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Nouvelle parution
Éric Holder, L'Anachronique

Éric Holder, L'Anachronique

Publié le par Université de Lausanne

D’un écrivain qui n’est plus nous reste souvent moins le lourd portique de ses volumes, le sujet affiché dans ses livres, les élans du coeur et les coups de sang qu’il a suscités, que cette toute petite chose fragile, ce sifflotement allègre qui faufile son œuvre, y court en filigrane : un art de musiquer la vie, une façon intime de sourire, de saluer en entrant.

Éric Holder, disparu en 2019, avait cet art de répandre le sourire, une aptitude mélodique à vivre qui faisait luire l’instant, tirer l’amitié du moment comme l’eau du puits, une eau fraîche qui montait au jour sans grincement et immédiatement se partageait. Chroniques parues, seize ans durant, dans Le Matricule des anges, entre 1996 et 2012, les textes recueillis dans L’Anachronique témoignent de cette vertu spontanée, d’un art virtuose d’amplement respirer le quotidien des heures, de tamiser les jours pour n’en conserver que le scintillement d’un éclat de voix, d’une lumière qui passe, d’un son au loin. Des tableautins sans ombres, des moments croqués.

Il y célèbre ses amis ("J’aime mes amis. […] Pour moi, je retire de ces instants à deux hommes, dans le parc où rien ne vient les troubler, une profondeur qu’on éprouve après avoir refermé certains livres.") Et les noms défilent, comme des victoires ou des hauts lieux : Gérard, René, Sylvain et bien d’autres. De cette frivole liturgie des heures heureuses les femmes sont les célébrantes, qui apparaissent soudain, à une caisse, un comptoir, en bord de route, au cœur d’un jardin, de la terre plein les yeux, du ciel sous les ongles. Parfois un livre passe dans le champ, égaré comme un ballon d’enfant. Hôte du Médoc des années durant, Holder y assouvit, jusqu’à plus soif, son attrait profond des lieux et des saisons, des noces de soie de la lumière et du monde. Après tout, c’est sans doute ce qui le hantait : trouver une manière chantante d’avoir les pieds sur terre. À cette quête L’Anachronique est dédié.

Éric Holder est né en 1960, à Lille. Trois sœurs suivront. En 1968, gagnés par la révolution des mœurs, leurs parents rejoignent la presqu’île de Saint-Tropez. Enfance chaotique et lumineuse. À seize ans, il soumet un manuscrit à Christiane Rochefort, qui l’encourage à écrire. Pas d’études supérieures. En 1984, une première publication aux éditions Le Dilettante, Nouvelles du Nord, parue à 333 exemplaires, attire une bienveillance inusitée de la part de la critique. Depuis, ses livres sont nettement scindés entre romans, où les élans du cœur tiennent lieu de raison de vivre, et recueils de récits, qui sont autant de « choses vues ». Ils ont en commun qu’à la faveur de certains événements, les hommes, les femmes y révèlent une logique et une dignité inattendues. Notice rédigée en 2003 par Éric Holder, Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française par eux-mêmes, sous la direction de Jérôme Garcin, éd. Mille et une nuits, 2004.

Éric Holder nous a quittés le 22 janvier 2019. Ce recueil rassemble ses chroniques parues dans la revue Le Matricule des anges entre janvier 1996 et août 2012.

P. Assouline a consacré un billet à ce recueil sur son blog larepubliquedeslivres :

"Rencontre de l'actuel et de l'inactuel sur une table de dissection"…

On peut lire également sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :

"Masculin singulier", par Norbert Czarny (en ligne le 15 juin 2022)

L’Anachronique, avec la majuscule : on ne saurait mieux définir Éric Holder. Tel est le titre du recueil de chroniques paraissant de façon posthume au Dilettante, son éditeur. À l’instar de Cingria, Perros ou Pirotte, quelques-uns de ses écrivains de chevet, Holder n’était pas du genre à se hausser du col et à faire carrière. Écumer plateaux télé et salons, très peu pour lui. Et quand il est mort, en janvier 2019, c’est encore une fois sans faire de bruit. Il est là, parmi ces « masculins singuliers », titre de l’un de ses recueils de nouvelles.