Questions de société

"Enseigner la littérature de l'Europe aux élèves français", par G. Fontaine (Le Figaro, 1/2/8).

Publié le par Marc Escola

Créateur de la Villa Mont-Noir (59), résidence pour écrivains européen, G. Fontaine a lancé dans le Figaro un appel en faveur d'un enseignement élargi à toutes les littératures européennes.

"L'Europe n'a pas réussi à penser sa littérature comme une unité historique, et je ne cesserai de penser que c'est là son irréparable échec intellectuel", écrit, en 2005, Milan Kundera, dans Le Rideau. En juillet 2008, c'est à la France que reviendra la présidence de l'Union européenne. Durant ce même été se­ront connus les résultats de l'agrégation et du capes, confiant à des centaines de jeunes professeurs de lettres une mission de transmission profondément civilisatrice. Il leur appartiendra de conforter le socle de connaissances humanistes des classes qu'ils auront en charge pendant quarante ans et plus. De donner aux jeunes générations l'amour de notre langue, de nos auteurs. Et d'appliquer des instructions officielles qui demeurent (malgré quelques élargissements transfrontaliers) in­croyablement ethnocentriques : les ­listes de textes et d'oeuvres présentés par les candidats au bac français restent quasi hermétiquement franco-françaises.

Mais qu'ont-ils fait au bon Dieu, Érasme, Cervantès, Swift, Goethe, Dickens, Dostoïevski, Pirandello, Kazantzakis, Gombrowicz et autres Claus, géniaux instituteurs et passeurs de l'humanisme européen, pour mériter un tel ostracisme ? Et même si l'on considère, au nom de la consanguinité de la littérature et de la langue, que l'apprentissage de l'identité nationale rend prioritaire la familiarisation avec la littérature nationale, il faut un singulier aveuglement pour ignorer, chez Molière, Hugo ou Sylvie Germain les affleurements dont est veinée chacune de leurs pages. Le constat vaut, depuis toujours, pour tous les créateurs de notre continent : qu'on lise Marguerite Yourcenar ou William Shakes­peare, en omettant le prisme européen, nous voici en situation de déni, et coupables de mauvaise foi intellectuelle : au XXe siècle en France, au XVIe siècle en Angleterre, le maillage européen existait et existe. Pourquoi détricoter l'Europe ?"

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