentés ou enrichis et que nous choisissons de qualifier d’œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles.

En effet, si l’on définit le livre du point de vue de sa matérialité comme un « Assemblage d’un assez grand nombre de feuilles […], portant des signes destinés à être lus » (Le Petit Robert, 2004 : 1503), les œuvres qui nous intéressent ne constituent pas des livres. Il serait plus pertinent de parler de textes, mais ces œuvres sont multimédias. Toutefois, parler de texte «augmenté» ou «enrichi» ne nous apparaît pas plus satisfaisant. À l’image de ce que constate Marc Jahjah (2013) dans son billet de blogue, ces adjectifs sembleraient supposer qu’il existe un texte de base qui ait été créé en premier, puis enrichi. Or, il est le plus souvent difficile de juger d’une telle temporalité. Peut-être, à la limite, pourrions-nous parler d’enrichissement pour qualifier les œuvres qui sont le fruit d’un travail de remédiatisation, par exemple l’adaptation de Sherlock Holmes: La bande Mouchetée (2011) réalisée par Byook ou de The War of The Worlds for iPad (2010) par Smashing Ideas Inc., qui reprennent les textes originaux de Shelley et de Wells.

Notre objectif sera moins de placer les œuvres qui nous intéresseront en rupture avec l’histoire littéraire, qu’avec l’histoire du livre (comme support). Et ce, afin d’accorder à ces formes une certaine autonomie, mais aussi afin de souligner que le livre n’est pas le seul support possible du littéraire et qu’il faut éviter de leur attribuer un rapport métonymique. Dans la continuité des réflexions opérées par Olivia Rosenthal et Lionel Ruffel (2010) dans l’introduction à leur dossier sur la “Littérature exposée”, nous envisagerons cette littérature « hors du livre » tout en proposant d’aborder les œuvres dans la lignée des recherches effectuées en littérature hypertextuelle et hypermédiatique. C’est pourquoi nous proposons de parler d’œuvres littéraires hypermédiatiques pour écrans tactiles.

Nous aimerions envisager plusieurs types d’œuvres littéraires hypermédiatiques pour écrans tactiles :

  • Les œuvres narratives, dans lesquelles nous pouvons faire entrer les fictions comme Device 6 (2013) édité par Simogo AB, Besides Myself: An Interactive Novel for the iPad (2012) de Jeff Gomez et L’Homme Volcan (2011) de Mathias Malzieu, en même temps que les œuvres à caractère documentaire comme Derrière le miracle (2011) réalisé par we+are interactive ou Life: a Journey (2012) de Jürgen Neffe par Libroid.
  • Les œuvres de littérature jeunesse comme Moutcho et Pitouille (2013) réalisée par IBOO interactive ou encore The Fantastic Fying Books of M. Morris Lessmore (2011) de Moonbot Studio.
  • Les bande-dessinées à l’image de Je vous ai compris (2013) édité par Magnificat Films ou Guerre de 1812 (2012) créée par NFB Digital Studio.
  • Les œuvres de poésie que To this Day (2013) de Shane Koyczan et Moving Tale, les P.o.E.M.M. (Poetry for Excitable [Mobile] Media, 2014) de Jason Edward Lewis et Spine Sonnet (2011) de Jody Zellen peuvent exemplifier.

Définir une poétique des œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles implique de considérer plusieurs aspects. D’une part, il s’agit de se demander quels sont les éléments qui créent la poéticité des œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles ? Quels sont leurs fondements esthétiques ? Comment procède et d’où naît leur littérarité ? D’autre part, les éléments de nature poétique dans les œuvres littéraires pour écrans tactiles sont-ils similaires à ceux opérant dans les œuvres pour écrans non tactiles ? Autrement dit, est-ce que la poétique des œuvres pour écrans tactiles possède les mêmes traits définitoires que celle des autres œuvres hypermédiatiques ?

Cette dernière interrogation entraîne elle-même une série de questions : s’il y a des différences sur le plan poétique entre les œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles et celles pour écrans non tactiles, comment caractériser cette évolution ? Aussi, quels sont l’impact et le rôle que joue l’interactivité accrue par la dimension tactile dans une poétique des œuvres littéraires hypermédiatiques pour écrans tactiles ? Enfin, en quoi les catégories esthétiques établies pour un genre donné d’œuvre hypermédiatique s’appliquent-elles aux œuvres pour écrans tactiles ? Le cas échéant, dans quelle mesure fonctionnent-elles encore adéquatement ? Nous pouvons penser ici aux taxonomies élaborées par Philippe Bootz (2006) et Giovanna Di Rosario (2012) pour le poème numérique, ou au travail de description et catégorisation d’Alexandra Saemmer sur la Rhétorique du texte numérique (2015). Toutes ces taxonomies sont-elles appropriées pour aborder les œuvres hypermédiatiques pour écrans tactiles ? Et si l’on fait l’hypothèse que leurs modalités ne sont pas strictement identiques à celles des œuvres pour écrans non tactiles, dans quelle mesure sont-elles différentes et surtout en quoi ?

Modalités

Nous sollicitons des propositions adoptant avant tout des approches sémiologique, esthétique ainsi que poétique et analysant des œuvres  littéraires et artistiques pour écrans tactiles. Les propositions d’article (max. 500 mots), accompagnées d’une notice bio-bibliographique, devront être envoyées à Emmanuelle Pelard (emmanuelle.pelard@gmail.com) et Anaïs Guilet (anaisguilet@hotmail.fr) avant le 15 mai 2015. Les réponses seront transmises début juin et les articles devront être rendus avant le 15 septembre 2015.

Bibliographie

Bootz, Philippe (2006). « Vers de nouvelles forme en poésie numérique programmée?», RiLUnE, n°5, p. 19-35.

Di Rosario, Giovanna (2012). « Electronic Poetry : How to Approach it? », Texto!, vol. XVII, n°1 et 2 .

Fishwick, Paul A. (2006). Aesthetic computing. Cambridge / London : MIT Press.

Jahjah, Marc (2010). « Le livre enrichi : définitions, précisions, mises au point », 29 novembre, en ligne: http://www.sobookonline.fr/livre-enrichi-social-interactif/le-livre-enrichi- definitions-precisions-mises-au-point-pas-encore-tres-au-point/ (consulté le 19 mai 2012).

Rosenthal, Olivia et Ruffel, Lionel (2010) . « Introduction ». Littérature 160.4.

Saemmer, Alexandra (2007). Matières textuelles sur support numérique. Ed. Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’expression contemporaine. Saint-Étienne : Publications de l’Université de Saint-Étienne.

Saemmer, Alexandra (2015). Rhétorique du texte numérique : Figures de la lecture, anticipations de pratiques. Villeurbanne : Presses de l’enssib.