Actualité
Appels à contributions
Du dispositif à l'imprévu

Du dispositif à l'imprévu

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Revue Réel-Virtuel)

 

DU DISPOSITIF À L’IMPRÉVU

APPEL A TEXTES  N°4

 

En complément de la thématique sur l’« Archéologie des nouvelles technologies » pointant des enracinements historiques (n°3), la revue Réel-Virtuel propose d’explorer la dimension imprévue des dispositifs numériques et d’éprouver ainsi une conception non linéaire de l’innovation. Ce numéro est interdisciplinaire et sera notamment ouvert à l’étude de démarches expérimentales qui exploitent les divers bugs et autres failles. Ces recherches permettront-elles de positiver ces accidents critiques en évènements créateurs et réflexifs ?

Bien que les dispositifs ne cessent de se développer à partir de technologies de plus en plus élaborées, des dysfonctionnements persistent néanmoins et nous engagent à les repenser. Selon Foucault, les dispositifs sont « stratégiques » : ils supposent une « manipulation », des interventions « rationnelles et concertées ». Leur fonctionnement serait fondé sur des capacités de régulation et de contrôle, auxquelles l’imprévu semble radicalement étranger. C’est le rapport du dispositif à l’imprévu comme à son altérité que l’on pourra interroger. Le bug comme le bruit ou le virus informatiques renversent-ils l’image d’un pouvoir infaillible de l’homme via la machine ? Par-delà l’apparence d’une irruption accidentelle relevant d’une contingence technique, ces dérèglements pourront-ils être dévoilés comme des failles signifiantes, ouvrant sur des profondeurs inexplorées de la technologie ? Plutôt qu’un simple non-prévu postérieur au dispositif, l'imprévu serait-il l’actualisation d’un préalable qui le structure et fait retour ? Car la « machine », selon Lacan, est conditionnée par un point irréductible, impossible à dire (caput mortuum du signifiant). En transposant le cadre psychanalytique qui permet l'ouverture d'un espace psychique de parole, pourrons-nous interpréter l’imprévu comme la manifestation d’un mécanisme inconscient ?

En outre, les défaillances informatiques impulsent en retour autant de recherches pour les dépasser. Interrompant la visée linéaire du projet, l’imprévu ouvre à une autre vision, recentrée sur l’outil utilisé et le processus de son invention. Est-elle la matérialisation d’une idée claire ou a-t-elle lieu dans la rupture, surgissant hors des formulations rationnelles ? Comment l’imprévu, destruction de tout repère, peut-il se déployer en démarches d’expérimentations ? En mettant à jour une altérité encore impensée, serait-il une condition de l’innovation ? Les bugs sont-ils des failles effectives à résoudre et à effacer, ou des ouvertures questionnantes, riches de virtualités ? Les dispositifs pourraient-ils ainsi être redéfinis hors de leur instrumentalisation et de leur pouvoir de détermination ? Dans quelle mesure certains concepts issus d’autres champs, comme la « différance » (Derrida), la « simultanéité contradictoire » du symptôme dans l’image (Didi-Huberman), l’articulation entre « différence » et « répétition » (Deleuze), ou encore entre « crise » et « création » (Maldiney), pourraient-ils être appliqués aux nouvelles technologies et en éclairer certaines modalités ?

De plus, l’imprévu ouvre autant à l’investigation scientifique qu’à diverses explorations artistiques, comme les vidéos expérimentales, les interventions contextuelles, les dispositifs interactifs, voire certains détournements, à la fois calculés et perturbant, du réseau Internet (hacking). À partir de créations fondées sur des surgissements imprévus, pourrons-nous repenser une poïétique de l’art numérique qui « découvre » (Benjamin) ses procédures techniques ? Depuis Turing, on peut différencier la machine (symbolique) et l’appareil (son support matériel), jusqu’à définir le dispositif artistique comme rapport spécifique entre un agencement et ses effets sensibles sur le spectateur (Duguet). Dès lors, comment comprendre l’expérience esthétique de l’imprévu qui, en faisant « évènement » (Lyotard), bouleverse l’appréhension du système ? Tel qu’il est exploré par les artistes, l’imprévu permet-il de dévoiler et de réinterroger le fonctionnement de dispositifs inscrits dans la quotidienneté ? Positiver l’imprévu qui surgit des technologies, serait-ce une manière particulière de s’opposer, à la suite d’Agamben, à leur mécanisme aliénant ? Et ce questionnement peut-il être intégré dans la conception même de logiciels de création, favorisant une pensée de l’écart, s’ouvrant à des reconfigurations et renouvelant la posture de l’usager ?

Les propositions (4000 signes) peuvent être envoyés jusqu’au 31 mai 2012 à revuereelvirtuel@gmx.fr.

Également, les rubriques Varia des numéros précédents peuvent être enrichies en permanence par de nouvelles contributions. Pour plus d’informations, voir le site de la revue : http://www.reelvirtuel.com.