Questions de société

"Déjà une université à deux vitesses…", tribune de M. Poirier, MCF à Bordeaux-IV (22/09/09)

Publié le par Bérenger Boulay

L'Humanité, 22 septembre 2009

Tribune:

Déjà une université à deux vitesses… Par Mireille Poirier, maître de conférences en droit privé à l'université Montesquieu-Bordeaux-IV.

http://www.humanite.fr/2009-09-22_Idees-Tribune-libre-Histoire_Deja-une-universite-a-deux-vitesses

Il y a un an, l'université Paris-II innovaiten créant un « collège de droit ». Depuis, d'autres universitéssemblent vouloir emprunter ce chemin : Paris-I, Montpellier, Toulouse,Bordeaux-IV… Rappelons de quoi il peut s'agir en prenant appui surl'exemple de Paris-II.

Desétudiants triés sur le volet (1) se voient proposer une formations'ajoutant au cursus de base. Ainsi, à Paris-II, l'an dernier, seulsles bacheliers ayant obtenu une mention très bien au baccalauréat (2)ont pu s'inscrire au tout nouveau collège de droit. Moyennant 200 euros(3), ils ont suivi, dans l'année, 130 heures d'enseignementcomplémentaire dans plusieurs disciplines : philosophie et sociologiedu droit, droit comparé, etc. Cela, à raison d'une heure trente à troisheures par semaine, par matière, et par groupe de trente étudiants (4).En cas de réussite, ces étudiants ont obtenu le diplôme correspondant àla première année de droit, auquel s'est ajouté le nouveau diplômepréparé dans le cadre du collège de droit. Le système n'est pas figé :ceux qui n'atteignent pas le niveau requis par le collège de droit ensortent pour l'année suivante et réintègrent le cursus « standard » ;les meilleurs du cursus standard peuvent être admis au collège endeuxième année, etc. Cette innovation a été présentée comme unesolution permettant aux universités d'entrer dans la « bataille del'excellence » - entendez de « concurrencer les grandes écoles ». Etaujourd'hui, il serait question, pour les autres universités, des'aligner sur le modèle initié à Paris-II, de manière à rester «compétitives » sur le marché de la formation universitaire. Bataille,concurrence, compétitivité… le langage est dans l'air du temps.Précisément, la création de ce type de filière « bis » pose desproblèmes de fond, dont il convient de prendre la mesure. En premierlieu, il faut pointer la double concurrence qu'implique ce système.

Concurrenceentre étudiants, tout d'abord, ceux qui auront eu la chance de profiterdes enseignements délivrés dans le cadre du collège de droit se plaçanten « pole position ». Mieux formés, ils seront mieux armés pourprétendre poursuivre leurs études, ou pour prétendre occuper un emploi.Surtout, en se fondant dans un tel système, les universitairesacceptent, à grande échelle, de former deux catégories d'étudiants :les « moins bons », largement majoritaires, dont la formation ne seraitque « standard », et les meilleurs, en nombre très limité, qui severraient offrir l'accès à des enseignements refusés aux « moins bons». L'étudiant moyen ou bon, comme le meilleur, n'a-t-il pas besoind'être formé aux fondements et à la philosophie du droit, à lasociologie et à l'histoire du droit, etc. ? L'ensemble des étudiants neméritent-ils pas de bénéficier d'une « ouverture d'esprit », d'une «une culture générale juridique et extra-juridique » ?

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