Questions de société
Dotations globales de fonctionnement: mauvaises surprises pour les Présidents d'Université.

Dotations globales de fonctionnement: mauvaises surprises pour les Présidents d'Université.

Publié le par Marc Escola

Le début du mois de décembre est traditionnellement la date où les Universités reçoivent notification de leur DGF (Dotation globale de fonctionnement) sur laquelle doit évidemment être établie le budget de l'année suivante.

C'était l'heure de vérité sur les effets financiers de la loi LRU — et pour juger de la sincérité des différents "effets d'annonce" ministériels…

Les lecteurs de Fabula prendront ci-dessous connaissance, sans trop de surprise probablement, des courriers respectivement adressés, au lendemain de la notification de DGF, par les présidents des Universités de Paris 8, Montpellier et Paris-Sud (Paris 11): de la comptabilité publique comme art du trompe-l'oeil, pour les budgets universitaires comme partout ailleurs.

Selon nos informations, la situation est à peu près partout la même.


*  *  *

Paris 8:

Chers collègues

La direction de l'université Paris 8 a reçu lundi 8 décembre à 20h la notification par le ministère de la dotation 2009 pour l'université.

La globalisation des crédits a conduit à inclure dans le budget des universités des dépenses jusqu'alors directement prises en charge par le ministère. Il est dès lors extrêmement difficile de comparer la dotation 2009 à la dotation 2008.

Pour autant, les premiers calculs montrent que cette dotation ne correspond nullement aux engagements du ministère.

Ainsi est-il écrit que Paris 8 bénéficiera de "moyens supplémentaires de 1 310 000 euros, ce qui représentera une première augmentation de 8,3%" par rapport à 2008. Or il est immédiatement précisé que ces moyens incluent entre autres :
- les crédits du plan réussir en licence (lesquels s'élèveront, selon le même document, à 1 578 000 euros) ;
- les crédits pour les primes d'encadrement doctoral et de recherche (actuellement 423 701 euros pris en charge par le ministère) ;
- les crédits correspondant à l'augmentation de l'enveloppe indemnitaire "destinée à promouvoir l'attractivité des carrières".

Il n'est pas besoin d'être expert comptable pour constater que l'augmentation de 1.310.000 euros doit servir à financer des dépenses... qui seront supérieures à 2 000 000 euros !

A cela s'ajoute la suppression imposée de douze emplois de fonctionnaires dont six en 2009, et l'imputation des allocations de recherche sur le budget de l'université (plus de 2 000 000 euros également).

Au final, il semble que le budget de l'établissement, présenté comme étant en hausse, subira en fait une diminution conséquente.

Nous sommes extrêmement surpris de constater que l'université de Paris 8 est répertoriée parmi les universités sur dotées, alors même que tous les indicateurs témoignent du contraire. Nous sommes également surpris de constater l'application par le ministère de critères de performance qui conduisent à une pareille diminution budgétaire, alors même que l'évaluation de l'établissement est encore en cours et que nos équipes de recherche et notre offre de formation ont bénéficié de bonnes, voire très bonnes, évaluations.

En raison de l'insuffisance de nos moyens actuels et compte tenu des charges nouvelles qui grèveront notre budget, se pose naturellement la question de l'accomplissement de nos missions de service public, notamment dans la perspective de la mise en place de la nouvelle offre de formation. Face à cette situation d'une gravité extrême, nous convoquons en urgence jeudi 11 décembre à 14h 00 l'assemblée des trois conseils.

La direction de l'université

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Montpellier 3:

À tous les personnels de l'université Paul-Valéry



            La dotation ministérielle nous est parvenue vendredi à 23
heures.

            La somme qui nous est allouée nous permettra de présenter un
budget en équilibre pour l'année 2009, mais ce sera grâce aux crédits du
plan réussite en licence.

            En effet, cette dotation prévoit une augmentation globale de 8%,
la plus faible de toutes les universités, avec une DGF en baisse et des
charges nouvelles (primes d'encadrement doctoral, allocations de recherche)
compensées par une très forte augmentation du plan réussite en licence,
puisqu'il est proportionnel au nombre des étudiants et à leur situation
sociale, mais qui diminue d'autant la dotation générale. La conséquence de
ce tour de passe-passe est que le plan réussite en licence devra servir au
fonctionnement et que, plus un étudiant est en difficulté, moins le
ministère estime qu'on doit chauffer les locaux, dépenser d'électricité,
téléphoner, encadrer la recherche, etc.

            Le plus grave est dans la suite : le ministère nous annonce que
nous devrons rétrocéder 12 postes en 3 ans, dont 6 cette année (au choix,
enseignants ou BIATOS, de l'UPV ou de la BIU). Ainsi, selon les critères
nouveaux, notre université est passée d'une situation de sous-encadrement
reconnu (l'UPV occupait les 70e et 71e rangs parmi les universités) à
l'affirmation d'un sur-encadrement.

            Les engagements du ministère allaient en sens inverse : à
plusieurs reprises, la ministre avait affirmé la nécessité de rééquilibrer
les dotations jusque là très défavorables aux universités de Lettres,
Langues, Arts, Sciences Humaines et Sociales. Elle s'était par ailleurs
engagée à réduire les écarts entre les universités montpelliéraines dans le
cadre du projet de PRES. La dotation de 2009 revient sur l'ensemble de ces
engagements et pose la question de l'avenir des universités LLASHS en
général et, plus immédiatement, de l'intérêt pour Paul-Valéry d'une fusion
avec les deux autres universités de Montpellier.

            Quand on fait un rapprochement entre cette dotation et les
mesures sur le nouveau statut des enseignants, on comprend que les 30 000
heures complémentaires que nous avons devraient être incluses dans les
services statutaires, ce qui revient à les doubler et à supprimer toute
recherche dans nos domaines. Pour les BIATOS, cela remet en question
l'existence même de certains services privés de moyens et de postes.
Face à cette très grave situation, j'ai décidé de réunir en urgence demain
le congrès de l'université pour délibérer de l'attitude à adopter dans les
circonstances actuelles.

Anne Fraïsse

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Paris 11:

 Chers Collègues,

Nous avons reçu vendredi soir la notification des moyens de fonctionnement 2009 pour notre université.

Sur le plan budgétaire la dotation est en augmentation de 2,4% par rapport à 2008, en deçà du taux d'inflation annuelle de 2008, et surtout très en deçà du taux moyen annoncé (15% pour l'ensemble des universités).

Il est très difficile de faire une analyse comparative précise de la réalité de cette augmentation sur le fonctionnement de l'université, dans la mesure où la globalisation des crédits conduit maintenant le ministère à prendre en compte un périmètre élargie comprenant : le contrat, le plan licence, le plan carrière, l'enveloppe des primes .... , avec la Dotation Générale de Fonctionnement, qui elle même est calculée cette année sur la base de nouveaux critères qui ne sont pas renseignés pour notre université.

Plus inquiétante encore la prévision donnée sur l'évolution des crédits de fonctionnement pour 2010 et 2011 : -0,2% pour 2010 et +0,0% pour 2011 !

Ces sommes n'intègrent pas encore la masse salariale, mais le courrier notifie également l'évolution de notre dotation d'emplois :

Sur 2009, l'université va perdre 11 emplois de titulaires, 3 IATOSS au titre des réductions nationales des emplois dans les universités, et 8 Enseignants-chercheurs au titre de redéploiements entre les universités. Là aussi cette notification est accompagnée de prévisions sur 2010 et 2011 : l'université perdrait ainsi à nouv eau 8 emplois en 2010 et 8 emplois en 2011 !

Ce sont de très mauvaises nouvelles pour l'université, qui, par ailleurs, n'ont pas fait l'objet de concertation : qu'il s'agisse des concertations annuelles que nous avions chaque année avant la notification de la DGF ou de concertations à l'occasion de la campagne des emplois.

Qui plus est, nous voyons que ce qui aurait normalement dû être fixé à l'occasion de la négociation du contrat quadriennal est déjà fortement préempté.

J'avoue avoir beaucoup de mal à comprendre le sort fait à notre université, dans la logique d'une politique affichée cherchant à renforcer les capacités de nos établissements pour progresser dans la compétition internationale au plus haut niveau. Veut-on nous punir d'avoir eu des Prix Nobel et Médaille Fields ? On peut se le demander.

Bien cordialement

la présidence de l'Université Paris-Sud 11