Questions de société
École d'art et évaluation Aeres : lettre à la ministre de la culture (17/03/09)

École d'art et évaluation Aeres : lettre à la ministre de la culture (17/03/09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : kader mokaddem)

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École d'art et évaluation aeres : lettre à la ministre de la culture. Ecole supérieure d'art et de design de Saint Etienne

À Madame ChristineAlbanel,

Ministre de laCulture

Ministère de laCulture et de la

Communication

3 rue de Valois

75033 Paris cedex 01

Madame la Ministre,

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Le rapport de l'Évaluationprescriptive de l'AERES portant sur la possibilité d'attribution du grade de Masteraux titulaires du DNSEP délivré par les écoles d'art suscite de vives inquiétudes 

Nous tenons à cestade de notre réflexion à vous faire part de deux points de désaccord radical:

1- le mémoire derecherche

2- le niveau dequalification des enseignants

-1- L'élaboration dumémoire de DNSEP ne relève en aucun cas d'une pratique d'écriture normée,normalisée. Les mémoires sont de droit et de fait, dans les écoles d'art, un acte de création qui poursuit, complète, déploie sur un autre registreet un autre plan les enjeux d'un projet artistique. L'écriture ne sert ni à «commenter»pour reprendre la critique du rapport ni ne sert une pure pratique discursiveou cognitive.

Ce que le mémoire déploieet construit, c'est la manière spécifique dont un «artiste» instruit un rapportavec l'écriture. Cette écriture ne peut être formatée selon les critèresuniversitaires.

L'écriture du mémoiredéveloppe la singulière conception, la singulière conceptualisation de l'acte d'écriturecomme acte de création. Il ne peut être ainsi nullement établi de normes extérieuresformelles à la réalisation de ces mémoires.

Chaque étudiant, entant qu'il déploie un processus de création, établit une procédure d'écriturequi est une conceptualisation: le projet trouve une formulation par le biais d'uneécriture spécifique. Il cherche à déterminer un positionnement adéquat àl'élaboration, la construction et à la production d'un projet de création.

De fait, le mémoirene doit en aucun cas donner lieu à une soutenance spécifique séparée duprocessus de production et de création artistique, il en est un élément à partentière.

-2- Si l'écriture dumémoire est un point d'achoppement à l'égard de ces préconisations, c'est égalementparce que, par ce biais, le rapport s'attaque à la constitution même des équipespédagogiques au sein des écoles d'art. Non content de préconiser un formatagedes pratiques singulières d'écriture, pourtant inhérentes à toute productionartistique (de l'art, de la communication et du design), le rapport préconiseune pratique d'enseignement totalement inadaptée aux enjeux, aux missions d'uneécole d'art. Le recrutement aussi bien des professeurs plasticiens que desprofesseurs d'enseignement «théorique» ne peut se faire seulement sur titreuniversitaire, il se construit aussi sur la pertinence des itinéraires derecherche des professeurs. Le doctorat n'est pas le seul élément pour déterminerla pertinence d'un enseignement, d'une pratique d'enseignement en marge de l'enseignementuniversitaire.

Chaque école inaugureune pratique d'enseignement supérieur qui fait sa particularité sa spécificitéet les préconisations ne semblent pas percevoir ce caractère inédit des écolesdans le paysage de l'enseignement supérieur qui arrive à faire place à des compétences,à des qualités qui ne sont pas issues des procédures de formations de l'enseignementuniversitaire.

Les préconisationsprivilégient un calibrage formel des mémoires et des enseignements enintroduisant des critères inadaptés à la situation des écoles d'art dans l'enseignementsupérieur.

Il nous sembleimportant de vous rappeler certains points:

Depuis quelques annéesdéjà, les écoles d'art ont initié une transformation de leurs pratiques pédagogiquessous la pression des instances ministérielles mais aussi de leur propre chef enformulant des projets pédagogiques divers exprimant la multiplicité des enjeuxdes pratiques artistiques.

Ces transformationsse sont toutes faites pour le moment au nom d'une mise en conformité législativeet juridique des écoles d'art. Ce processus est en cours d'accomplissement, ilne faut pas qu'il soit pour les écoles d'art l'occasion d'une perte, d'unappauvrissement.

Les écoles d'art sontde fait des enseignements relevant du supérieur, mais les modèles d'enseignementsupérieur ne sont pas à chercher uniquement dans les procédures universitaires.

Les écoles d'art ontsu créer un rapport propre et spécifique à la recherche, il n'est pas encoretotalement «formalisé», pas totalement encore déterminé dans des documents,mais il existe. Il a pour nom, un terme qui paraîtra incertain à d'aucuns maisqui a le mérite de tenir compte d'un rapport réel aux pratiques de créations:le projet.

Le rapport soulèveune question essentielle en dehors de ces points. Elle touche à la fonction desécoles d'art dans les dispositifs et distributions des savoirs et desconnaissances. Il semble que l'accent, dans ce rapport, soit mis sur la communication savante des projets et des travaux des étudiants à la foiscomme critère d'évaluation (d'où la volonté de transformer illégitimement la pédagogieen instruisant une modélisation universitaire) mais également comme mode dediffusion des travaux, productions et créations des étudiants. Le mémoire, lathèse s'ils sont à l'université les modes de «communication» des résultats dela recherche sous la forme d'un produit tentant, avec ses normes spécifiques,de se rapprocher du produit

livre, ne peuventabsolument pas servir de modèles à la diffusion et à la communication de larecherche comprise comme projet.

Le rapport pour tenirvraiment compte de la spécificité des écoles d'art dans le supérieur pourrait véritablementquestionner les modalités spécifiques de diffusion-communication des projetsdes étudiants. Ce n'est pas le volume-objet livre où l'écrit institutionnalisé qui prime mais des modalités particulières qui semanifestent au cours du cursus des étudiants et au moment des DNAP et DNSEP: l'exposition,la monstration, l'édition…

Ce sont donc cesmodalités qui semblent devoir être interrogées comme pratique d'écriture plutôtque le mémoire conçu de manière totalement extérieure au projet.

Il nous apparaît doncimportant que les conclusions de ce rapport ne servent pas, en l'état, defeuille de route dans le passage des écoles d'art au système LMD.

Il nous apparaîtbeaucoup plus important que les modalités précises des écoles d'art arrivent àmanifester naturellement leurs particularités et spécificités dans le paysagede l'enseignement supérieur.

Les enseignants, les personnels techniques et les étudiants de l'ESAD deSaint-Étienne ont adopté ce texte en assemblée générale le 17 mars 2009.

Copies à:

Monsieur OlivierKaeppelin Délégué aux arts plastiques

Monsieur MauriceVincent Maire de la ville de Saint-Étienne, Président de Saint-Étienne

Métropole

Madame FrançoiseGourbeyre Adjointe à la culture de la ville de Saint-Étienne

ANDEA

CNEEA