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Enjeux contemporains de la confrontation entre l'art, la morale et la politique

Enjeux contemporains de la confrontation entre l'art, la morale et la politique

Publié le par Julia Peslier (Source : Florian Gaité)

Enjeux contemporains de la confrontation entre l'art, la morale et la politique.

 

Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

Les 1er et 2 juin 2012

 

Penser ensemble « art, morale et politique » revient avant tout à rendre problématique une relation qui ne va plus de soi. Si l’art s’est historiquement défini dans ses rapports au pouvoir et à la norme - qu’il soit en posture de soumission (le clergé égyptien qui codifie l’esthétique), d’adhésion (David, d’abord porté par les idéaux révolutionnaires, finalement inspiré par l’épopée napoléonienne), ou d’opposition (l’engagé sartrien) -, cette subordination des problématiques esthétiques aux intérêts publics ou aux principes moraux a en effet trouvé son terme dans le contemporain. Tout au long du XXeme siècle, la dé-fonctionnalisation de l’art (Dada, Fluxus), la laïcisation de ses institutions et l’affirmation de son rôle transgressif l’ont libéré de sa tutelle morale, tandis que le modèle kantien de la communauté idéale du goût, tenu en échec, ne fédère plus esthétique, morale et politique autour d’un projet politique commun et émancipatoire. Pour autant, l’art ne semble avoir rien perdu de sa force d’évocation et de représentation, de sa capacité à incarner les symboles ou à véhiculer les croyances collectives. Les récentes affaires de censure (Larry Clark, au Musée d’art moderne de Paris et David Wojnarowicz à la National Portrait Gallery de Washington en 2010), les cas de vandalisme, motivés par un intégrisme actif (Piss Christ d’André Serrano endommagé en Avignon, France, 2011), et la vitalité du lobbying associatif et bien-pensant à l’encontre de l’art, prouvent combien les interactions entre ces trois pôles ne sont ni complètement définies, ni entièrement régulées. Nous voulons interroger ces relations ambiguës, mais néanmoins constantes, entre le potentiel d’influence de l’art et les autorités qui s’en emparent, le combattent ou le préservent.

Le débat met l’autonomisme esthétique en question. L’art peut-il se constituer comme un champ clos, évaluable selon ses qualités propres, en dehors de toute considération morale ou politique ? L’autodéfinition, comme dynamique contemporaine de l’art, ne pouvant suffire à le rendre indépendant de la sphère éthico-politique. D’autant que, si « désaffranchissement » il y a, au sens où l’entend Arthur Danto, l’art a malgré tout du mal à se défaire de son fonctionnalisme, qui l’envisage, sinon comme une force d’opposition, au moins en tant qu’outil critique et moyen d’intervention dans la société.

Qu’en est-il du moralisme en art ? La question de l’appréciation esthétique et de l’évaluation morale se complexifie avec les apports récents des neurosciences et des philosophies de l’esprit, qui mettent en lumière la complexité et la pluralité du fait perceptif : l’expérience d’une œuvre engage tout l’outillage cognitif du sujet. La redéfinition de ces articulations est pourtant rendue nécessaire par la multiplication des situations de conflictualité : là où l’effritement contemporain des valeurs morales s’oppose à la valeur symbolique des objets artistiques, l’axiologie de l’œuvre d’art – ou son ontologie - semble relever de l’indécidable.

Quant au politique, s’il n’a pas la compétence du jugement esthétique, il n’empêche que son caractère instituant l’oblige souvent à prendre position. La logique de la politique culturelle (par le biais des choix curatoriaux des musées, de la distribution des subventions, des commandes publiques…) renforce le lien de dépendance des artistes à l’Etat par le jeu de l’institutionnalisation, et renvoie dos-à-dos liberté de la création et préservation de l’intérêt général. Dans le prolongement de ces réflexions, le problème des lieux de l’art se pose avec d’autant plus d’insistance : le musée doit-il relever de l’espace public, et être soumis aux mêmes règles que la vie sociale, ou peut-il constituer un espace réservé, une zone de transgression autorisée ? Les nouvelles technologies ne sont pas non plus sans conséquence: espace médian entre public et privé, le lieu virtuel échappe en partie à la législation et pose avec force la question du visible et du montrable.

En réfléchissant ainsi les partages épistémologiques entre art, morale et politique, il devient possible de requalifier des dialogues culturels permanents qui constituent l’actualité de la pensée contemporaine. À partir de l’analyse des rencontres entre ces trois pôles culturels, ce colloque entend faire un point sur le rôle de chacun au sein de la communauté, et organiser le discours de la philosophie face aux renouvellements de leurs enjeux respectifs  au siècle naissant.

Les propositions de communication chercheront à se situer à la fois par rapport à la problématique d’ensemble et en référence à l’un des axes autour desquels s’organisera le colloque. Les chercheurs et praticiens qui souhaiteraient présenter leurs recherches lors de ces ateliers sont invités à proposer des communications susceptibles d’aborder les thèmes suivants, mentionnés à titre indicatif :

 

  • Les fonctions de l’art : autonomisme, moralisme et immoralisme esthétiques
  • Imagination esthétique et imagination morale
  • Les rapports entre neuro-esthétique et neuro-éthique
  • Juger l’œuvre : appréciation et reconnaissance.
  • L’institution de l’espace de l’art : lieu d’asile ou de contrôle ?
  • Les rapports entre les avant-gardes artistiques et les avant-gardes politiques

 

Ces suggestions ont pour seul but d’encourager la confrontation des analyses de théorie normative avec les faits socio-politiques et de promouvoir ainsi les perspectives interdisciplinaires qu’une telle confrontation réclame.

 

Organisation :

Pauline Colonna d’Istria (Université de Poitiers, CRHIA)

Florian Gaité (Université Paris Ouest Nanterre, SOPHIAPOL)

Roberto Merrill (Université de Minho)

 

Intervenants :

Noël Carroll (CUNY Graduate Center)

Nathalie Heinich (EHESS) (à confirmer)

Matthew Kieran (University of Leeds)

Jerold Levinson (University of Maryland)

Jacques Morizot (CEPERC, Université de Provence)

Ruwen Ogien (CERSES, CNRS)

Jacques Rancière (Université de Paris XIII) (to be confirmed)

Christian Ruby (revue Raison présente)

Anne Sauvagnargues (CRéART-PHI, Université de Nanterre) (à confirmer)

 

Comité scientifique :

Noël Carroll (CUNY Graduate Center)

Matthew Kieran (University of Leeds)

Christian Lazzeri (Université Paris Ouest Nanterre)

Jerold Levinson (University of Maryland)

Ruwen Ogien (CERSES-CNRS)

Anne Sauvagnargues (Université Paris Ouest Nanterre)

 

Modalités de soumission :

 

Les propositions pourront être soumises en français et en anglais. La date limite pour l’envoi des résumés est fixée au 15 janvier 2012 , leur acceptation ou leur refus sera notifié le 1er mars 2012. Elles sont à envoyer conjointement, sous forme d’un abstract de 300 à 400 mots, de préférence au format RTF, en accompagnement d’un courriel intitulé « Art, morale et politique : proposition» à : Pauline Colonna d’Istria (p.colonnadistria@hotmail.fr), Florian Gaité (florian@floriangaite.fr) and Roberto Merrill (nrbmerrill@gmail.com). Les résumés en anglais sont les bienvenus, même si une bonne compréhension du français est requise pour la participation au colloque.

 

Droits d’inscription :

Les frais de participation à ces journées s’élèvent à 50 € et pourront être réglés en espèces à l’accueil de la conférence.