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Dossier "Flaubert et la traduction"

Publié le par Florian Pennanech (Source : Agnès Bouvier, Ildiko Lorinszky)

Appel à contributions pour le dossier « Flaubert et la traduction »
de la revue Flaubert, revue critique et génétique


(http:flaubert.revues.org)



Pour Flaubert, écrire revient parfois à vivre la « souffrance du traducteur » (selon l'expression d'Antoine Berman dans L'Épreuve de l'étranger). Au cours de la rédaction de Salammbô par exemple, le romancier évoque la nécessité de recourir à « une sorte de traduction permanente » (II, 783) qui rend l'écriture « presque impossible. Pour être vrai il faudrait être obscur, parler charabia et bourrer le livre de notes ; et si l'on s'en tient au ton littéraire et françoys on devient banal » (III, 95). Flaubert présente ici les difficultés liées à la création littéraire en termes de traductologie, reprenant exactement les positions du débat de son temps entre les partisans de la traduction littérale et ceux qui s'en tiennent à la tradition des « belles infidèles ». Dans quelle mesure Flaubert maîtrisait-il les enjeux de ce débat et comment peut-on relier ce champ peu exploré du savoir flaubertien à son oeuvre ? L'intérêt pour l'acte de traduire se manifeste très tôt chez l'écrivain. Ainsi, le 7 juin 1844, Flaubert écrit à Louis de Cormenin : « J'ai lu Candide vingt fois, je l'ai traduit en anglais et je l'ai encore relu de temps à autre.» (I, 210) Cette affirmation peut-elle être prise au sérieux ? Le niveau d'anglais de Flaubert lui permettait-il de traduire un texte littéraire français en anglais ? Et, de façon plus générale, qu'entendait-il par « traduction » ? Ce problème est « présent partout » dans la Correspondance, dans les dossiers documentaires et dans certaines oeuvres du romancier, mais les études sérieuses sur la question ne sont « visibles nulle part ». L'objectif de ce numéro est donc d'explorer le rapport de Flaubert à la traduction suivant trois axes de réflexion :

1.    La traduction de l'oeuvre flaubertienne.

- On pourra d'abord s'interroger sur les traductions parues du vivant de Flaubert et l'attention que celui-ci porte à leur réalisation, depuis la traduction de Madame Bovary en anglais « faite sous [ses] yeux » jusqu'à celle des deux contes traduits en russe par Tourgueniev dont il s'efforce de contrôler l'avancement.
- Il faudra aussi dire ce que c'est que traduire Flaubert aujourd'hui : quelles difficultés, quelles « souffrances » pour le traducteur face à la langue de Flaubert, quelles modalités de passage d'un univers linguistique à l'autre ? Nous attendons, dans cette perspective, des études comparatives de textes courts, des analyses de problèmes concrets, des exposés d'expériences de traduction.
- Le numéro se propose également d'accueillir des recherches bibliographiques sur toutes les traductions existantes du corpus flaubertien, de manière à pouvoir évaluer son rayonnement international (quels sont les textes les plus traduits, ou les moins traduits, dans quels pays et dans quelles langues ?).

2.    Flaubert et l'histoire de la traduction au XIXème siècle.

- L'oeuvre de Flaubert s'écrit au contact du mouvement littéraliste qui veut remettre à neuf
les traductions des textes anciens en les rendant à leur violence première, mouvement dans lequel s'illustre par exemple Leconte de Lisle avec ses traductions des Idylles de Théocrite et des Odes anacréontiques en 1861, puis de l'Iliade en 1867. Comment relier le goût nouveau pour l'« ensauvagement » des classiques  à la pratique du « poème barbare » ?

 - De manière plus générale, il conviendra de montrer Flaubert en amateur, commentateur et utilisateur de « traductions

nouvelles » : celle de Don Quichotte par exemple, qu'il connaît en plusieurs versions (« Je relis maintenant Don Quichotte dans la nouvelle traduction de Damas Hinard », lettre à Louise Colet, fin novembre 1847, I, 487) ; ou celle de Pline qu'il lit dans la traduction de Littré. Les questions méthodologiques sont parfois traitées dans la préface rédigée par le traducteur ; il s'agit de textes intéressants et peu étudiés.
- Il faut faire également une large place aux différentes versions de la Bible lues par Flaubert, de la Vulgate à Lemaître de Sacy jusqu'à la traduction de Samuel Cahen, sans oublier l'apport d'Ernest Renan au renouveau traductif des Écritures, que ce soit pour le Livre de Job ou le Cantique des Cantiques.

3.    La traduction à l'oeuvre dans l'écriture de Flaubert.

     Un dessinateur humoriste contemporain de Flaubert a pu intituler l'une de ses caricatures « Salammbô, traduit du Carthaginois ». Au delà de la satire, le titre met en évidence l'une des pratiques d'écriture de Flaubert quand il doit insérer des textes anciens dans le roman moderne : la retraduction, ici de textes phéniciens via le grec (c'est le cas de la Chronique de Sanchoniathon pour le chapitre X de Salammbô), ailleurs de passages entiers d'Ovide, de Diodore, d'Apulée (dès la Tentation de 1849). Comment le travail de traduction s'inscrit-il dans l'écriture de Flaubert ? Des exposés génétiques seraient ici souhaités, de manière à montrer, phase à phase, les transformations opérées par l'écrivain à partir de ses textes-sources.

    Une remarque importante pour finir : nous souhaitons, dans la perspective générale de ce numéro, conserver à la notion de « traduction » son sens linguistique, c'est-à-dire de passage d'une langue à une autre. La notion voisine de « translation », pour passionnante qu'elle soit, risquerait d'entraîner des dérives métaphoriques qui nous éloigneraient de la question principale. Avec tout ce qu'elle implique en termes de poétique, la « traduction » doit rester ici « l'épreuve de l'étranger ».


Dates de soumission des articles :
– les versions destinées à soumission au comité de lecture devront nous parvenir avant le 1er décembre 2009.
– les versions définitives seront à remettre avant le 30 mars 2010.



Agnès Bouvier
agnes-bouvier@club-internet.fr

Ildikó Lőrinszky
ilorinszky@index.hu