Essai
Nouvelle parution
E. Fiat, Petit traité de dignité

E. Fiat, Petit traité de dignité

Publié le par Marc Escola

Grandeurs et misères des hommes - Petit traité de dignité
Eric Fiat


Paru le : 10/03/2010
Editeur : Larousse
Collection : Philosopher
ISBN : 978-2-03-584296-1
EAN : 9782035842961
Nb. de pages : 234 pages

Prix éditeur : 17,00€


Lorsque Charles de Gaulle et sa femme Yvonne se recueillirent devant la tombe de leur fille trisomique, il lui prit la main, se pencha sur elle et lui dit : " Vous voyez, Yvonne, maintenant, elle est comme tout le monde.

"Tous les hommes sont-ils dignes ? Ou seulement les meilleurs d'entre eux ? La dignité est-elle intrinsèque à la personne humaine ou peut-elle se perdre sous l'effet des conduites ou des situations ? Tous les hommes doivent-ils être respectés ?Y a-t-il du sacré en tout homme ? C'est à toutes ces questions que ce Petit traité de dignité tente de répondre au travers d'une galerie de portraits de personnages réels (comme le général de Gaulle ou encore François Mitterrand) ou imaginaires (comme la très digne Mademoiselle Henriette ou l'indigne clocharde Julie, dont on lira l'histoire de la vie et de la mort), portraits qui se veulent une illustration à la fois littéraire et philosophique de la célèbre Pensée de Pascal : La grandeur de l'homme est grande de ce qu'il se connaît misérable.

Sommaire:

DIGNES PORTRAITS ? PORTRAIS D'INDIGNES

Dignes portraits
Portraits d'indignes
Le plus dignes des deux n'est pas celui qu'on pense : quelle valeur a notre vie ?

CINQ PRINCIPALES CONCEPTIONS DE LA DIGNITE
La conception bourgeoise ou Aventures et mésaventures de Mademoiselle Henriette
La conception monothéiste ou Pierre l'image de Dieu
La conception kantienne ou la loi morale en Elsa, le ciel étoilé au-dessus d'elle
Intermède - Du respect

L'auteur:

Eric Fiat, agrégé de philosophie, est maître de conférences de l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée (77) et professeur au Centre de formation du personnel hospitalier de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

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Dans Libération du 1/7/10, on pouvait lire cet article de R. Maggiori:

Bien se tenir

Critique

Tirée à hue et à dia, utilisée pour toutes les causes, la notion de dignité est redéfinie par le philosophe Eric Fiat

Par ROBERT MAGGIORI

Peut-être est-ce parce que l'indignité s'expose sur la scène médiatique, politique, sportive, qu'aujourd'hui de nouveau s'impose une méditation morale sur la dignité. Etrange notion, au demeurant, tirée à hue et à dia, invoquée de la même manière par ceux qui militent pour et contre la légalisation de l'euthanasie, pour le port et l'interdiction du port de la burqa, et apte à «saturer de sa présence à la fois solennelle et creuse tant de déclarations, textes constitutionnels, textes de loi et discours inspirés». Que faire quand une valeur «révérée, célébrée, vénérée même par toute notre époque» est d'un sens si peu assuré «qu'il semble qu'on n'y trouve rien d'autre que ce qu'on veut bien y apporter, comme dans l'auberge que l'on sait» ? Aux yeux d'Eric Fiat, il faut en appeler à la philosophie pour redonner une dignité à la dignité, et réactiver le sens fondamental, qui ne s'est pas perdu mais qui s'est trouvé trop étendu à mesure que l'on passait «de Dieu à l'humanité, de l'amour au respect, du prochain à la personne», sur la dignité de laquelle il est devenu «naturel» de veiller à tout prix. Aussi revient-il à des questions premières : «Tous les hommes sont-ils dignes ou seulement les meilleurs d'entre eux», et si tout homme, du seul fait qu'il est homme, doit être inconditionnellement respecté, quels que soient son âge, son sexe, sa condition sociale, son origine ethnique, sa religion, ses opinions, comment expliquer qu'il puisse parfois perdre sa dignité ?

«Fou». Le Petit traité de dignité - sous l'égide de Kant, mais dont maintes pages laissent percevoir (et reconnaissent) l'empreinte de Jankélévitch, tant dans le contenu que dans le brio de l'écriture - répond à ces interrogations de manière claire et systématique, en mêlant à l'argumentation philosophique, pour la rendre plus vivace, des inserts narratifs, des «dignes portraits» et des «portraits indignes» de personnages fictifs ou réels (De Gaulle ou Mitterrand). L'ouvrage conteste d'abord qu'on puisse se contenter d'affirmer que la dignité est inhérente à homme, car, si on s'en contentait, on ne saurait que rétorquer à ceux qui la nient à certains (en s'autorisant ainsi à les traiter comme des choses), sauf à les trouver eux-mêmes indignes, c'est-à-dire, contradictoirement, à leur ôter ce qu'on déclare être en quiconque. Qu'est-ce qui, en tout homme, «y compris en ce chenapan, en cet orgueilleux, en ce comateux, en ce traître, en ce fou, en ce tortionnaire», est donc porteur d'une valeur absolue ?

Dans l'optique religieuse, point de difficulté : chaque créature est faite à l'image de Dieu . Eric Fiat privilégie la réponse de Kant, certes «répétée à l'envi», «canonisée», mais sans laquelle il n'y aurait aucune raison de considérer tout homme digne d'une dignité absolue : un respect inconditionnel est dû à la dignité de la personne humaine, et est une personne tout être qu'habite la loi morale.

Aussi une personne, qui en tant que telle doit être considérée dans sa dignité, peut-elle, en tant qu'individu, la perdre, lorsque des forces extérieures la condamnent à une condition miséreuse ou à une situation humiliante qui la font se sentir indigne, ou, volontairement, lorsque sa conduite misérable offense la loi morale et balafre, comme dirait Levinas, le Visage de l'autre homme.

Quant à soi. La dignité n'a évidemment pas comme seule source celle que lui attribuent la religion ou la philosophie de Kant. C'est pourquoi le Petit traité rappelle qu'elle est aussi une valeur bourgeoise, créée ad hoc par la bourgeoisie pour atteindre à la distinction, en s'éloignant d'un côté de la «vulgarité» du peuple et en se rapprochant de l'autre de l'«honneur», que la noblesse avait par naissance. Il décrit la conception «relationnelle» de la dignité, dans laquelle «le moi s'éveille par la grâce de toi», et la conception «moderne», opposée à toutes les autres, parce qu'à Autrui elle préfère toujours le quant-à-soi, aux devoirs les droits, à l'«obligation tyrannique de se retenir l'obligation non moins tyrannique de se lâcher», mais également parce que, tenant à l'égalisation des conditions, elle a favorisé «le passage de la dignité comme privilège, apanage, à la dignité comme bien commun».

Eric Fiat ne glorifie pas la dignité : il en fait une vertu fragile et délicate, soeur de modestie. «La conduite digne est conduite de qui se tient, se contient, empêche la manifestation de ce qu'il y a de plus bas en lui. Se tenir debout, mais, attention, avec une forme de réserve», «sans se montrer digne», sans «cette ostentation qui ferait vite la dignité dégénérer en fierté» - la fierté étant à la dignité «ce que la coquetterie est à la pudeur».