Questions de société
D. Filâtre :

D. Filâtre : "Il faut oser lever le voile sur une tradition de concours basée sur une même épreuve pour tous" (Educpros 01.09.09)

Publié le par Bérenger Boulay

Daniel Filâtre (ex-président de la commission sur laréforme de la formation des enseignants) : «Il faut oser lever le voilesur une tradition de concours basée sur une même épreuve pour tous»

Propos recueillis par Fabienne Guimont. Educpros 01.09.09

http://www.educpros.fr/nc/rss/article-rss/a/daniel-filatre-ex-president-de-la-commission-sur-la-reforme-de-la-formation-et-du-recrutement-de.html

La réforme de la formation des maîtresdevrait encore faire des vagues à la rentrée 2009. Les premiers textessortis cet été installent la mastérisation dans le paysage et desgroupes de travail se réunissent en septembre pour régler les dernièresquestions en suspens. Démissionnaire de la commission de concertation qu'il présidait avec le recteur Marois, Daniel Filâtre,président de Toulouse 2, entend défendre la place des universités dansle dernier round de la mise en place de cette réforme toujours prévuepour la rentrée 2010.

Qu'est-ce qui est réglé pour l'instant dans la réforme de la mastérisation et qu'est-ce qui reste en suspens ?

Leniveau master exigé pour passer les concours est acquis et acte lamastérisation du recrutement en positionnant le concours en deuxièmeannée de master (M2). Ce choix écarte notre proposition de placerl'admissibilité des concours en fin de M1 pour libérer les étudiants enM2 et leur permettre ainsi de préparer l'admission. Mais finalement, cequi est déterminant ce n'est pas la place des concours, c'est surtoutde repenser le lien entre les concours et la formation ainsi quel'orientation/réorientation des 240 000 étudiants qui s'inscrivent auxconcours. Jusqu'à maintenant, on passait le diplôme puis ensuite lesconcours. On passe de ce modèle séquentiel à un modèle intégré.


Comment souhaitez-vous réformer les concours de l'enseignement par rapport à ce modèle intégré ?

Jusqu'àmaintenant, on formait aux savoirs académiques avant de former auxcompétences professionnelles dans les IUFM. Aujourd'hui, savoirsacadémiques et professionnels doivent se mener de front et on proposedes blocs de compétences intégrées. En effet, avec la concomitanceentre la formation et les concours pendant le M2, il est impossible depréparer les épreuves du concours et celles du master en même temps. Ilfaut aménager les épreuves du concours avec des épreuves composites. Ensoi, c'est une révolution de repenser des épreuves validées en master,qui ne soient pas repassées lors du concours. On doit distinguer ce quirelève de l'inspection générale (qui sélectionne) de ce qui relève del'université (qui forme) avec le master. L'Inspection générale allaitdans ce sens en juillet. Pour éviter de re-sélectionner, l'Educationnationale et l'Enseignement supérieur doivent travailler en commun. Ilfaut oser lever le voile d'une tradition de concours basée sur une mêmeépreuve pour tous en diversifiant les épreuves selon la situation desétudiants, selon par exemple qu'ils sont en M2 ou non.


Ledialogue difficile entre Education nationale et Enseignement supérieurn'était-il pas la clé des problèmes l'année dernière dans la mise enplace de cette réforme ?

Nous partagions les ambitionsinitiales de la réforme, mais elle a été menée avec précipitation.Faute de temps, les enseignants ne pouvaient penser en même temps lesmaquettes de master et les nouveaux concours la même année. Parailleurs, notre décision de quitter la commission était aussi fondéesur le constat que les ambitions étaient davantage économiques quepédagogiques avec la suppression de l'année desfonctionnaires-stagiaires. En décidant de placer les concours après laformation, l'Education nationale n'a pas su rencontrer l'Université etl'Enseignement supérieur. De plus, les syndicats du supérieur ne sontpas les interlocuteurs traditionnels de l'Education nationale habituésaux syndicats du secondaire. La coopération entre les deux ministèresest nécessaire. Nous proposons que les groupes de travail selon lestypes de concours (Capes, Cape, CPE et Agreg) qui doivent se réunirpour poursuivre la réflexion soient constitués à parité de personnes duscolaire et du supérieur. Les universités ne sont pas des opérateurs dela réforme mais des coproducteurs avec une vision de la réforme etelles en revendiquent la responsabilité. Ce n'est plus pareil quelorsque les IUFM et les concours étaient hors de l'université.   


Suiteà la crise universitaire vécue par Toulouse 2 l'année dernière, vousavez décidé de décaler vos deux sessions d'examen en septembre. Commentallez-vous recommencer l'année universitaire ?

Débutnovembre 2009, notre université va tenir ses assises à l'occasion deses 40 ans. Nous avons un potentiel scientifique fabuleux mais avec desblocages récurrents qui mettent en jeu sa survie. Nous poserons lesquestions telles que « Quelle université voulons-nous», « Quellesrègles pour vivre ensemble ». C'est une université innovante,excellente, critique avec une extrême gauche très importante, mais ellene peut se permettre d'avoir sept blocages en neuf ans. Les forces del'ordre sont intervenues à cinq reprises. Si à chaque réforme, il y ades blocages et des grèves, ce n'est pas tenable.