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Ecrire la mémoire de la Shoah : la génération d'après

Ecrire la mémoire de la Shoah : la génération d'après

Publié le par Camille Esmein (Source : Annelies Schulte Nordholt)

CRIN (Cahiers de recherches des instituts néerlandais de langue et de littérature françaises).
Numéro spécial : Ecrire la mémoire de la Shoah : la génération d'après


Cahier dirigé par Annelies Schulte Nordholt, Université de Leyde, Pays-Bas.

Depuis une vingtaine d'années au moins, l'on s'accorde sur le fait que les survivants de la Shoah ont, dans une certaine mesure, transmis leur traumatisme aux générations suivantes. Ainsi naît ‘la génération d'après' : le terme est emprunté à Robert Bober, chez qui il désigne spécifiquement les enfants rescapés, mais nous nous en servirons ici au sens large de tous ceux qui « n'étaient pas là » mais dont la vie est profondément marquée par la Shoah et ses séquelles. Il s'agit aussi bien de ceux qui sont nés après 1945 - enfants ou petits-enfants de survivants - , que des anciens enfants rescapés, souvent trop jeunes pour avoir eu une expérience consciente des événements, mais profondément marqués par eux.

Or, depuis les années '70, l'expérience de la génération d'après a donné lieu à une littérature extrêmement riche, toujours croissante d'ailleurs, en Europe, aux Etats-Unis et en Israël. Il s'agit donc d'un phénomène international. En France, dans les années ‘80, de nombreux romanciers, nés après '45, comme Henri Raczymow, Cécile Wajsbrot, Gérard Wajcman, Claude Gutman et Myriam Anissimov, s'affirment sur fond de renouveau de la mémoire juive. En même temps, il y a une attention accrue pour la voix des anciens enfants rescapés, comme Sarah Kofman ou Marcel Cohen. D'autres anciens enfants rescapés, comme Georges Perec ou Raymond Federman, écrivent et publient depuis la fin des années '60, mais il faut attendre notre époque pour que chercheurs et lecteurs se sensibilisent à la dimension autobiographique de leur oeuvre. Aujourd'hui, après les anciens enfants rescapés et la deuxième génération, c'est la troisième génération qui prend la relève, avec de jeunes écrivains en vue comme Marianne Rubinstein.

C'est ce vaste domaine - la littérature de la génération d'après en France, depuis les années ‘70 jusqu'à nos jours – qui, dans toute sa diversité, est au centre du présent volume. Deux lignes de force :

1)primo, les questions complexes touchant au témoignage et à la mémoire, en particulier lorsqu'il s'agit d'une mémoire indirecte, empruntée. Toute cette littérature porte à interroger les notions, convergentes, de ‘témoin secondaire' (Lawrence Langer), de ‘témoin absent'(Claude Burgelin, Ellen Fine), de ‘témoin de substitution'(Froma Zeitlin), ou de ‘Juif par procuration' (Henri Raczymow). Comment quelqu'un qui n'était pas là peut-il, malgré tout, témoin, et transmettre une mémoire ? Et de quelle mémoire s'agit-il alors ? ‘Post-mémoire' (Marianne Hirsch), ‘mémoire absente' (Claude Burgelin), ‘mémoire trouée' (Henri Raczymow)…

2) Une deuxième ligne de force, qui traverse tout le corpus et qui demande donc à être interrogée, c'est l'attention portée à l'écriture comme invention et création. Invention au sens où Raczymow ou Perec recourent sciemment à la fiction, tenus d'inventer et de recréer ce qu'ils n'ont pas vécu ou ce dont ils ont perdu toute mémoire. Tout le problème des rapports entre la fiction et du témoignage se pose ici, se compliquant encore avec l'autofiction à laquelle recourent, de manières fort différentes, un Serge Doubrovsky ou un Patrick Modiano. D'autre part, qui dit écriture dit renouvellement formel, et ccrtains de ces écrivains, comme Perec et Federman, se situent à la pointe de l'invention verbale et des expérimentations formelles des années '70. Il faut se demander alors comment de telles techniques formelles peuvent opérer comme stratégies pour mettre en scène le silence et l'absence, le vide qui caractérise la mémoire ‘trouée'.

Nous vous invitons à nous soumettre toutes propositions (une dizaine de lignes) avant le 1er juin prochain. Après acceptation de votre proposition, la date-limite de remise des articles est fixée au 1er décembre 2006. La parution du volume est prévue pour 2007.