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De la mobilité à la création littéraire contemporaine  

De la mobilité à la création littéraire contemporaine

Publié le par Emilien Sermier (Source : COULIBALY Adama)

 

 

De la mobilité à la création littéraire contemporaine  

 

« Ce qui est certain, c’est que « la circulation » reprend. Désordonné, tourbillonnesque même, elle ne laisse rien, ni personne indemne. » (Michel Maffesoli 1997 :25). Ces propos du sociologue italien inscrivent la circulation, le déplacement, la mobilité, le mouvement comme un des paradigmes majeurs de notre époque. Au-delà de l’information, il s’agit bien de la caractérisation de notre contemporain comme une période douée d’une force  désordonnée qui conteste fortement la fixité, l’appel du local. La lecture de l’extrême contemporain ne va pas sans le constat d’une rupture d’une relation au soleil ou au foyer qui accompagne les notions de rhizome, de territorialisation, de déterritorialisation pour lire les identités fictives ou fluctuantes des nomades autour des paysages (scapes), des réseaux etc.

La floraison des  lignes analytiques pour cerner la mobilité est riche. Ainsi certains, comme Appadurai, parlent, en termes génériques, des "flux globaux" dans lesquels on peut ranger les déplacements des populations et des biens culturels présentés en « paysages » ; les flux médiatiques (avec "le nouvel ordre d’instabilité qu’il engendre») et autres. Poussant la logique des flux médiatiques à l’excès, Zygmunt Baumaan arrive à la conclusion que nous sommes bien entrés dans une modernité liquide (Liquid modernity)… D’autres, comme les économistes, parlent de délocalisation et de relocalisation des entreprises avec leur flux économiques et technologiques… Anthony Giddens, par exemple, tente une structuration de ce mouvement autour de ce qu’il appelle la circulation "des gages symboliques" et des "systèmes experts"[1]….La sociologie a convoqué une constellation métaphorique du global, du réseau et du fluide[2], tout en recherchant une sémantique de la mobilité autour de la motilité (Vincent Kauffman) ou même une sémantique de la trajectoire avec la trajectilité (Berque)…

Penseur incontournable de la mobilité, notamment dans son désormais célèbre Image-mouvement[3], Gilles Deleuze propose une approche de la question à partir de l’art du cinéma, art par sa capacité à introduire de la vie dans l’image.  Deleuze  suggère ainsi d’« extraire des véhicules ou des mobiles le mouvement qui est en la substance commune, ou d’extraire des mouvements la mobilité qui en est l’essence.»[4] Cette décomposition met à nu une forme (le véhicule), la translation (le mouvement) et la force motrice, l’énergie qui en serait le principe de mobilité.  Les principes du déplacement, du mouvement et de la mobilité sont de fait logiquement la rhétorique qui permet et favorise ici l’interprétation et l’analyse.

Si l’on admet par conséquent que le mouvement, le déplacement, la circulation catégorisent notre contemporain, on ne peut manquer de se rendre compte que ce paradigme influence l’imaginaire et notre sens de la représentation. C’est bien ce qu’il faut entendre dans la définition de la littérature-monde qui, selon Mabanckou, « est le concert de la multiplicité d’expériences, la reconnaissance de la force de l’art dans ce qui apparait comme le « désordre de la vie. » Elle part du constat qu’il nous faut désormais imaginer l’écrivain dans sa mobilité[5] et dans l’influence que suscite en lui l’émerveillement de ce qui ne vient pas nécessairement de son univers. »[6] Ainsi, en reversant ces acquis théoriques sur le champ littéraire, le vertige terminologique en devient plus prononcé notamment en raison de la prévalence des notions déjà anciennes de diaspora, d’exil, alors que les taxinomies des catégories littéraires s’affolent entre les littératures de l’immigration, littératures de l’émigration, littératures immigrantes… ou même les écritures migrantes et les querelles définitionnelles qui ne manques pas de les accompagner. Dans le contexte de mobilité, les auteurs sont des nomades dont les œuvres disent, selon la belle métaphore de Mabanckou, "le chant de l’oiseau migrateur"[7] : des œuvres, produits du butinage dans la macro-sémiotique internationale. La compréhension des textes de ces auteurs, de plus en plus nombreux, s’encastre bien dans les trois niveaux de l’écriture migrante (l’expérience du pays d’origine ; celle de la migration/mobilité et celle du devenir du pays d’accueil)[8].

L’émergence et la floraison de nombreux termes à forte valeur taxinomique (souvent contradictoires souvent complémentaires) pour désigner les littératures issues de ces mouvements ou tout simplement influencées par cette dynamique autorisent à s’interroger sur les niveaux cognitif, épistémique et les influences de la dynamique de la mobilité ou de la migrance littéraire sur la création contemporaine… Il y a une problématique de la mobilité littéraire dont la saisie passe peut-être par une meilleure interrogation ou une interrogation plus théorique de la mobilité ?

Qu’est-ce que la mobilité ? Topique littéraire ? Catégorie littéraire ? Quelle tension épistémique sous-tend sa présence dans les œuvres? Quelle tension cognitive imprime-t-elle à l’histoire littéraire ? Quelles configurations discursives, thématiques et énonciatives insuffle-t-elle à la création littéraire ? Quelle phénoménographie de la mobilité dans la  création littéraire ?

 

Ce numéro s’attachera à identifier et caractériser, tant d’un point de vue théorique que dans les pratiques d’écriture, les figurations de ces crises, à analyser les diverses manifestations et influences que la mobilité actuelle inflige à la création.

 

AXES DE TRAVAIL (à titre indicatif)

1-Mobilité et histoire littéraire

2-L’appropriation littéraire des théories à la mobilité

3- Les figures et les configurations de la mobilité en littérature

4-Mobilité et genres (Road Movie, Road Novel, littérature de l’immigration)

5-Les écritures migrantes-Les écritures transnationales…

6-La question des ethnoscopies littéraires

7- Les littératures off-shore etc…

 

Toutes les propositions de contribution théorique sur la mobilité sont donc bienvenues. La description de la contribution (maximum 250 mots) doit préciser le titre,  la problématique, le corpus et la méthodologie.

Veuillez soumettre vos propositions aux trois adresses suivantes :

Prof. COULIBALY Adama/ adamaqul@yahoo.fr:

Prof. KOUAKOU Jean-Marie/ kouakoujm@yahoo.fr

Prof. AMANGOUA Atcha Philip/ amangoua_philip@yahoo.fr

 

Chronogramme

Les résumés (environ 250 mots) sont attendus 31 janvier 2014

Notification de réponse/ 15 Février 2014

Tombée des textes =31 juin 2014

 

 

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

-AUGE Marc, Non-lieux, Paris, Le Seuil, 1992

-AUGE Marc, Pour une anthropologie de la mobilité, Paris, Payot & Rivages, 2009.

-APPADURAI (Arjun), Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la

globalisation, Paris, Payot, 1996, 2001, 322 p.

- BENJAMIN (Walter), « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique»,

Œuvres III, Paris, Gallimard Folios-Essais, 2000, pp. 268-316.

-COULIBALY Adama, « Mobilité des objets culturels, intertextualité et postmodernisme     

littéraire dans le roman africain francophone »,  En-Quête, Revue scientifique des Lettres Arts et Sciences  Humaines, Abidjan, Université de Cocody, EDUCI, n°.17, 2007, pp. 45-65

-DELEUZE (Gilles) : L’image-mouvement, Cinéma I, Paris, Les Ed. Minuit, 1983, 298 p.

-HAREL (Simon), Les Passages obligés de l’écriture migrante, Canada, Editions XYZ, 2005.                                                          

-IMBERT (Patrick), Trajectoires culturelles transaméricaines, Ottawa, Les Presses de    l’université d’Ottawa, 2004, 341 p.

-KAUFMAN(Vincent), « Mobilités et réversibilités : vers des sociétés plus fluides », Cahiers

Internationaux de Sociologie, 2005-1, pp.119-135.

-KAUFMAN (Vincent), Re-Thinking Mobility, Ashgate, 2002,

-MAFFESOLI (Michel), Du nomadisme : vagabondages initiatiques, Paris, La Librairie

générale Française, Livre de poche, 1997, 190 p.

-MOISAN (Clément), Ecritures migrantes et Identités Culturelles, Nota Bene, 2008.                                               

-URRY John, Sociologie des mobilités, Paris Armand Colin, 2000, 251p.