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Ecriture et communauté

Ecriture et communauté

Publié le par Marielle Macé (Source : franck Villain)

Ecritures et communauté – de 1945 à nos jours en France

Ce colloque est le second volet d'une série d'études et de rencontres axée sur la communauté, l'écriture et le "vivre ensemble" en France depuis 1945. Il est organisé par Yasuaki Kawanabe et Franck Villain, membres du C.S.C. (Civil Society, the State and Culture in comparative Perspective) de l'Université de Tsukuba au Japon. Le premier volet s'est tenu à la Maison Franco-Japonaise le samedi 3 décembre 2005 et s'est axé essentiellement sur les années 45-68. Ce second colloque se propose de prolonger ces réflexions, d'une part, en élargissant le questionnement du "vivre ensemble" jusqu'à l'époque contemporaine, d'autre part, en fixant plus précisément les angles d'approches et les mots clés qui gravitent autour du mot "communauté". Cette journée va ainsi se structurer autour des notions d'identité, de mémoire, de valeur et du sens du commun et interrogera la "communauté" sous l'angle de la littérature prolétarienne, de la francophonie, du social, de l'adresse aux morts et du partage du banal.

Sommaire

08h45- 09h00 Allocution d'ouverture :
Franck VILLAIN


1ère Séance 09h00- 10h30 Communauté et identités
Modérateur : Yasuaki KAWANABE

09h00 – 09h30 Jean-François POCENTEK (écrivain)
"Communauté prolétarienne, communauté littéraire : quand dire l'autre, c'est le quitter"

09h45 – 10h15 Pierre HALEN (Univ. de Metzï)
"Les essayistes francophones entre culture et civilisation : Hélé Béji, Amin Maalouf... à l'heure des identités post-coloniales"

10:30 ~10:45 Pause café

2ème Séance 10h45 – 12h15 Communauté et mémoire
Modérateur : Franck Villain

10h45 – 11h15 François BIZET (Univ. Aoyama-Gakuïnï - "Francesco Petrarca à Jacques Derrida"

11h30 – 12h00 Dominique VIART (Univ. Lille III)
"Éthique de la restitution" dans le roman contemporain (Bergounioux, F. Bon …)

12h30 ~14:00 Pause déjeuner

3ème Séance 14h00 – 15h30 Communauté et valeurs
Modérateur : Dominique VIART

14h00 – 14h30 Fumi TSUKAHARA (Univ. de WASEDA)
"Mai 68" et la société de consommation : regards sur Barthes et Baudrillard"

14h45 – 15h15 Patrice BOUGON (Univ. d'Iwate)
"Poésie et communauté chez Michel Deguy"

15:30 ~15:45 Pause café

4ème Séance 15h45 – 16h15 Communauté et commun
Modérateur : Pierre HALEN

15h45 – 16h15 Seiji MARUKAWA (Univ. de Waseda)
"Pour l'être-comme-un : entre subjectivations poétiques et politiques"

16h30 – 17h00 Franck VILLAIN (Univ. de Tsukuba)
"Le "lieu commun" du poème dans la poésie d'Antoine Emaz"


17h15– 17h30 Allocution de clôture :
Yasuaki KAWANABE




Résumé des interventions



- Jean-François POCENTEK (écrivain)
"Communauté prolétarienne, communauté littéraire : quand dire l'autre, c'est le quitter"


Parmi les littératures qui se voulurent témoin et reflet d'une communauté, a existé une littérature du peuple, et plus précisément une littérature du prolétariat, écrite par des prolétaires, ouvriers et paysans. Le projet de ces écrivains était de dire la réalité de la communauté sociale dont ils étaient issus, à laquelle ils appartenaient, dans une position d'opposition aux formes littéraires dominantes. En s'appuyant sur une approche biographique et sociocritique de l'un d'entre eux, Constant Malva, on tentera de démontrer l'impossibilité d'un tel projet, liée à l'existence même du projet de création littéraire : en voulant écrire son appartenance au prolétariat, l'écrivain prolétarien ne peut que rompre avec la communauté qu'il entend représenter.



- Pierre HALEN (Univ. de Metz)
"Les essayistes francophones entre culture et civilisation : Hélé Béji, Amin Maalouf... à l'heure des identités post-coloniales"

Si le monde colonial s'est construit, quant aux principes, en fonction d'un "concert des nations" et d'un rêve "civilisateur", on sait que la pratique historique n'a pas été à la hauteur de ce projet. La pensée post-coloniale s'est dès lors logiquement édifiée contre le colonialisme et, pour ce faire, elle a emprunté la voie du "respect des cultures" et du "dialogue interculturel", tout au moins sur le plan des principes là encore. Le droit à la différence a été opposé à toute pensée de l'universel. L'évolution des sociétés décolonisées, avec l'échec relatif de beaucoup d'entreprises de développement, mais aussi un certain nombre de conflits douloureux (Bosnie, Rwanda, notamment) et de problèmes sociétaires (exacerbation du communautarisme, fanatisme identitaire) ont fini par mettre en question la pertinence du modèle différentialiste. Des essayistes très différents comme les écrivains Amin Maalouf (Les identités meutrières) ou Hélé Béji (L'imposture culturelle) ont cherché à repenser avec d'autres les notions de "culture" et de "civilisation", de manière à pouvoir fonder une nouvelle conception de l'universel, à rebours de la globalisation économique, et de la différence, à rebours des replis communautaires et des tentations violentes.


- François BIZET (Univ. Aoyama-Gakuïn)
"Francesco Petrarca à Jacques Derrida"


Nous nous proposons de compléter un corpus déjà bien fourni de lettres écrites par Pétrarque à des Morts Illustres (Homère, Cicéron, Horace..) et de les placer en dialogue avec Jacques Derrida. Pourquoi Derrida ? Parce qu'il est l'un de ceux qui ces derniers temps a le plus réfléchi sur le deuil, sur la mort des amis, sur l'adresse aux morts. Je tenterai, alors, d'imaginer un dialogue aberrant entre ces deux hommes, pour témoigner de cette communauté impossible que cependant tout appelle.


- Dominique VIART (Univ. Lille III)
"Éthique de la restitution" dans le roman contemporain
(Bergounioux, F. Bon …)



Notre intervention se propose d'interroger ce que j'appelle l"éthique de la restitution", et qui montre comment la littérature contemporaine (depuis 1980) se ressaisit de l'Histoire pour la restituer depuis le présent, avec un esprit critique (et politique) notamment pour montrer la fin d'un mode de travail (rural chez Bergounioux, industriel chez F. Bon ...) et de la sociabilité qui lui était associée, et pour adresser cette "restitution" à ceux dont ce fut l'Histoire mais qui ne se sont jamais autorisés à la raconter, persuadés d'avoir été destitués en même temps que leurs compétences et leurs modes de vie. Cela implique un type d'écriture très singulier dont il s'agira ici de souligner les lignes de force.



- Fumi TSUKAHARA (Univ. de WASEDA)
"Mai 68" et la société de consommation :
regards sur Barthes et Baudrillard"



"Mai 68"(non seulement en France mais dans la plupart des pays dits “développés”) est souvent considéré comme un grand mouvement de refus de "la société de consommation". Alors qu'on sait qu'après cet événement majeur, notre société tend, de plus en plus, à se faire contrôler par les pouvoirs de tous les niveaux (de l'Etat, des médias, des universités, etc.). On tentera d'éclaircir "ce paradoxe" en jettant quelques regards sur les écrits de Barthes (La mythologie, Le système de la mode.) et de Baudrillard (Le système des objets, La société de consommation : ses mythes, ses structures).



- Patrice BOUGON (Univ. d'Iwate)
"Poésie et communauté chez Michel Deguy"


Nous aborderons cinq acceptions de la notion de communauté que nous donne à penser cette oeuvre : - La solitude requise par l'écriture du poème n'empêche pas Michel Deguy d'être intimement lié à de multiples communautés, d'être un homme de revue et de comité de lecture, un passeur, grâce à sa revue "Poe&ie", qui permet à notre communauté francophone de découvrir, par le biais des nombreuses traductions, la poésie de communautés étrangères. Quelle est la communauté entre le poète et son traducteur ? En quoi y a-t-il nécessité de traduire pour écrire ?
- Poète singulier par sa relation à la philosophie, mais aussi par sa poétique liée à une éthique dans son rapport au monde et aux diverses communautés rencontrées dans ses innombrables voyages. L'écriture de Michel Deguy rend compte par les figures de rhétorique des différences entre les peuples. "Le "comme" de la communauté des êtres du monde et celui des mots doit rester attentif aux différences.
- La communauté des arts est aussi pensé par Deguy. Comment parler des autres arts de façon poétique ?
- La communauté religieuse est également interrogée dans Un homme de peu de foi. Que signifie perdre la foi catholique et comment vivre avec d'autres communautés que tout oppose, par exemple, en Israel.
- La communauté entre le poète et le lecteur sera enfin questionnée dans un recueil de deuil A ce qui ne finit pas. Le plus secret du poème a un destinataire, à la fois privé et public. Ce paradoxe du deuil privé et collectif est aussi inscrit dans l'étude consacrée au film de Lanzman : Shoah.


- Seiji MARUKAWA (Univ. de Waseda)
"Pour l'être-comme-un : entre subjectivations poétiques et politiques"


L'essor de l'économie "libérale" depuis les années 1980 allait de pair avec le déclin de l'idée du socialisme, remplacé par la progression de la démocratie pragmatique délivrée du rêve révolutionnaire ou des idéaux politiques. C'est la raison pour laquelle en France des intellectuels ont été amenés à critiquer un certain climat d'individualisme excessif. Déjà, des penseurs majeurs tels que Lyotard (avec l'expression "postmoderne") ou Nancy (dans "La communauté désoeuvrée") avaient commencé à évoquer la perte du lien idéologique ou mythico-religieux qui avait pour effet d'affaiblir le corps collectif. C'étaient des pensées du deuil ; on doit pourtant souligner que pour ses penseurs (et pour d'autres, tels Agamben, Rancière, etc. vers la fin des années 80), l'expérience de la littérature et de l'art portait et porte encore l'espoir de la refondation d'un lien communautaire. Si, comme l'affirmait déjà Freud, c'est le pouvoir d'Eros seul qui peut relier les hommes insatisfaits du monde du calcul et de l'utilitarisme, il faudra compter sur sa plus haute réalisation, c'est-à-dire la performance supérieure de la culture que représente l'art par excellence. Et si celle-ci semble être absorbée par la généralisation de la télé-spectacle et de la consommation à l'échelle mondiale, il faudra porter notre regard sur le « partage » du bien minimal, par exemple celui du langage, comme nous invite à le penser Bailly en s'autorisant de Benjamin, ou comme le souligne encore Deguy en insistant sur le rôle de l' "image" poétique qui fait com-paraître nous-mêmes et les choses du monde. Comment sentir et figurer l'autre par le biais de la subjectivation poétique (par la com-passion ou par le colère par exemple) et comment l'associer au sentiment politique ? Telle est l'amorce de notre réflexion.



- Franck VILLAIN (Univ. de Tsukuba)
"Le "lieu commun" du poème dans la poésie d'Antoine Emaz"


La poésie d'Antoine Emaz accorde une importance majeure à la notion du commun. Ecrire ne vise ainsi qu'à "tuer Narcisse pour que l'autre puisse rejoindre". Ce désir d'entrer en partage impose à l'écriture une esthétique et une matière précise : "J'écris à partir ce qui est banal en moi, ma part de gris, de commun, parce que seule cette part peut être partagée". "Le vivre ensemble" se place donc ici hors des grandes fables de l'existence et se centre uniquement sur le monocorde d'une vie sans relief particulier et condamnée à s'écouler au jour le jour "dans l'habituel, le repérable, le déjà-vu". Le quotidien sert d'assise à cette mise à plat de l'existence et permet au sujet qui écrit de s'éprouver parmi l'ensemble anonyme des hommes. Notre étude se propose de s'arrêter sur ce commun porté par le quotidien afin de souligner, d'une part, comment le poème s'établit comme "lieu commun", d'autre part, de sonder les perceptions de soi, de l'autre et du monde qui en découle. Il s'agira notamment d'insister sur la mise à plat des perceptions et de la crudité du langage, d'une saisie du commun au travers d'une esthétique du flou et de l'atonalité, de la saisie de soi et de l'autre au travers d'angoisses et d'hantises communes …