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Displaced Objects / Non-lieux de l'exil

Displaced Objects / Non-lieux de l'exil

Publié le par Université de Lausanne (Source : A. Galitzine-Loumpet)

DISPLACED OBJECTS (un projet du programme de recherche Non-lieux de l'exil)

En mai 1922, une exilée dénommée Marina Tsvetaieva quitte Moscou pour Berlin, décrivant soigneusement les objets qu’elle emporte avec elle. En 1939, de Paris à Moscou, elle consigne une liste des objets qu’elle ramène. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes et n’importe comment ils sont devenus autres. Mais ils sont siens ; comme elle, ils sont en et de l’exil et leurs destins sont partiellement liés, dans les voyages successifs comme dans l’épreuve de la famine et de la disparition.  En quoi ces objets seraient-ils différents de ceux des plages de Lampedusa, des camps de la frontière marocaine ou mexicaine, des centres de rétention, des campements de  Calais ou de la Porte de la Chapelle à Paris ? Que savons-nous de leur importance, souvent vitale ? De leur manière de porter trace ? De leurs  métamorphoses ?

Depuis le naufrage d’octobre 2013 au large de l’île de Lampedusa , la multiplication d’images d’objets abandonnés par les migrants atteste de leur pouvoir d’évocation de la « crise migratoire » entre reconnaissance d’une communauté de biens et différenciation des appartenances culturelles. Le choix de certains objets plutôt que d’autres ;  les affects et les usages sociaux diversifiés qu’ils véhiculent dans les pays de départ, de transit et d’arrivée ;  les discours associés pour faire « parler » ces objets, contribuent à assigner une identité culturelle et sociale aux migrants, constituant ainsi un topos de l’exilé à la fois pérenne et régulièrement actualisé.

L’objectif du projet intitulé Displaced Objects (D.O.), paraphrasant la désignation de Displaced Persons (D.P),  est de collecter de courts textes rendant compte d’objets singularisés par une expérience, celle de l’exil, et de créer ainsi un corpus de référence.

Le principe est simple et ouvert à tous : choisir un objet (matériel, littéraire, cinématographique, artistique, muséal) et dérouler une expérience de l’exil.

Il ne s’agit pas nécessairement de convoquer sa propre histoire ou celle de sa famille. Les objets de l’exil participent de notre quotidien, en arrière plan de toute évocation des « flux migratoires »;  l’actualité en pourvoit d’abondance, tour à tour présentés comme traces, empreintes, vestiges, restes ou déchets. Très vite, certains d’entre eux deviendront objets de musée, d’art ou de littérature, posant des questions d’ordre éthique et politique sur leur nature ou leur propriétaire légal. On ne saura que rarement ce que sont devenus leurs détenteurs. 

Restituer la biographie des objets est en conséquence un décentrement du sujet à l’objet, un efficace moyen de restituer une dignité au vécu de l’exilé. La matérialité de l’objet est à ce titre à la fois essentielle et insuffisante : ce qui importe est précisément ce qu’il signifie en dehors de toute matérialité, seul ou en association avec d’autres, l’expérience dont il fait état. En ce sens, l’objet, ou sa représentation (visuelle, littéraire) est un non-lieu, et son destin changeant incarne celui de ses possesseurs.

Nous le savions déjà, les objets ont une (nôtre) âme. Par quelles voies incorporent-ils une expérience ou un héritage de l’exil ?

Consignes éditoriales

Le principe du projet « Displaced Objects » est simple : choisir un objet (matériel, littéraire, cinématographique, artistique, muséal) et dérouler une expérience de l’exil ou du déplacement, dans le temps et l’espace.

Cet appel à textes (3 pages maximum) est ouvert à tous, chercheur(e)s, artistes, écrivain(e)s, soignant(e)s, traductrices, étudiants,  gens d’ici ou d’ailleurs ayant fait l’expérience de l’exil …. Il ne prendra sens que dans la diversité  des écritures et des expériences. Les textes sont publiés en ligne sur le site dédié?   Le titre sur la page d’accueil doit être un nom d’objet (4 mots maximum), mais un sous-titre peut préciser l'intention de l’auteur. Une image d’objet doit y être intégrée. Ils doivent être signés, au moins du prénom. Les textes sont conformés pour maintenir la cohérence du format. Leurs points de vue n’engagent que leurs auteurs.

Displaced Objects est un projet du programme Non-lieux de l’exil coordonné par Alexandra Galitzine-Loumpet qui se tiendra sur plusieurs années à partir de fin 2015. Les propositions de 1-3 pages doivent être envoyées à l’adresse suivante :  loumpet.galitzine@gmail.com.

Textes publiés : 

The Recipe Book / Gerden Jonker Les bâtons de manioc / Kidi Bebey Les juttis de ma mère / Cécile Ouhmani Le placenta / Elena Bonelli Le plat / Marina Gorboff Le roman français / Olivier La gourde et le ballot / Saskia Cousin Les gants / Marie Darrieussecq Le dictionnaire / Nada Abillama-Masson L’album / Kateryna Lobodenko La couverture / Alexandra Galitzine-Loumpet Le bois des épaves / Evelyne Ritaine The wall fragment / Elena Montanari La valise / Rachel Cohen Le feu / Christiane Vollaire La boite en cerisier / Emmanuel Guibert La couverture de cheval / Monique Selim La peluche / Elzbieta Neyman Le kanoun / Radia Lemoust Les pagnes / Sylvie Berbaum La jobbana / Dominique-Marie Godfard Le Smartphone / Laurent Bazin et Mohammed Djibril