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Distance et/ou gros plan : visualité, communauté et affect dans la représentation de l’histoire

Distance et/ou gros plan : visualité, communauté et affect dans la représentation de l’histoire

Publié le par Cécilia Galindo (Source : Lisa Zeller)

En coopération avec le Centre d’études interculturelles (ZIS) de l’université Johannes Gutenberg de Mayence, l’institut de philologie romane (JGU) organise une université d’automne qui aura lieu du 4 au 9 octobre 2015 et qui portera sur le sujet suivant:

 

Distance et/ou gros plan : visualité, communauté et affect dans la représentation de l’histoire

 

L'université d’automne est financée par la Fondation Volkswagen.

Organisation scientifique:

Dr. Karin Peters (littérature/philologie romane)

en collaboration avec Dr. Julia Brühne (littérature et culture/philologie romane), Dr. Susanne Mersmann (histoire de l’art) et Lisa Zeller, M.A. (littérature/philologie romane)

Disciplines: lettres, histoire de l’art, histoire, études culturelles, ethnologie, sciences des médias, sciences politiques

 

Comme Hayden White l’a formulé dans Metahistory, représenter l’Histoire, c’est proposer des récits ayant recours à des moyens narratifs pour présenter une certaine version d’un événement historique. Benedict Anderson, de son côté, souligne le rôle qu’ont joué la presse écrite et les techniques d’impression dans la formation des états nationaux modernes, le rôle donc que joue le fait de raconter et de lire l’histoire nationale. Mais ce ne sont pas que les pratiques ou les savoirs partagés relatifs à l’histoire qui contribuent à la constitution d’une communauté imaginée, c’est aussi une affectivité partagée qui fait croire aux membres d’une communauté imaginée qu’ils ressentent vraiment leur propre histoire. Ce sont ainsi des récits de l’histoire pourvus d’affects et devenus ‹ mythiques › qui peuvent prêter une forme et une ‹ réalité › à une communauté imaginée, et ceci non pas seulement dans le contexte des états nationaux tels qu’ils se sont constitués à partir du XIXe siècle et tels qu’ils ont été analysés par Anderson, mais dès le début des temps modernes. Les récits visant à susciter l’impression d’être proche de l’histoire de la collectivité tirent profit d’effets de visualisation – indépendamment du fait qu’il s’agit de médias visuels ou textuels. La visualité, la communauté et l’affect sont enfin fonctionnellement interdépendants dans les représentations visuelles de l’histoire ou bien dans les images conçues par l’imagination. Ces trois aspects peuvent générer un gros plan identificatoire ou bien une critique de l’histoire. Dans les sections de notre université d’automne, il s’agira de délimiter et de définir cette relation dans une perspective linéaire de l’histoire, allant de l’époque moderne à l’époque actuelle (XVIe –XXIe siècles), ainsi que de les discuter à l’aide de théories récemment élaborées comme par exemple celles proposées par Jon Beasley-Murray (Posthegemony, 2010)

Si la notion de l’‹ affect ›, dans la mesure où on la déduit des pathemata de l’antiquité, est cette qualité émotive qui, principalement, nous ‹ arrive › mais qui peut à partir de là – à travers l’image ou à travers le texte – déployer son effet esthétique consciemment calculé, on pourra poursuivre cette réflexion à partir des lettres et des sciences qui traitent de l’image (Bildwissenschaft, etc.). Car les récits visuels ou textuels dont la représentation vise à produire un effet, activent ou actualisent l’affectivité du destinataire. C’est la raison pour laquelle cette dernière fait souvent l’objet d’analyses actuelles dédiées à l’interface entre la représentation, le politique et l’affect et qui s’intéressent au pouvoir idéologique des émotions. De même, l’idéologie de la communauté imaginée doit dissimuler, voire nier le fait qu’elle a été construite. Voilà pourquoi, dans le domaine de l’affectivité politique, on ne peut jamais exclure des effets affectifs incontrôlables ou ambivalents. Dans cette perspective, Beasley-Murray parle d’un escape affectif : l’affect va certes de pair avec l’émergence de structures sociopolitiques, mais il faut qu’après coup, on le transcende pour qu’en émerge la représentation d’un état. Ce dernier désavoue l’‹ histoire › irrationnelle de sa propre origine sans jamais pouvoir tout à fait circonscrire l’héritage affectif de celle-ci.

On pourrait cependant supposer que dans les représentations officielles de l’histoire, ce dérèglement affectif soit aussi en partie réactivé : car l’activation d’un ressort affectif de l’histoire nationale fait partie de ces processus immanents qui ne précèdent pas l’institutionnalisation de la communauté, mais qui en sont contemporains ou qui la suivent. En fonction du contexte et de l’intention, l’identification à l’histoire peut avoir un effet fondateur ou euphorique, elle peut donc avoir une fonction quasiment pédagogique. Mais elle peut aussi déclencher du phobos et ainsi provoquer des affects destructifs. On pourrait avancer ici l’exemple de la représentation de la Liberté révolutionnaire qui s’est inscrite dans la mémoire visuelle occidentale sous l’expression et la forme que lui a données Delacroix et telle qu’elle a pu être réactualisée en tableau vivant, lors de la Marche républicaine après les attentats de Paris en janvier 2015. Il ne faut pourtant pas oublier que dès la révolution de 1789, les contre-révolutionnaires français ont été les auteurs de nombreux pamphlets et caricatures qui allaient à contre-courant d’une identification du peuple français avec le nouveau régime politique. Bien au contraire, les représentations illustrées de la révolution qui mange ses propres enfants et d’une France forte monarchique châtrée ont répandu la terreur, voire même le phobos.

Il faudra donc aussi clarifier la relation entre la représentation visuelle, les représentations de l’imagination et leurs narrations. On ne pourra ainsi guère nier la qualité presque visuelle que déploie la réédition de la Liberté de Delacroix dans La Fortune des Rougon de Zola (1871) : ici, c’est la jeune Miette guidant le peuple contre les soldats de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851 qui trouve toutefois une mort ignominieuse et minutieusement décrite. On voit ainsi que l’esthétique de la description excessive, telle qu’elle se montre dans le naturalisme zolien, est en quelque sorte l’expression d’une histoire émotionnellement connotée. On pourrait montrer à l’aide de cet exemple de quelle manière l’histoire et sa transformation en mythèmes idéologiques provoquent – ou empêchent – l’émergence de formes esthétiques, si bien que les images esthétiques (textuelles) ne s’investissent jamais entièrement dans un mythe idéologique.

A partir d’une perspective interdisciplinaire, nous poserons la question de savoir comment les textes produisent des images, comment les images racontent l’histoire, comment on peut faire de la politique à l’aide d’images et quelle signification revient dans ce contexte à l’affect. Nous discuterons une sélection de textes de théorie et ensuite viendront les exposés thématiques des participants, enfin nous analyserons tous ensemble des images visuelles et textuelles exemplaires. La perspective interdisciplinaire de notre université d’automne sera garantie par la présence de spécialistes externes provenant des sciences politiques, des sciences culturelles et de l’histoire de l’art invités pour mener la discussion de chacune des sections et pour établir leurs propres priorités en proposant des contributions thématiques.

L’appel aux contributions s’adresse aux doctorants et aux post-doctorants en début de carrière scientifique (dans les disciplines des lettres, de l’histoire de l’art, de l’histoire, des études culturelles, de l’ethnologie, des sciences des médias et des sciences politiques). Les participants devront faire un exposé de 30 min. (suivi de 30 min. de discussion et d’encore 30 min. de commentaires de textes/d’images choisis par les participants). Afin d’assurer une participation active aux discussions, de bonnes connaissances passives d’au moins deux des langues officielles de la conférence (allemand, français, anglais) sont requises. Les participants bénéficieront d’une aide financière d’un montant de 500 Euros au maximum (voyage à partir de l’Allemagne), de 800 Euros (voyage à partir de l’Europe) ou de 1500 Euros (outre-mer).

 

Le programme prévoit que les intervenants participent à toutes les sections qui se dérouleront successivement. Ajoutons que la candidature devra toutefois être faite pour une section précise. Le dossier de candidature devra comporter

  • un résumé de la contribution (de max. 400 mots),
  • une courte lettre de motivation qui expliquera dans quelle mesure la contribution du candidat/de la candidate à cette conférence est en rapport avec ses recherches, ainsi que sa place dans le projet global de l’université d’automne tout comme dans celui de la section spécifique et
  • un curriculum vitae universitaire qui contient les coordonnées et, le cas échéant, une liste de publications.

 

Vous pouvez au préalable demander une version plus longue du projet scientifique (en langue allemande) auprès de Karin Peters (peterska@uni-mainz.de).

 

Sections:

1ere section, dirigée par Jon Beasley-Murray – section théorique englobant plusieurs
époques

2nde  section, dirigée par Karin Peters – Époque moderne (1492-1789)

3e section, dirigée par Bertrand Tillier & Susanne Mersmann – XIXe siècle

4e section, dirigée par Philip Manow & Lisa Zeller – XIXe siècle

5e section, dirigée par Stephanie Wodianka & Julia Brühne – XXe-XXIe siècles

 

Veuillez envoyer votre dossier avant le 30 juin 2015 (le cachet de la poste faisant foi) à Dr. Karin Peters, Romanisches Seminar, Johannes Gutenberg-Universität Mainz, Welderweg 18, 55099 Mainz ou à peterska@uni-mainz.de (avec l’objet « Université d’automne 2015 »).

La sélection des participants se fera probablement avant début août.