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Écrire et penser en Moderne (1687-1750

Écrire et penser en Moderne (1687-1750

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Christelle Bahier-Porte)

Écrireet penser en Moderne (1687-1750)

Colloque international

ENS Lyon - 20 et 21 novembre 2012

Organisé par le CEREDI (Rouen) et l'Institut Claude Longeon(UMR 5037, Saint-Étienne)

Déjà implicitement à l'ordre du joursous le règne de Louis XIII, la querelle des Anciens et des Modernes devientpublique, prenant presque la dimension d'une affaire d'État, lorsque CharlesPerrault présente Le Siècle de Louis le Grand à l'Académie(1687) et engage dès l'année suivante un violent combat contre Boileau avec le Parallèle des Anciens et des Modernes(publié entre 1688 et 1697). Malgré la réconciliation de 1694, la querelle, onle sait, connaît un nouveau paroxysme dans les années 1711-1715 autour de latraduction en prose de l'Iliade parHoudar de la Motte pour s'apaiser fin 1715. Jusque dans les années 1750,cependant, elle continue de marquer les esprits et d'orienter les choixpolitiques aussi bien que philosophiques et esthétiques. Pus profondément,l'idée que l'esprit conditionne son propre perfectionnement et qu'il est, à cetitre, engagé dans une dynamique de transformation, constituera le terreau del'esprit des Lumières. Or, d'emblée, les Modernes avaient pris en charge cetravail de perfectionnement.

L'intention de ce colloque n'est pasde reprendre à nouveaux frais l'étude d'une querelle souvent et fort bienétudiée[1], mais de porterl'éclairage sur l'exigence d'une nouvelle culture – culture de méthode plus quede savoir – qui donne son impulsion et son caractère intentionnel à l'attitudequi a fait désigner les Modernes comme tels et concentrer sur eux l'attentiondu public.

Défenseurs de l'absolutisme, lesModernes en effet sont aussi porteurs d'un changement de société :

- à leurs yeux, les femmes sont capables degoût et de jugement ; ainsi Perrault réplique à la satire X sur les femmesde Boileau par une Apologie des femmes.

- Leur projet d'une société régie par lesmathématiques les conduit à faire de la science une véritable force sociale.

Ces prises depositions ainsi que l'optimisme rationnel qui les accompagne, ils sontconvaincus de pouvoir les appuyer par une nouvelle manière de penser, laquellesuppose un nouveau langage et une nouvelle écriture qui permettent de passer dela trompeuse familiarité du faux à l'évidence éclatante du vrai. Une telleinitiative, perturbante pour beaucoup dans la mesure où elle visait nonseulement à penser et écrire en moderne mais aussi à théoriser une forme depensée qui se nourrît de son propre mouvement, leur valut d'être tenus pourresponsables de la corruption de la langue, du goût et des moeurs hérités du« Grand Siècle ». D'où, peut-être, la minoration par la critique dela force d'innovation dont ils furent porteurs.

Il faut donc voir dans ce colloqueune invitation à relire les auteurs qui, entre la proclamation polémique etsolennelle du Siècle de Louis le Grandet la publication des premiers volumes de l'Encyclopédie,ont donné à cette initiative valeur de programme, à interroger les principes etles valeurs – la raison, mais aussi les passions et les sentiments – qu'ils ontvoulu promouvoir en théorisant autrement les anciens genres, en investissantceux qui étaient considérés comme mineurs ou en inaugurant de nouvelles formesd'écriture. Il s'agira enfin de prendre en considération le bouleversement du champlittéraire que ces principes poétiques induisent. Les propositionsd'interventions pourront s'inscrire dans les axes d'étude suivants :

1. Qui sont ces « Modernes » donton réduit trop souvent les troupes à ceux que la polémique a portés en pleinelumière (Perrault, Fontenelle, Houdar de La Motte) ? Un corpus serait à établir d'auteurs moinsfréquentés par la critique (Dufresny, Laurent Bordelon, Saint-Hyacinthe..).Peut-on distinguer plusieurs générations de Modernes et selon quelscritères ? Peut-être, dans une telle perspective, conviendrait-il des'interroger sur les modalités de leurs positionnements au regard desinstitutions académiques, de l'héritage des Anciens mais aussi du Grand Sièclelui-même. Certains auteurs, trop vite associés à un camp, appellent révision deleur cas.

2. Que signifie « écrire et penser enModerne » ? On a souvent commenté l'apport décisif de Descartes dansl'élaboration de cette pensée en ce qu'il avait mis l'accent sur l'importancede la méthode, mais Malebranche, Pascal, les libres penseurs anglais, lapresse, l'importance accordée aux sciences ont aussi joué leur rôle dans la volonté des Modernes de rendre la forcenouvelle de l'esprit et une anthropologie profondément reconsidérée par unepoétique, une esthétique, une politique éditoriale neuves à l'adresse d'unpublic lui aussi renouvelé.

3. Les femmes, cible privilégiée des écritsmodernes ont joué un rôle considérable dans la reconfiguration du champlittéraire : comme public, comme image publicitaire, comme relais deréseaux intellectuels, politiques et mondains à l'échelle de l'Europe, commeproductrices de savoirs et de textes enfin, et cela en dépit de l'attitude pourle moins ambiguë des Modernes de sexe masculin assez peu ouverts, il fautl'admettre, à une concurrence aussi neuve.

On l'aura compris, cecolloque se réclame d'une vocation interdisciplinaire et entend privilégier ledialogue entre les littéraires, philosophes, historiens, historiens dessciences, spécialistes des beaux-arts et musicologues. Ajoutons que les pistesindiquées ne sont pas limitatives et que les suggestions neuves et originalesseront les bienvenues.

Les propositionsd'intervention sont à envoyer conjointement à Christelle Bahier-Porte (christelle.porte@univ-st-etienne.fr)et Claudine Poulouin (Claudine.Poulouin@univ-rouen.fr)avant le 15 janvier 2012.


[1] H. Rigault, Histoire de la querelle des Anciens et des Modernes, Hachette,1856. Hubert Gillot, La Querelle des Anciens et des Modernes en France: De la Défense etIllustration de la langue française aux Parallèles des anciens et des modernes,Champion, 1914. Noémi Hepp, Homèreen France au dix-septième siècle, Klincksieck, 1968, D'un siècle à l'autre : anciens et modernes, éd. du CNRS, 1987 et plus récemment l'essai deMarc Fumaroli, « Les abeilles et les araignées », en introduction duvolume La Querelle des Anciens et desModernes, Folio Gallimard, 2001.