Questions de société
De l'impartialité des médias à l'égard de la mobilisation

De l'impartialité des médias à l'égard de la mobilisation

Publié le par Vincent Ferré (Source : Le Point, Le Monde, Libération)


1. Article C. Rollot, Le monde & analyse par S. Huet : Etrange article du «Monde» sur les universitaires

2. Edito Le point () & réponse d'O. Beaud : L'idéologie du père peinard

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 ARTICLE DE C. ROLLOT, le monde 8-9 mars

Compromis entre Valérie Pécresse et quatre syndicats sur le statut des
enseignants-chercheurs. Pour sortir de la crise, le gouvernement doit régler la question de la
formation des maîtres

A l'issue de trois séances de négociation, un compromis a été trouvé, vendredi 6 mars, sur le statut des enseignants-chercheurs entre la ministre de l'enseignement supérieur, Valérie Pécresse, et quatre syndicats (SGEN-CFDT, Sup'Recherche UNSA, FO et AutonomeSup).
Le gouvernement avait déjà lâché du lest sur les postes, en gelant les suppressions prévues dans les universités en 2010 et 2011. Il a réécrit son projet contesté de décret sur le statut, pour réformer l'ancien qui datait de 1984.
Ce nouveau projet " équilibré, prend en compte l'ensemble des positions qui se sont exprimées ", affirme Mme Pécresse. Il est un savant mélange de reculs, d'avancées et de statu quo et devrait satisfaire une partie de la communauté universitaire. En revanche, il ne suffit pas au gouvernement pour sortir de la crise dans les universités : il reste à trouver un accord sur l'autre sujet de crispation, la réforme de la formation des enseignants du primaire et du secondaire.
Le nouveau texte, qui concernerait 57 000 enseignants-chercheurs (maîtres de conférences et professeurs d'université) et devrait entrer en vigueur au 1er septembre 2009, est une version très différente de la première mouture, qui a alimenté la colère des universitaires depuis cinq semaines.
Sur la base d'un temps de travail annuel de 1 607 heures, dont 128 heures de cours magistral ou 192 heures de travaux dirigés ou pratiques, les enseignants-chercheurs pourront choisir de moduler leur nombre d'heures d'enseignement. Ils seront libres, par exemple, de demander à moins enseigner pour se consacrer davantage à la recherche, à l'accompagnement pédagogique ou à d'autres tâches. Cette modulation ne pourra être mise en oeuvre sans l'accord de l'intéressé.
L'enseignant-chercheur qui se verrait refuser cette possibilité pourra demander le réexamen de sa demande.

EVALUATION OBLIGATOIRE

Si le gouvernement a réussi à sauver son idée de modulation, il est ainsi revenu sur les principes qui la guidaient. Les présidents d'université ne pourront plus imposer aux enseignants-chercheurs jugés peu performants en recherche de faire davantage d'heures d'enseignement. Cette approche de l'enseignement, utilisée comme une sanction, avait
profondément choqué les universitaires.
Autre point majeur, l'évaluation. Chaque enseignant-chercheur sera désormais évalué " au moins tous les quatre ans " par ses " pairs " qui prendront en compte " l'ensemble de ses activités et leur évolution éventuelle ". En réussissant à faire passer l'idée d'une évaluation obligatoire et régulière, le gouvernement marque là un point. Jusqu'à présent, une fois en poste, les enseignants-chercheurs n'étaient astreints à de telles procédures que lors qu'ils demandaient un changement de grade. En revanche, est abandonnée une mesure transitoire de trois ans qui permettait aux universités de faire elles-mêmes cette évaluation en attendant la réorganisation du Conseil national des universités (CNU).
S'agissant du troisième sujet majeur, les promotions, c'est le statu quo qui a été retenu. Un arrêté complétant le décret précisera que la moitié des promotions seront décidées au niveau national par le CNU et l'autre moitié au niveau local par le conseil d'administration des universités.
Cette disposition, qui a donné lieu à d'âpres discussions, correspond à la situation actuelle. Seule différence, les promotions décidées au niveau local seront basées sur l'évaluation du CNU, rendues publiques, et devront être motivées. Cette nouvelle version se fait au détriment des universités. La première mouture du projet leur accordait en effet
le pouvoir de décider de 100 % des promotions, une disposition qui avait été violemment critiquée par les enseignants-chercheurs qui craignaient l'arbitraire des présidents d'université.
Le syndicat majoritaire, le Snesup-FSU, qui n'a pas voulu participer aux négociations, a reconnu " des inflexions ", mais elles sont " loin ", selon lui, " d'être suffisantes ". La coordination nationale des universités a quant à elle jugé " inacceptable " la réécriture du décret et maintenu son mot d'ordre de grève illimitée. Le projet de décret devrait être présenté pour avis d'ici à quelques semaines au comité technique paritaire des corps universitaires, une instance nationale, avant d'être transmis au Conseil d'Etat.

Catherine Rollot

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ANALYSE PAR S. HUET, sur le blog "Sciences2" de liberation.fr

Etrange article du «Monde» sur les universitaires

Dans Le Monde daté de dimanche 8mars/lundi 9 mars, ma consoeur Catherine Rollot traite des résultats de la négociation du vendredi 6 mars au ministère de Valérie Pécresse. Deux sujets y font l'objet d'une présentation étrange : la modulation des services et l'évaluation des universitaires.

Pour la première, on lit ceci:  «Si le gouvernement a réussi à sauver son idée de modulation, il est ainsi revenu sur les principes qui la guidaient. Les présidents d'université ne pourront plus imposer aux enseignants-chercheurs jugés peu performants en recherche de faire davantage d'heures d'enseignement. Cette approche de l'enseignement, utilisée comme une sanction, avait profondément choqué les universitaires.»
Sur le second point, on lit ceci : «Autre point majeur, l'évaluation. Chaque enseignant-chercheur sera désormais évalué "au moins tous les quatre ans" par ses "pairs" qui prendront en compte "l'ensemble de ses activités et leur évolution éventuelle". En réussissant à faire passer l'idée d'une évaluation obligatoire et régulière, le gouvernement marque là un point. Jusqu'à présent, une fois en poste, les enseignants-chercheurs n'étaient astreints à de telles procédures que lors qu'ils demandaient un changement de grade. En revanche, est abandonnée une mesure transitoire de trois ans qui permettait aux universités de faire elles-mêmes cette évaluation en attendant la réorganisation du Conseil national des universités (CNU).»
Qu'y a t-il d'étrange dans ces présentations ? Tout simplement d'attribuer «au gouvernement» ces deux idées - la modulation des services et l'évaluation des universitaires - comme s'il s'agissait de les imposer à une communauté rétive à ces principes. Or, cette présentation constitue une étrange réécriture de l'histoire et ne tient pas devant les faits : la lecture de la synthèse des Etats-Généraux de la recherche et de l'enseignement supérieur, tenus à Grenoble en... 2004 démontre que ces idées viennent en réalité... de ceux qui contestent aujourd'hui la politique de Valérie Pécresse. Démonstration par citation de ce document :

Lire la suite de l'article


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II. EDITO DU POINT ET REPONSE d'O. BEAUD, février 2009
(source : liberation.fr, V. Soulé)

édito du Point du 05/02/2009 : L'idéologie du père peinard

Dans quelle décennie du siècle dernier sommes-nous retombés ? La France est toujours telle qu'en elle-même l'éternité la fige : cabocharde et conservatrice.
Le conservatisme français se pare le plus souvent d'oripeaux prétendument révolutionnaires et prend une posture de gauche pour refuser les réformes qui pourraient troubler son confort.
C'est ce qui se passe aujourd'hui avec le consternant mouvement contre le décret de Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur, changeant le statut des enseignants-chercheurs. Pensez ! Ils risqueraient d'être soumis à une véritable évaluation et, pis encore, à une concurrence entre les universités.
D'où l'appel à la grève illimitée d'enseignants ou de chercheurs qui, derrière leur logomachie pseudo-révolutionnaire, ont souvent, chevillée au corps, l'idéologie du père Peinard. La France est un des pays d'Europe qui dépense le plus pour son système éducatif, avec les résultats que l'on sait. Il faut que ce fiasco continue, et tant pis pour nos enfants, qui, inconscients des enjeux, se feront de toute façon embringuer par des universitaires, réactionnaires au sens propre du mot.
Ce que démontre ce navrant épisode, c'est que les réformes de ce genre passeraient peut-être mieux si elles venaient de la gauche. Mais pour cela, encore faudrait-il qu'il y ait une gauche, une vraie, capable de penser l'avenir du pays.
En attendant, s'il veut pouvoir remettre les pendules à l'heure à tous les étages de la société française, le pouvoir serait bien inspiré de s'en prendre aussi à la poignée de goinfres, anciens demi-dieux de la finance, qui, après avoir grugé tout le monde, sont repartis les poches pleines. Ne pourrait-on pas les leur faire un peu ?

Franz-Olivier Giesbert

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lettre d'O. Beaud, 20/02/2009

Monsieur,

Dans le Point du 5 février (n° 1899), vous avez publié un éditorial intitulé "l'idéologieu du père Peinard" qui était une attaque en règle contre les universitaires protestant contre les réformes en cours sur le projet de de statut et la "masterisation" des concours.
Comme beaucoup de mes collègues, j'ai été très choqué par le contenu et le ton de cet aticle qui donnait au grand public une image caricaturale du milieu universitaire et de notre métier. Le mot qui vient à l'esprit pour le caractériser est celui de "poujadisme anti-intellectuel".
C'est pour cette raison que, sollicité par plusieurs de mes collègues de l'université de Paris II, également outrés par votre éditorial, j'ai co-signé une lettre de protestation collective. Vous m'avez fait savoir préalablement à l'envoi de cette lettre que vous étiez d'accord sur l'idée même d'une sorte de droit de réponse. Mais lorque nous vous avons adressé notre texte par courriel, le 12 février 2009, vous avez alore exigé, pour le publier, des coupures tellement substantielles que nous les avons refusées. Nous avons préféré publier intégralement aileurs, ce qui fut fait, le week-end suivant, dans la version électronique du Journal du Dimanche.
Il va de soi que vous pouvez exprimer vote désaccord avec le mouvement de protestation des universitaires. Mais dès lors que vous l'avez fait avec la radicalité des propos tenus dans votre éditorial, il est plus suprenant que vous "censuriez" une réponse qui restait courtoise sur la forme, même si on pouvait la juger ironique. Une telle inégalité est choquante car votre attaque est restée finalement sans réponse dans votre journal. Par ailleurs, il ressort de cet épisode que nos positions sont totalement divergentes sur la  question universitaire. Etant de ceux qui sont parmi les plus impliqués dans le combat visant à faire retirer le projet de décret statutaire, je suis contraint d'en tirer les conséquences.

Après avoir mûrement réfléchi, j'ai décidé de cesser désormais toute collaoration avec le journal que vous dirigez. Je ne rédigerai donc plus les billets sur le droit constitutionnel que Mme Pierre-Brossolette publiait dans la rubrique "France". Croyez bien que je regrette profondément cette décision. J'avais, jusqu'à présent, bénéficié d'une totale  liberté dans cette chronique et beaucoup apprécié la faculté qui m'était offerte d'exposer au public, de façon didactique, des questions constitutionnelles d'actualité.

Sachez bien, enfin qu'on ne peut pas à la fois solliciter les universitaires comme experts, quand on a besoin de leurs lumières, et les vilipender comme des fonctionnaires fainéants et épris de conservatisme dès qu'ils s'opposent à des réformes qui abaissent leur statut et portent atteinte à leur identité professionnelle.

Veuillez recevoir, Monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs

Olivier Beaud

Lire aussi sur le site du Journal du Dimanche, le "droit de réponse" refusé par Le Point…