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Appels à contributions
Écrire sur/avec/de la littérature, Repères, n°40, INRP

Écrire sur/avec/de la littérature, Repères, n°40, INRP

REVUE REPERES INRP – LYON

Numéro 40 APPEL A CONTRIBUTIONS ECRIRE SUR / AVEC / DE / LA LITTERATURE

L'institution, à l'école, de la littérature comme discipline et comme « informatrice » des productions écrites permet de penser l'articulation entre écriture littéraire des écrivains et écriture littéraire à l'école. Mais quels points communs et quelles différences radicales entre ces deux activités ? Quels rapports variés et sans doute complexes, les écrits scolaires entretiennent-ils avec la littérature ? Le présent appel à contributions, en jouant sur les prépositions, tente de sérier les axes possibles d'entrée dans la problématique. Ecrire sur la littérature est une activité classique et formatée au lycée mais récente et formellement plus ouverte à l'école où, depuis les programmes 2002, ont théoriquement été introduits des écrits réactifs à la lecture aux formes variées (reformulations, formulations de questions ouvertes, interprétations de passages ouverts, narrations de lecture, souvenirs de lecture…) et aux enjeux diversifiés (faire parler le texte -éventuellement avec d'autres textes -, parler avec le texte, se parler sur le texte). Une activité postérieure à la lecture et la réifiant au lycée, une activité accompagnant et soutenant le processus dynamique de la lecture à l'école. Comment les enseignants du primaire (mais aussi du collège) s'emparent-ils de ces écrits et les inscrivent-ils efficacement dans le processus dynamique de la quête (individuelle et collective) de sens ? Comment les élèves s'emparent-ils effectivement de cet espace d'expression ? Quelles formes le texte du lecteur prend-il et que dit-il ? Ne peut-on concevoir, (mais à quelles conditions didactiques ?) que l'écrit réactif à la lecture de la littérature, tout en disant la lecture faite, la dise sous la forme d'un écrit à intention littéraire ? Ecrire sur la littérature se conjuguerait alors avec écrire à travers et de la littérature ? Ecrire avec la littérature renvoie, sans ambiguïté apparente, à toutes les activités où le ou les texte(s) lu(s ) est (sont) prétexte(s) à imitation, complémentation, transformation. Mais se posent en ce point de nouvelles questions. Que l'on pousse les élèves à s'inscrire dans la matière déjà présente d'un auteur ou qu'on leur fasse écrire des récits ou des poèmes sans référence directe et explicite à un ou des auteur(s), quel est le statut exact des textes produits ? Ecrit-on de la littérature ou du moins quelque chose qui prétend y ressembler ou encore tout autre chose ? La pratique qui consiste à demander à l'élève de s'immiscer dans le texte d'un autre pour (fictivement) l'achever, le compléter, le transformer, si elle est une pratique parfois attestée chez les auteurs, n'est cependant pas une pratique attestée à l'école dans les autres domaines artistiques : si l'on incite souvent au pastiche pictural, on ne demande pas à l'élève de tracer le nez volontairement oblitéré d'un tableau de Picasso, de modifier les couleurs d'un tableau de Delaunay, d'ajouter de nouvelles montres molles à un tableau de Dali. Sans doute parce que l'opération détruirait de facto la qualité artistique de l'objet. Qu'est-ce qui autorise cependant des demandes similaires en littérature ? Quelles fonctionnalités assigne-t-on dans les classes à ces tâches d'intrusion dans les textes d'auteurs ? Plus largement, les pratiques scolaires d'écriture en rapport avec la littérature (écrits narratifs, poèmes) ne se tiennent-elles pas en marge de la littérature ? Comment des enseignants dont la formation ne leur permet pas le plus souvent d'écrire eux-mêmes des récits ou des poèmes ayant une dimension artistique peuvent-ils enseigner des pratiques d'écriture qui relèvent de la littérature ? Les contenus d'enseignement, les critères d'évaluation majoritairement sélectionnés à propos du récit se réfèrent à un prototype introuvable, insensible à la variation générique et à la variation idiosyncrasique, et négligent bien des dimensions du récit réussi : sa fonction intriguante, créatrice de curiosité, de suspense et de surprise, ensemble d'éléments que l'on peut regrouper sous le terme de « tension narrative » . Autant de critères de réussite d'une narration passionnante et stimulante, intégrant les effets de réception (dans leur dimension cognitive, esthétique et affective) mais que les grilles formelles préétablies, d'inspiration structuraliste, empêchent de prendre en compte. En somme, n'enseigne-t-on pas des savoirs professionnels, valables seulement dans la sphère professionnelle et déconnectés de la réalité même de la littérature ? Comment et pourquoi se fait-il qu'un enseignant ne puisse réinvestir ses expériences de lecteur dans son enseignement de l'écriture (à défaut de ses expériences de scripteur), plus exactement, puisse concevoir un enseignement de l'écriture en contradiction ou décalage manifeste avec ses expériences de lecteur ? Parvient-on dans les classes, et si oui comment, à enseigner des « attitudes » d'auteurs ? Autant de questions dont les réponses s'appuieront sur des descriptions et analyses de pratiques courantes effectives.

Sur un autre plan, le numéro souhaite également faire état de réflexions théorico-pratiques prospectives, issues de recherche en cours. Les analyses de la critique génétique sur le devenir-oeuvre du texte littéraire ont permis de démontrer qu'écrire n'est pas un acte solitaire mais l'orchestration permanente de plusieurs voix en débat, en tension, parfois en conflit, que matérialisent les traces de la genèse, laissées par les écrivains. Ainsi les manuscrits littéraires montrent-ils que la formation d'une oeuvre se fait la plupart du temps au sein d'une « aire d'écriture » : souvent « avec » des modèles littéraires lus et assimilés (formation, affinités, écoles…) « contre » des repoussoirs (rivalités, détracteurs, critiques…) peu ou prou par l'accompagnement d'une réflexion esthétique « sur » la production et la poétique littéraires (le journal d'un Gide, la correspondance d'un Flaubert, la critique littéraire d'un Zola…). Ecrire, c'est « se situer », et c'est aussi instaurer des « distances » entre des discours multiples conservés dans la mémoire de l'écrivain et dont les positionnements respectifs, souvent mobiles, se règlent au cours de l'acte de création. Sans doute ces pratiques interactives proposent-elles une définition de la littérature comme laboratoire expérimental de formes esthétiques, comme jeu entre des espaces énonciatifs limitrophes, comme alternances de postures d'opposition, de synthèse, de coordination dialogique chez l'écrivain. Du côté des apprentissages scolaires, la valorisation actuelle des « écrits de travail » au sens large (carnets, brouillons, croquis, ébauche, journal d'écriture…) et les interactions pédagogiques et communicationnelles entre « lire », « dire » et « écrire » ouvrent des perspectives sur les interférences possibles entre des pratiques diverses, jusque là assez cloisonnées. Elles rejoignent, à leur échelle, le « positionnement » énonciatif des écrivains, et peuvent aider les élèves « à entrer » en littérature par le croisement des perspectives littéraires sur l'écriture. Des liens peuvent, en effet, se nouer entre écrire avec (et contre), écrire sur et écrire de la littérature. Il s'agit de comprendre comment tel texte littéraire réécrit tel autre (un carnet de lecture - écrire sur - se nourrit de toutes les lectures mémorisées - écrire avec ), comment telle activité reconfigure telle autre (un cahier d'écriture - écrire de - peut reconfigurer le métalangage d'expertise des textes - écrire avec-), comment tel support sert de laboratoire à tel autre (un repoussoir peut ébaucher une contre-écriture)… Enseigner la littérature, c'est peut-être exploiter cette complexité et cette instabilité sémiotique, générique et intertextuelle, c'est travailler dans la mise en réseau invisible et le réajustement permanent d'écrits, où produire de la « fiction » c'est tirer profit de la « friction ». Comment provoquer en classe cette « friction » ? dans quel ordre (avec, de sur ?), avec quelle hiérarchie ? Quels liens se font jour alors, chez les élèves, entre écrire « sur », « avec » pour écrire « de » la littérature ?

Les propositions de communications sont attendues pour le 1er octobre 2008 et sont à adresser à : Olivier Lumbroso lumbroso.olivier@wanadoo.fr Claire Doquet-Lacoste lacoste.claire@wanadoo.fr Catherine Tauveron catherine.tauveron@inrp.fr La première version des articles retenus sera rendue le 15 février 2009 et la publication prévue en décembre 2009.