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Entre deux mondes : les frontières du XVIIIe siècle

Entre deux mondes : les frontières du XVIIIe siècle

Publié le par Matthieu Vernet (Source : stephanie Genand-Ceredi)

<!> Entre deux mondes : lesfrontières du XVIIIe siècle (1700-1800)

Colloque organisé par le C. E. R. E.D.I. à l'Université de Rouen.

Responsables : ClaudinePOULOUIN, Stéphanie GENAND

Contacts : claudine.poulouin@univ-rouen.fr,stephanie.genand@univ-rouen.fr

Date : Mercredi 17 novembre- Jeudi 18 novembre2010.

Problématique :

Si le XVIIIe siècle a longtemps étéabordé sous l'angle de ses concepts transversaux — que l'on songe à l'idée denature, de bonheur, au libertinage ou à l'émergence générale d'une penséecritique —, cette perspective néglige peut-être les transitions del'histoire des idées. Les années 1760, marquées par le chantier de l'Encyclopédie et la satire de Palissot contre les Philosophes, découpent un territoire où la raison triomphanteinstaure peu à peu un modèle de pensée et de représentation de l'homme delettres. Les « Lumières » qui s'imposent alors offrent au siècle unmiroir où se reconnaître et forger, pour la postérité, la séduisante image dela philosophie. Cette lecture, si pertinente soit-elle, laisse dans l'ombrel'autre visage du siècle : non plus celui qui se peint en gloire dans lecombat des Lumières, celui qui évolue en marge : historiquement — il y aun avant et après 1760 —, institutionnellement — tous les auteurs n'entrent pasau Panthéon et l'Académie exclut autant qu'elle intronise — et esthétiquement —il est des oeuvres inclassables qui échappent aux codes de leur époque. Cecolloque se propose, dans cette optique, d'examiner du XVIIIe sièclenon plus ce qui se construit avec évidence, mais ce qui se défait ; deprivilégier sur la constitution des savoirs leurs mutations, sur l'identité lemouvement, sur la certitude les dissolutions ; d'explorer, au lieu des espacesfamiliers, les terres inconnues qui jouxtent les frontières.

Le terme de« frontières » invite à dépasser les bornes séculaires qui dessinentdeux périodes où se recompose le visage de l'époque. Si plusieurs travaux sesont récemment penchés sur la périodisation et l'arbitraire de ses découpages —L'Année 1700, dir. A. Gaillard, UnSiècle de deux cents ans, dir. J. Dagen etP. Roger, le n°34 de Littératures classiques, le n°14 de Dix-huitième siècle consacré au « tournant desLumières » — la notion de« siècle » occulte la dynamique littéraire des périodes detransition. La Régence, après la mort de Louis XIV, voit la plupart des auteurspartagés entre l'héritage du Grand Siècle et la volonté de rupture. L'autoritédes Lumières n'est pas encore en place et il faut fonder de nouveaux modèlesqui répondent à la sensibilité du public. Les « Modernes », s'ilstriomphent des partisans du passé, sont vite relégués au rang d'auteursenracinés dans la « mode » des années 1720. L'identité des époques detransition semble indissociable de la polémique et de l'inscriptioncirconstancielle dans l'histoire des idées. Il en va de même lorsque commencele Consulat, à l'autre extrémité du temps. Le monde en ruines, balayé par latourmente de l'histoire, impose aux contemporains une refondation complète, àla fois esthétique et politique. Femmes auteurs, émigrés,« spectateurs » à distance de leur temps, de nouvelles figuresapparaissent qui soulèvent, en 1800, la question de l'héritage et de l'identité :la « frontière » si elle marque une borne, invite aussi àl'exploration de lieux incertains, entre deux mondes, où les contours seredéfinissent tout autant qu'ils se perdent.

Cette fonctiond'interstice, où se déploient transitions et transgressions, suppose une réflexioncapable d'envisager le transfert des modèles. Comment identifier la marge desLumières ? Comment la penser, puisqu'elle résiste à tout fixation ?Plusieurs pistes peuvent être suggérées pour esquisser la problématique de cesjournées :

- laréception critique offre une clé possible pour repérer le travail deconstruction qui consacre certains écrivains au détriment des autres. Les Éloges de D'Alembert, par exemple, dessinent une image duXVIIIe siècle exclusive de tout ce qui touche à« l'esprit » et au « sentiment ». Fontenelle, Marivaux,autant d'auteurs relégués, par leurs propres époques, aux marges de l'histoire.

- Cetteposition marginale se traduit aussi, dans les oeuvres, par une esthétique du« singulier » : présent sous la plume de Marivaux ou celle deSade, le terme souligne le sentiment d'une différence explicite avec lesmodèles ou les attentes du public. Les textes construisent alors leurspécificité, qu'elle soit choisie ou subie de la part des écrivains.

- Ilarrive encore que leur écart leur attire le reproche de renverser les polaritéssexuelles : le « féminin » et le « masculin »,lorsqu'ils fonctionnement comme des étiquettes critiques, dénoncent en termesde genre l'originalité des auteurs en leur temps. L'homme féminisé, comme lafemme virile, signe la monstruosité d'une rupture avec la norme.

- Lesauteurs « entre deux mondes » s'interrogent dès lors sur la langue etles valeurs qui lui sont associées. Qu'il s'agisse de choisir entre le vers etla prose au théâtre ou d'apprendre l'allemand quand on a émigré, la margeoblige à remettre en question les prérogatives de l'idiome national. Étranger àsa propre époque, l'écrivain à la frontière se cherche une nouvelle langue etun nouvel espace littéraire.

- Lapensée du progrès, celle des Modernes ou des théoriciens de la« perfectibilité » comme Mme de Staël, naît peut-être chez lesécrivains placés en marge de leur époque. À la construction d'une identitéhistorique, ils opposeraient les vertus du passage du temps et le relativismedes certitudes ; comme s'il fallait s'extraire de son siècle pour déployerune philosophie de l'histoire.

Les propositions decommunication, accompagnées d'une problématique et d'un résumé d'une dizaine delignes, seront à remettre avant le 1er mars 2010aux deux adresses suivantes : claudine.poulouin@univ-rouen.fr,stephanie.genand@univ-rouen.fr.