Questions de société
Des enseignants

Des enseignants "de base"(?) déjeunent à l'Elysée: "Pouvez me passer le sel, M'sieur le Président?"

Publié le par Marc Escola

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 Dans Le Parisien,Des enseignants «de base» déjeunent à l'Elysée
23.02.2009

Ce sont des «enseignants de base», présentés comme n'étant nisyndicalistes, ni proches du ministère. Onze enseignants du primaire etdu secondaire originaires de Mayenne, du Nord, de la Vienne et derégion parisienne ont déjeuné ce lundi midi à l'Elysée avec NicolasSarkozy. Une rencontre qui a donné lieu à «une discussion ouverte», arapporté l'un des convives, Bruno Descroix, professeur au lycéeLouise-Michel de Bobigny (Seine-Saint-Denis), «j'ai pu dire qu'il étaitextrêmement difficile de faire une réforme en annonçant dessuppressions de poste au départ». 

«Nous avons pu discuter des réformes en cours», a abondé soncollègue Sébastien Clerc, enseignant au Blanc-Mesnil(Seine-Saint-Denis). «Nous, enseignants de base, nous sommes souventpris en otage entre des syndicalistes qui disent non pour dire non etun ministère qui cherche à réduire le nombre de postes d'une manièreparfois arithmétique (...) je souhaiterais qu'on puisse discuterdavantage de l'intérêt stratégique de certains postes», a-t-il ajouté.

Nicolas Sarkozy «a beaucoup insisté sur le fait que lui, président dela République, souhaitait établir un contact plus direct avec le mondeenseignant, et en particulier qu'il puisse aller dans lesétablissements, qu'il puisse discuter avec les fonctionnaires del'éducation et pas seulement avec des représentants institutionnels», aexpliqué Xavier Darcos en marge de cette rencontre. 

Comment ont été choisis ces enseignants «de base» ? Ils ont étésélectionnés «parce qu'ils ont écrit, parce qu'ils se sont exprimés»,rapporte le ministre qui précise que les convivesétaient «majoritairement d'un bord politique assez différent dumien»... Tous les professeurs invités ont en effet écrit des livrespour défendre leurs idées ou raconter leur quotidien.

Alors même que la réforme de l'éducation est contestée par unepartie de la classe enseignante et que le mouvement de protestationdans l'université gagne le primaire, le ministre de l'EducationNationale semble en tout cas avoir apprécié l'exercice, médiatisé, maisloin des huées et des habituelles manifestations. Une nouvellerencontre serait ainsi prévue avec Xavier Darcos prochainement.

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24/02/2009 Pouvez me passer le sel, M'sieur le Président?

Hier,onze enseignants ont eu l'insigne honneur de déjeuner à l'Elysée avecle Président-soi-même et leencore-un-peu-ministre-de-l'éducation-nationale.
Attention, pas n'importe quels profs : «des profs militants», précise Darcos, «assezconnus pour les projets éditoriaux ou pédagogiques, qui se sont déjàexprimés et qui sont pour beaucoup d'un bord politique différent dumien». C'est l'ouverture, quoi… Comme dirait Léo, les temps sontdifficiles : quand on veut faire carrière à droite, il faut seproclamer de gauche.

J'entends déjà vos soupirs : «Et pourquoi un président ne pourrait-il pas parler avec qui il veut» ; «Toute façon c'est un gauchiste, il va encore faire de la pub pour son syndicat» ; «il va dire du mal parce qu'il est jaloux».

D'accord, D'accord. Tout ça est vrai.

Unprésident peut bien parler avec qui il veut. Il peut choisir sesinterlocuteurs et ceux d'hier sont sans doute de qualité même s'ilmanquait Brighelli…
N'empêche que chacun de ces profs ne représente que lui-même, commeJérôme et moi ne représentons que nous nous-mêmes. A ce titre, etencore plus dans une profession où le taux de participation auxélections professionnelles dépasse les 60%, la légitimité desorganisations syndicales à porter une parole collective me semble assezpeu discutable.

Parmi les invités, il y avait Cyril Delhay, proche collaborateur deRichard Descoings, le pompier de la réforme du lycée mais c'est sansdoute une coïncidence...

Et puis il y avait aussi Sébastien Clerc. Un prof enSeine-Saint-Denis qui a sorti un bouquin pour expliquer comment réglerles problèmes de discipline dans une classe. C'est pas passionnant,c'est très premier degré mais chacun est libre. Il y propose des trucssuper sexy : note de sérieux, plan de classe imposé…
Il me rappelle un géographe en fin de parcours à l'IUFM tout fierd'exhiber devant des jeunes profs son arme fatale : une vieille boîtede Valda transformée en boîte à craie.
Du coup le voici bombardé par le recteur de Créteil chef de "cours de tenue de classe" pour les profs de l'Académie.

Ça vaudrait le coup d'en parler plus longuement mais pour fairecourt son positionnement me hérisse tous les poils de mon corps de prof.
Il réduit ses rapports aux élèves à des réflexes scolaires :  «Situ te tais tu auras une bonne note coefficient 2 grâce à laquelle tuauras la moyenne en français même si tu ne sais pas écrire.»
Je n'invente rien, vous pouvez vérifier

Il propose avec un petit air satisfait des recettes miracle qui sontpeut-être adaptées à sa personnalité et à sa façon de faire de coursmais qui, c'est certain, appliquées par un autre seront d'autant pluscontre-productives qu'elles n'auront pas été inventées par lui.
La formation des enseignants n'a rien à voir avec les boîtes à craies,la blouse grise, la note de sérieux et les heures de colle.
Qu'on nous aide à réfléchir à nos missions, aux particularités de nosélèves, à leurs ressorts affectifs, psychologiques, cognitifs mais parpitié épargnez-nous les fausses solutions toutes faites qui feraient del'enseignement un métier de pure exécution.

La vraie question n'est pas, par exemple, de faire ou non un plan declasse imposé mais d'être capable d'appeler chaque élève par son nomdès le deuxième cours.
Je n'ai jamais fait de plan de classe imposé et je démissionnerai si on me force à le faire.

Enfin, il n'empêche que Sébastien Clerc – au delà de son son côtéchevalier blanc des recettes miracle – doit être un collègue plein dequalités. La preuve : c'est lui qui, sortant de table, a le mieuxexprimé le message subliminal de cette belle opération de com' :

"Les enseignants de base comme nous sont souvent pris enotage entre des syndicats qui disent systématiquement non pour dire nonet un ministère qui fait primer les suppressions de postes sur touteautre discussion. Nous avons discuté des réformes en cours et demandédavantage de dialogue et d'esprit de compromis. J'ai suggéré auprésident d'étendre le cours de tenue de classe que j'ai monté encollaboration avec le rectorat de Créteil."

Tout y est : les clichés sur les syndicats, le court-circuitage desorganisations représentatives, le petit couplet populiste sur les«profs de base», la majorité silencieuse dont notre brillant collègues'auto proclame porte-parole et pour finir la petite pub perso au casoù un poste se libère au ministère.

C'est vrai : je suis aigri de ne pas avoir été invité.
Ça m'aurait donné l'occasion de refuser et d'aller boire un verre avec Jérôme qui, lui aussi, adore les plans de classe.

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