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Deux siècles de malédiction littéraire: transformations, médiations et transferts d'un mythe

Deux siècles de malédiction littéraire: transformations, médiations et transferts d'un mythe

Publié le par Pascal Brissette (Source : Pascal Brissette)

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Deux siècles de malédiction littéraire

Transformations, Médiations et transferts d'unmythe

Colloqueinternational

UniversitéMcGill

13-15juin 2012

« S'il est des mythes très anciens etdurables, avance Claude Abastado, il n'en est pas d'éternels ». Celui quise forme autour des figures du philosophe persécuté et du poète malheureux dansle dernier tiers du XVIIIe siècle, et qui tend à associer les termesgénie et malheur, a connu maints avatars aux XIXe et XXesiècles, et il n'est pas certain qu'il soit prêt de s'éteindre. De Bonald,selon qui « il faut des malheurs, et des plus grands, pour faire ce qu'ily a de plus beau dans le plus beau des arts », jusqu'à Houellebecq quiavance dans Rester vivant que« la souffrance est nécessaire à toute création artistiquevéritable », un vaste continent de maudits se dessine où le poète crottévoisine le styliste martyr de son art, où le nègre de génie le dispute au grandartiste sombrant dans la folie, où l'écrivain populaire ne néglige pas toujourscette forme de légitimité singulière que procure la médiatisation de l'une oul'autre des formes de la souffrance.

Quels scénariosauctoriaux (Diaz), quelles postures (Meizoz), quelles figurations (GREMLIN),quelles oeuvres le mythe de la malédiction littéraire a-t-il générés? Par quelbiais la croyance voulant que la souffrance profite à la création littéraire etartistique trouve-t-elle à se perpétuer depuis deux siècles et des poussières? N'est-ellevraiment qu'un effet de champ, c'est-à-dire, pour reprendre les termes exactsdes Règles de l'art, « latransfiguration en idéal, ou en idéologie professionnelle, de la contradictionspécifique d'un mode de production que l'artiste pur vise à instaurer »? Lerapport entre ce mythe et d'autres mythes de la modernité comme celui de la bohèmeen est-il un de concurrence? De complémentarité? Peut-on préciser le lien entreles discours sur la malédiction du poète et ces autres objets de discours quesont la misère, le suicide ou la mélancolie? Comment et par quels moyens lesfigures du romancier, de l'artiste, du journaliste, du philosophe, du maîtred'étude, du professeur ou du savant finissent-elles par s'ajouter à celle dupoète dans la galerie de la malédiction? Y a-t-il lieu de se questionner sur lemalheur spécifique des femmes de lettres, lequel paraît encore plussystématique que dans le cas des hommes et exploité de façon souvent pluspathétique? Enfin, comment se fabrique un maudit? Quels sont les procédéstypiques et les acteurs impliqués dans la construction d'une figure de maudit?

Il importe defaire la lumière sur ce mythe moderne qui a orienté, aux XIXe et XXesiècles, des vies entières et qui a constitué, pour nombre d'écrivains etd'artistes, « grands » ou « petits », consacrés ou non parles manuels d'histoire littéraire, un levier de légitimation de premièreimportance, transvaluant les signes de l'échec et de la réussite sociale oufinancière, faisant de la pauvreté, de l'exclusion, de la maladie et de lapersécution autant de marques du génie. C'est le but que vise ce colloqueinternational qui se tiendra à l'Université McGill (Montréal), du13 au 15 juin 2012. L'objectif, précisons-le, ne sera pas d'y constituer unnouveau palmarès des poètes maudits ou un autre répertoire (forcémentincomplet) des acteurs obscurs de la scène culturelle, mais d'analyser lesconditions de perpétuation d'une croyance — le malheur de l'auteur commefondement de la valeur d'une oeuvre —, de retracer et d'analyser les textes etles images qui portent la trace et remotivent tout à la fois cette croyance, etd'interroger plus globalement les facteurs qui contribuent à sa perpétuationtout au long des XIXe et XXe siècles. Dans ce cadre,l'analyse de certaines figures bien connues de la malédiction littéraire (deRousseau à Gauvreau en passant par les Nerval, Baudelaire, Ducasse, Nelligan ouArtaud) devra être problématisée et replacée dans un contexte et une réflexionplus générale.

Le colloquemobilisera les points de vue de l'histoire culturelle et de l'histoire du livre,de l'analyse du discours, de la sociologie de la littérature, de la sociocritique,mais il sera ouvert à toute approche permettant de faire la lumière sur l'objetd'étude : l'anthropologie, l'histoire de l'art, la philosophie, etc. Nousintéresseront tout particulièrement les propositions recoupant l'un ou l'autredes axes suivants :

1) Avatars

Jean-LucSteinmetz et Diana Festa-McCormick l'ont bien montré : entre Stello (1832) de Vigny et Les poètes maudits (1884-1888) deVerlaine, on passe d'un type de malédiction littéraire à un autre, du poète malheureux au poète maudit. Quels sont les raisons et les moyens de cettetransformation? Trouve-t-on, entre ces deux dates, d'autres types d'artistes etd'écrivains souffrants? Que dire des Louis Lambert ou des d'Arthez de la Comédie humaine? Du Charles Demailly desGoncourt? Du Marchenoir de Bloy ou du Claude Lanthier de Zola, pour s'en tenirau seul XIXe siècle français? Comment penser ces avatars et ceux dusiècle suivant, qui sont autant de modulations de la malédiction artistico-littéraire?

2) Médiateurset médiations

Pour qu'unmalheur acquière légitimité, il doit être vu, expliqué, magnifié par l'écrivainlui-même dans ses propres textes (poèmes, correspondance, autobiographie) ou pard'autres acteurs du champ culturel, pairs écrivains, critiques ou artistes. Àtout méconnu son découvreur; à tout maudit son apologiste. Quels sont lesmoyens dont disposent ces médiateurs pour faire valoir la grandeur d'un malheurparticulier? Qu'est-ce qui distingue par exemple le travail qu'accomplit Vignyavec Chatterton de celui que réalise Verlaine pour ses « Poètesmaudits », Louis Dantin pour Émile Nelligan ou Janou Saint-Denis pourClaude Gauvreau? À quelle nécessité correspond ce travail? Les romans quimettent en scène des acteurs du monde littéraire et artistique donnent-ils àvoir ce type de « couple culturel », le maudit et son sauveur? Pouren dire quoi?

3) Transfertculturel

Tout comme lemythe de la bohème, dont les scènes vont trouver à s'exporter et à traîner dansleur sillage une constellation d'images, de personnages (Rodolphe, Mimi Pinson,etc.), de valeurs et de traits posturaux, le mythe de la malédiction littérairesera progressivement récupéré par des acteurs évoluant dans des milieux souventtrès éloignés, culturellement et géographiquement, de la scène parisienne. C'estle cas par exemple de l'abbé Casgrain qui travaille dès les années 1860 àl'édification des figures de l'historien François-Xavier Garneau et d'OctaveCrémazie en recourant aux topiques respectives du génie infortuné (Garneau) etdu poète exilé (Crémazie). Or tout transfert culturel, pour satisfaire ausystème d'accueil, implique des choix dans les matériaux symboliques transférés(Middell). De quel ordre sont ces choix? Qui les fait et selon quels critères? Commentpenser la malédiction du poète ou de l'artiste à Montréal, à Bruxelles ou àLausanne vers 1860, alors que les structures des champs canadien, belge ousuisse sont, sinon inexistantes, du moins peu solides, et que ces champs sontencore loin de pouvoir bénéficier d'une autonomie même relative? La malédictionlittéraire existe-t-elle au Maghreb ou dans les Antilles? Sous quelle forme? Faut-ilpasser le cap du XXe siècle pour voir le mythe de la malédictionlittéraire s'enraciner profondément dans ces différentes aires culturelles?

Les propositionsde communication (coordonnées du chercheur et résumé d'environ 250 mots)devront être envoyées aux organisateurs avant le 1er septembre 2011.Les communications seront de 30 minutes et le colloque fera l'objet d'unepublication. Il est à noter que des demandes de subvention seront déposées envue d'aider les conférenciers à couvrir une partie des frais de leur séjour àMontréal, mais les participants sont encouragés à rechercher du financementauprès de leurs institutions respectives.

Comité organisateur

PascalBrissette

Départementde langue et littérature françaises

UniversitéMcGill

853,rue Sherbrooke Ouest

Bureau265

Montréal,Québec

H3A2T6

Courriel :pascal.brissette@mcgill.ca

Marie-PierLuneau

Départementdes lettres et communications

Facultédes lettres et sciences humaines

Universitéde Sherbrooke

Sherbrooke(Québec)

J1K2R1

Courriel : marie-pier.luneau@usherbrooke.ca

Comité scientifique

MarcAngenot (Université McGill)

MichelBiron (Université McGill)

PaulDirkx (Université de Nancy 2)

JacquesDubois (Université de Liège)

CharlesGrivel (Université de Mannheim)

BenoîtMelançon (Université de Montréal)

AlainVaillant (Université de Paris Ouest Nanterre)