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Déconstruction Mimétique - Philippe Lacoue-Labarthe

Déconstruction Mimétique - Philippe Lacoue-Labarthe

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Leonid Kharlamov)

PRESENTATION

« Déconstruction mimétique » est le syntagme d'une grande hésitation. Cette hésitation, énorme, si l'on veut, est décidée, jusqu'au-boutiste même Lacoue-Labarthe n'hésitant pas à penser, avec Hölderlin, l'infidélité comme étant aussi le comble de la fidélité. Mais jusqu'au bout de quoi faut-il aller ? À quoi faut-il encore être fidèle ? « Il faudrait soutenir jusqu'au bout la thèse philosophique elle-même, selon laquelle toujours il faut la vérité ».

« Un colloque s'emploie toujours à oublier le risque couru : d'être seulement l'un de ces spectacles à l'occasion desquels, en bonne compagnie, on juxtapose des discours ou des dissertations sur un sujet général. Si cette rencontre avait quelque chance d'échapper à la répétition, ce serait dans la mesure où quelque imminence, chance ou péril à la fois, ferait pression sur nous. »

Quelque chose se décide, « quelque chose qui contraint à la dessaisie ». Il faut décidément la dessaisie de l'inéluctable détermination platonicienne de l'être et de la mimesis « il y a une urgence philosophique à laquelle il n'est pas possible de se dérober : obligation nous est faite de repenser la mimesis, d'en déconstruire toute l'interprétation ». Et Derrida hésite : « il n'est pas sûr que Lacoue-Labarthe déconstruise l'inéluctable détermination platonicienne de la mimesis, il n'est pas sûr que déconstruire soit le meilleur mot pour la réinscription qu'il en fait dans les structures du double bind, de l'abîme, de l'Unheimlichkeit, de l'hyperbologie, etc. » ; et Lacoue-Labarthe hésite : « Il faudrait pratiquer quelque chose comme une (dé)construction, moins critique que positive, pour ainsi dire peu négative. » Et c'est bien pourquoi ce qui s'essaie au titre de « Déconstruction mimétique » est le syntagme d'une grande hésitation.

Et il y a encore ce conditionnel, ou plutôt cet inconditionnel peu commun : « Il faudrait soutenir jusqu'au bout la thèse philosophique elle-même, selon laquelle toujours il faut la vérité ». Quel est l'espacement étrange, l'hyperbologie de ce conditionnel inconditionnel ? La marque d'une hésitation décisive ? Imitons, remarquons : « Il faudrait soutenir qu'il faut la vérité ». Il y a une distance mince, un recul imprenable, un pas, le vide d'une articulation, l'espacement nu de la scène, la blancheur de la page où se joue le sens d'une pensée toujours à bout, fidèle à l'infidélité près. Qu'en est-il de la « tout autre pensée de la mimesis que fraie Lacoue-Labarthe » ?

Au mieux paradoxale, au pis aberrante, « mimétique » parce qu'il lui faudrait falloir tenir, sans aveuglement mais jusqu'au bout, une thèse de l'être : quelque déconstruction mimétique que Lacoue-Labarthe signe comme nom d'une tâche, singulièrement réinscrite, et quasiment fidèle. Il faut y aller. Jusqu'au bout de la démolition nietzschéenne, Nietzsche n'y étant pas allé lui-même là aussi se fait sentir une hésitation si inversion du platonisme il y a simplement. Jusqu'au bout de la destruction heideggérienne, Heidegger n'y étant pas pour rien dans ce tremblement vigilant qui transit la pensée d'aujourd'hui.

« La déconstruction de l'esthétique est une tâche nécessaire qu'il nous revient donc encore de poursuivre, elle est restée inachevée et s'est interrompue et comme brisée sur le roc du politique ». Il s'agit toujours de saisir Heidegger « malgré lui mais à cause de lui », et Lacoue-Labarthe le lit et le relit mordicus : « Heidegger a donné à penser que rien serait en effet rien (n'importe quoi) s'il n'obligeait à lui donner un lieu où s'atteste qu'en étant là, il n'y est évidemment pas, par quoi et selon quoi s'ouvre un habiter possible. Sans cela, sans cette injonction absolument paradoxale du rien (qui n'émane de rien) et sans l'acquiescement, le nôtre, à cette impossible injonction (nul double bind plus puisant), c'est l'immonde. Et l'im-monde, c'est ce qu'il nous faut aujourd'hui refuser de servir d'accomplir et d'accompagner. C'est un monde sans propriété ni stabilité. C'est alors qu'il n'est plus question de faire n'importe quoi et qu'il est urgent d'être juste. Notre tâche est de nous en prendre au semblant de monde qu'on nous a légué et qu'on nous fait. » Derrida demande alors : « Qui peut oser un nous sans trembler ? » Il tremble sans hésiter : « Ce que je partage avec Lacoue-Labarthe, nous le partageons aussi tous deux, quoique différemment, avec Nancy. Si quelque chose a bien dû nous rassembler, il n'y a jamais eu entre nous aucune ligne commune, mais quelque chose a dû favoriser un sens respectueux non seulement du droit à la philosophie, mais de la justice dans la pensée, c'est-à-dire aussi la probité dans l'écriture, l'éthique, le droit et la politique. »

Un rien fidèle, peu de chose, quasi ou trois fois rien (pas n'importe quoi, c'est tout), qui doit contraindre voire soutenir, qui doit étrangement faire quelque « mimesis déconstructrice ».


PROGRAMME


Vendredi 27 janvier (à l'Institut Finlandais)

Matinée

9h30 : Présentation
10h00 : Thomas Dommange (Montréal, Canada) - Wagner : la fiction du culte
11h00 : Paola Marrati (Baltimore, États-Unis) - Entre mythe et expérience
12h00 : Susanna Lindberg (Helsinki, Finlande) - Ontorythmie

Après-midi

14h30 : Fabien Chambon (Helsinki, Finlande) - Délecture de Nietzsche
15h30 : Leonid Kharlamov (Paris, France) - Le propre (n')est (pas) le proche
16h30 : Jean-Luc Nancy (Strasbourg, France) - Portrait de Lacoue en Labarthe

Samedi 28 janvier

Matinée (Salle des actes en Sorbonne)

9h30 : Denis Guénoun (Paris, France) - La scène est-elle primitive ?
10h30 : Magali Guiet (Strasbourg, France) - Scènes de la représentation du mime
11h30 : Philippe Lacoue-Labarthe (Paris, France) - Mime de rien

Après-midi (à l'Institut Finlandais)

14h30 : Maud Meyzaud (Francfort, Allemagne) - Langue révolutionnaire
15h30 : Artemy Magun (St Petersbourg, Russie) - Révolution et mimesis
16h30 : Esa Kirkkopelto (Helsinki, Finlande) - Comparatifs de Hölderlin
17h30 : Jonathan Rousseau (Strasbourg, France) - La mort du sacrifice


LIEUX


Auditorium
Institut Finlandais
60, rue des Écoles
75005 Paris
tél. 01 40 51 89 09

Sallle des Actes de Paris IV
Université Paris-Sorbonne
1, rue Victor Cousin
75005 Paris
tél. 01 40 46 22 11


ORGANISATION


Organisé par : La chute dans la vallée

Avec le soutien de :
Collège International de Philosophie
Centre de Recherche sur l'Histoire du Théâtre
Institut Finlandais de Paris
CFCES