Questions de société

"Enseignants désobéisseurs, obéissez !", par V. Soulé (blog "C'est classe!" 29/06/09)

Publié le par Bérenger Boulay

"Enseignants désobéisseurs, obéissez !", par Véronique Soulé, blog "C'est classe!", liberation.fr, 29 juin 2009

http://classes.blogs.liberation.fr/soule/2009/06/enseignants-d%C3%A9sob%C3%A9isseurs-au-rapport-.html

Xavier Darcos les avait en horreur. Des enseignants qui refusent d'obéir et d'appliquer ses réformes ... Ils devaient être punis! Juste avant son départ, deux des "désobéisseurs" les plus connus ontreçu leur convocation pour passer devant une commission de discipline. Luc Chatel suivra-t-il  ? Voilà en tout cas une nouvelle épine dans le pied du successeur de Darcos.

Alain Refalo, instituteur à l'école Jules-Ferry de Colomiers, près de Toulouse (Haute Garonne), devra se présenter le 9 juillet devant la commission mixteparitaire - composée pour moitié de représentants des syndicats et pourl'autre de ceux de l'administration - de son académie.

Quatre"charges" ont été retenues contre lui - refus d'obéir, manque au devoirde réserve, invitation à la désobéissance, attaque publique contre unfonctionnaire de la République. Déjà puni par 14 jours de retrait desalaire, il risque des sanctions autrement plus graves, de catégorie 2ou 3 - suspension allant jusqu'à un an, mutation, rétrogradation, etc.

Son "crime" ? Il a refusé d'appliquer les deux heures hebdomadaires d'aide individualiséeinstaurées par Xavier Darcos pour les élèves en difficultés. AlainRefalo estime qu'il n'est pas formé pour cela, et qu'il feraitfatalement moins bien que les Rased - ces maîtresspécialisés dont on supprime justement les postes. Au lieu de cela,durant ces deux heures, il a pris ses 24 élèves de CM1 en demi groupepour un atelier théâtre.

Autre délit, Alain Refalo refuse d'appliquer les nouveaux programmes du primaire revus par Darcos. En désaccord avec la "forme", davantage de par coeur et de récitation.

Maisson crime le plus grave est sans doute d'être un "meneur". Il est lepremier enseignant à s'être déclaré en "résistance pédagogique". Le 6novembre 2008, il a publié la lettre qu'il avait adressée à soninspecteur de circonscription.

"Aujourd'hui en conscience, je nepuis plus me taire ! En conscience, je refuse d'obéir", écrit-il."Depuis un an, au nom des indispensables réformes, un processus négatifde déconstruction de l'Education nationale s'est engagé, qui désespèrede plus en plus d'enseignants (...). L'objet de ma lettre est de vousinformer que je ne participerai pas à ce démantèlement".

Ainsi est né le mouvement de résistance pédagogique qui s'est constitué en réseauvia internet. A ce jour, quelque 3000 enseignants "désobéisseurs" ontsigné une lettre individuelle ou collective où ils affirmentouvertement refuser de mettre en place l'aide individualisée tellequ'elle est prescrite par le ministère, de faire passer les évaluations de CE1 et CM2 ou encore - pour les directeurs d'écoles - à remplir le questionnaire Base élèves.  

Erwan Redonest lui aussi un "désobéisseur", déjà puni par une retenue de 32 joursde salaire. Enseignant à l'école des Convalescents, dans le premierarrondissement de Marseille, il a été convoqué le 7 juillet. Lui risqueplus gros encore: la révocation. Car il devra répondre d'"insuffisanceprofessionnelle".

Militant Freinet, très actif aussi dans leRéseau Education Sans Frontière (RESF), il refuse d'appliquer l'aideindividualisée -  à sa place, il a eu l'impudence d'organiser desateliers le midi ... - ainsi que les évaluations de CM2. Mais ce quilui serait surtout reproché, c'est son refus d'être inspecté. Ou plusexactement de signer les rapports des inspecteurs qui viennent dans saclasse - cela, il ne peut s'y opposer.

 Dans les deux cas, la solidarité s'organise. Des manifestations desoutien sont prévues. Hubert Montagner, Philippe Meirieu, StephaneHessel, se sont engagés en leur faveur. Les syndicats, pourtant mis encause par ces nouveaux militants très critiques des modes d'actiontraditionnels, ont lancé une pétition .

Nousavons "pris à contre pied à la fois la hiérarchie et les syndicats",écrit le mouvement sur son site, dressant un premier bilan le 29juin."L'idée forte que nous avons réussi à faire passer est que lefonctionnaire enseignant a, au nom de sa conscience et de sa raison, ledevoir de ne pas obéir inconditionnellement aux ordres, aux lois, auxdécrets et aux dispositifs pédagogiques qu'il juge contraires à sonéthique et ses convictions." Les résistants citent plus loin MartinLuther King et son idée de "contestation créatrice". 

La balle est maintenant dans le camp du ministre-porte parole du gouvernement.