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Hommages à Édouard Glissant (màj 22/02/11)

Hommages à Édouard Glissant (màj 22/02/11)

Publié le par Marc Escola (Source : Présidence Paris 8)

Communiqué du cabinet de la Présidence de l'Université Paris 8

Le Président de l'université Paris 8 a la tristesse de vous informer du décès d'Edouard Glissant, survenu cette nuit (3/2/11).
Né en 1928, Edouard Glissant était un des plus grands poètes et écrivains de notre temps. Penseur de la "créolisation", son concept du "Tout monde" avait naturellement rencontré dans notre université un écho singulier, un esprit qui était relayé dans nos recherches et nos enseignements. C'est ainsi qu'en 2002 fut créé un prix dont il était le parrain, prix que Paris 8, l'Agence universitaire de la francophonie, RFO et la Maison de l'Amérique latine remettent chaque année, au printemps, à l'auteur d'une oeuvre artistique animée par les valeurs humanistes dont la pensée d'Edouard Glissant était porteuse, ainsi qu'une bourse d'études allouée à un doctorant de notre université.

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Pour en savoir plus sur Edouard Glissant (fiche de l'auteur sur le site du festival Étonnants voyageurs).

Le site Internet officiel d'Edouard Glissant (1928-2011), qui avait été lancé en 2006 (http://www.fabula.org/actualites/site-edouard-glissant_16031.php ) avant d'interrompre ses activités en 2009 suite à des problèmes d'hébergement, a été remis en ligne. Il est désormais accessible à l'adresse www.edouardglissant.fr .


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Lire Édouard Glissant, par Anne Douaire:

Lire Édouard Glissant, c'est se risquer dans une nouvellecontrée du monde, habitée des tableaux de Lam et de Matta, d'images, de sons,de liaisons, de mots, de cris ; une contrée têtue et complexe, creusée desouterrains invisibles dont l'on sent la présence, sous un ciel toujourschangeant et toujours questionnant ; c'est entendre résonner Odono !et voir planer l'oiseau Cohé ; tomber-se relever sans fin avecDlan-Médellus-Silacier et aimer la terre, l'humus, la trace et les roches avecMycéa ; c'est courir sans relâche le plus beau risque, celui du mondeouvert et relié, celui de la rencontre imprévisible, déconcertante etimpérieuse dans son opacité, désirable et féconde dans son opacité.

Lire Édouard Glissant, c'est avoir l'oreille habitée dessons de Bernard Lubat, la peau troublée des mots de Chamoiseau, l'esprit séduitpar Deleuze et par Guattari, c'est respirer à grandes goulées l'air de New Yorket de Paris, des pentes vertes du Diamant et des statues qui meurent aussi.

Lire Édouard Glissant, c'est comprendre qu'un lieu peut direle monde, sentir que dans le détail tétu se niche l'infini du réel, poser commeune évidence que d'un gouffre peut sourdre la certitude de la solidarité et descompréhensions, vouloir que les murs tombent et décider qu'ils sont tombés.

Lire Édouard Glissant, c'est relire Faulkner, plonger dansKateb Yacine, prendre le train avec Bouvier et Cendrars, faire du feu avecArtaud et arpenter, à petits pas de chenille, les flancs de la Pelée avec AiméCésaire ; c'est lire comme un enfant, pour la première fois, et ouvrir lesyeux sur l'autre côté du monde, c'est lire un tout jeune poète, toujours, et letrouver encore insu ; c'est lire par-dessus l'épaule d'un Batouto et ydécouvrir des mots qui n'existaient pourtant pas ; c'est se lever etoccuper les rues, épaule contre épaule, en autant de marches qu'il y aurad'interdictions ; c'est choisir de parler et d'entendre mêmel'inconcevable, de dire et de redire l'inaliénable certitude que le temps estéperdu et la beauté intraitable, et pour cela, d'être aussi, à sa façon, unpoint de la Relation.

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Liens vers d'autres hommages rendus à Édouard Glissant:

Dossier sur le site officiel Édouard Glissant: http://www.edouardglissant.fr/actualites.html

Dossier spécial sur le blog de La Quinzaine littéraire.

Ton sourire, Édouard Glissant, sur Evene.fr

Pour saluer Édouard Glissant, sur le site du festival Étonnants voyageurs.

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Sur lefigaro.fr:

Édouard Glissant, chantre du métissage, par Mohammed Aissaoui (03/02/2011) Décédé ce jeudi, l'écrivain martiniquais se retrouve auprès de figures telles que Césaire, Frantz Fanon ou Léopold Sédar Senghor. coeur-.gif

Il y a quelques semaines, Édouard Glissant travaillait d'arrache-pied à la publication d'un livre qui devrait paraître au mois d'avril: 10 mai, l'esclavage au fond des déserts et des océans (Gaalade). Malgré un état très faible -l'an dernier, il avait été hospitalisé à New York pour un problème cardiaque-, l'écrivain aura écrit et milité jusqu'à son dernier souffle. Reconnu bien au-delà du monde francophone, l'écrivain martiniquais est décédé ce jeudi matin à l'hôpital Georges Pompidou à Paris à l'âge de 82 ans.

Sa longue carrière de romancier, d'essayiste et de poète est fortement associée à un engagement politique qui ne s'est jamais démenti. Pour résumer son existence, on peut dire que le natif de Sainte-Marie, en Martinique, était le chantre de la créolité et du métissage en référence à Césaire, chantre de la négritude. Glissant était un peu le petit frère d'Aimé Césaire, martiniquais également, né une dizaine d'années avant lui. Il est vrai qu'aujourd'hui, et au vu de l'émotion et des réactions suscitées par sa mort, Glissant se retrouve auprès de figures telles que Césaire, Frantz Fanon ou Léopold Sédar Senghor. Il a été cité à plusieurs reprises pour le Prix Nobel de littérature.

Il n'avait pas trente ans quand il est distingué par le Prix Renaudot en 1958 pour La Lézarde. Dans ce roman figurait déjà tout ce que l'on allait retrouver dans son oeuvre: littérature et militantisme ne font qu'un. La Lézarde, nom d'une rivière, narrait l'histoire de cinq jeunes révolutionnaires qui décident de tuer l'officier chargé de réprimer la révolte.

Édouard Glissant était arrivé à Paris à l'âge de dix-huit ans pour étudier, et s'est très vite lié avec des militants antillais indépendantistes - il a d'ailleurs été un moment assigné à résidence pour ces activités. Il s'est inspiré des thèses sur la négritude, même s'il n'a pas toujours été d'accord avec Césaire. L'auteur martiniquais a une approche davantage centrée sur le métissage et la créolité qu'il a résumés dans une jolie formule: «Le tout-monde», pour lequel il a écrit un manifeste avec Jean Rouaud et Michel Le Bris, fondateur du festival Étonnants voyageurs; il définissait ainsi ce concept: «Le monde que l'on partage, le monde où les diversités sont acceptées. J'appelle la créolisation des rencontres, l'interférence, le choc, les harmonies et les disharmonies entre les cultures…» Il a rappelé que cette idée de «tout-monde» était née au pied d'un monument aux morts pour la France.

Étudiant à La Sorbonne, il a été fondateur du Front antillo-guyannais, puis il a créé l'Institut martiniquais d'études. Il a évidemment été de toutes les luttes anticolonialistes. Ce docteur ès lettres a dirigé Le Courrier de l'Unesco durant près de sept ans (de 1982 à 1988), avant d'être appelé par une université américaine (il a été à la tête du Centre d'études françaises et francophones); et depuis 1995, il enseignait la littérature française à l'université de New York. Pour lui, l'élection de Barak Obama, inimaginable, est l'un des moments forts de l'Histoire, il a coécrit un livre au président des États-Unis coiffé d'un joli titre : L'Intraitable beauté du monde.

Ces dernières années, il s'est surtout penché sur les questions de l'esclavage. Son ami Dominique de Villepin lui avait d'ailleurs commandé un rapport sur le sujet dans le but de créer un institut sur la traite et l'esclavage, d'où la publication de Mémoires des esclavage, avec une préface de l'ancien premier ministre.

Cet homme corpulent et impressionnant, à la voix fluette haut perché, savait séduire par les mots, par la voix. Il a marqué des générations d'écrivains tels que Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant avec lequel il a beaucoup travaillé, mais aussi Alain Mabanckou, Dany Laferrière, Daniel Maximin… «Avec lui nous avons ouvert les yeux au «chaos du monde». Glissant nous invitait à réfléchir sur la nécessité de prendre en compte le métissage comme élément de compréhension du monde», affirme très ému Alain Mabanckou."