Questions de société
Dossier du Monde du 23/04 & commentaire de Marianne 2

Dossier du Monde du 23/04 & commentaire de Marianne 2

Publié le par Florian Pennanech

À lire (ou à boycotter) dans Le Monde daté du 23/04 :



Universités : radiographie d'un conflit, par Maryline Baumard et Catherine Rollot

Quels sont les points du litige ?

La recherche à l'épreuve des chiffres, par Stéphane Foucart

En France, la bibliométrie est diversement utilisée, par Stéphane Foucart

La réforme des organismes, "personne n'y comprend plus rien", par Stéphane Foucart

Dijon à l'heure du printemps des chaises, par Catherine Simon

Moderniser l'université, c'est aussi défendre un idéal, par la Conférence des présidents d'université

Prévisible et annoncé, le conflit actuel résulte de l'incurie ministérielle, par Christophe Mileschi, professeur des universités

Marcel Gauchet : "L'autonomie veut dire la mise au pas des universitaires", par Maryline Baumard et Marc Dupuis

Voir le commentaire publié dans Marianne 2 :

Incroyable : Le Monde découvre l'existence d'un conflit dans les facs

Accusé de servir la soupe à Valérie Pécresse et à sa réforme, lequotidien du soir se réveille enfin. Trois mois après le début dumouvement universitaire, il lui consacre un dossier de huit pages pournous expliquer... «comment il a débuté» et «pourquoi il peut durer»!


La « une » du Monde du jeudi 23 avril. <!>


Larumeur court. Elle enfle même. Il y aurait un mouvement de contestationqui serait en train de naître dans les universités françaises. Unmouvement sans précédent. Un mouvement qui pourrait même aller trèstrès loin. Ce n'est déjà plus une rumeur, c'est une information, unscoop même. Et ce scoop, c'est Le Monde qui nous le livre en « une » de son édition datée de demain : « Universités : comment le conflit a débuté, pourquoi il peut durer » !


Trois mois après le début du mouvement de contestation des enseignants-chercheurs, le quotidien du soir se réveille. Lui qui a été menacé de boycott par une partie des universitaires pour avoir affiché une trop grande complaisance à l'égard de Valérie Pécresse et de sa réforme,a enfin décidé d'expliquer à ses lecteurs tous les tenants et lesaboutissants de ce conflit. Et quand le journal d'Eric Fottorino tentede se rattraper aux branches, il met le paquet : un dossier de huitpages pour répondre à des questions (« qui sont les acteurs, quels sont les points de litiges ? »)que plus personne ne se pose depuis longtemps ! Mais qu'importe, le« quotidien de référence » va quand même y répondre ! Et, il faut bienle reconnaître, avec un certain talent : son dossier est aussi propreet soigné que le cahier d'exercice d'un premier de la classe. On ytrouve la sempiternelle infographie chargée de nous expliquer « les forces en présence », le récapitulatif très synthétique des « points de litige » et aussi… une chronologie du conflit !

Et visiblement, au Monde,quand on a décidé de faire oublier un «ratage», on ne fait pas leschoses à moitié : on dépêche carrément une journaliste à Dijon —imaginez — pour tâter du bout du doigt le « désarroi »des enseignants-chercheurs qu'on avait jusque-là soigneusement évité devoir… Et comme on culpabilise vraiment, on en deviendrait même presquesubversif en consacrant une pleine page à l'interview d'un intellectuel (et pas n'importe lequel), Marcel Gauchet, qui voit dans l'autonomie « une mise au pas des universitaires ».


« Le Monde a violemment été mis en cause »

Sauf que Le Mondeprofite aussi de ce dossier pour répondre — enfin ! —  aux attaques desuniversitaires. De façon discrète. Du bout du clavier seulement. Uneexplication qui n'a vraiment rien d'un mea culpa, bien planquée à la fin du papier qui introduit le dossier : « Tousles acteurs qui ont approché cette crise ont pris des coups. Le Monde aviolemment été mis en cause dans sa mission d'information par unepartie du mouvement universitaire. Quelque soixante-dix articles signésont été rédigés sur le conflit depuis la mi-janvier, dont plus dequarante par des journalistes du quotidien et une vingtaine par desuniversitaires dans les pages “Débats”. (…) Le Monde atenté chaque jour, en toute indépendance, aussi bien vis-à-vis dupouvoir politique que des pouvoirs intellectuels, d'informer au mieuxses lecteurs sur ce mouvement complexe, multiforme et durable. »

Ducoup, on est en droit de se demander pourquoi il lui consacreaujourd'hui ce dossier. Car, comble du ridicule, il arrive sans douteau plus mauvais moment, à l'heure où le mouvement universitaire setrouve au creux de la vague, voire même la tête sous l'eau. C'estd'ailleurs peut-être pour ça que Le Monde tartine sur les enseignants-chercheurs. C'est peut-être pour lui une façon de leur dire : « Ne nous quittons pas fâchés » après les avoir cocufiés pendant trois mois. 

Gérald Andrieu