Essai
Nouvelle parution
D. Bertrand, Les Caractères de La Bruyère, Foliothèque

D. Bertrand, Les Caractères de La Bruyère, Foliothèque

Publié le par Marc Escola

Vient de paraître:

D. Bertrand, Les Caractères de La Bruyère, Gallimard, La Foliothèque, 2002.

Prière d'insérer:

En se proposant d instruire en badinant , La Bruyère place son inspiration sous le signe dune muse galante, enjouée et naïve qui revendique lhéritage de Marot et de Voiture et place, tout au sommet du Parnasse, linvention poétique de La Fontaine, inégalable par le jeu, le tour et la naïveté (DRA, p. 435).

Ce tropisme ludique ne contredit pas les orientations profondes de lobservation morale. Si La Bruyère condamne les jeux dargent autant que les exercices futiles de lesprit, il témoigne dune fascination pour l " esprit de jeu ", cette qualité éminente quil reconnaît aux meilleurs stratèges militaires ou politiques : art de l " occasion " qui constitue un analogue de celui de la " rencontre ", nécessaire à l'écrivain (DOE, 17). La Bruyère entrevoit aussi, de manière très novatrice, la fécondité intellectuelle et créatrice du jeu (DH, 89). Nostalgique de la félicité imaginaire à laquelle les enfants parviennent si aisément (DH, 53), l'écrivain scrute les sources vives dun processus actif dillusion, modèle potentiel des arts mimétiques. L'aptitude des enfants à l'imitation ridicule (DH, 54) ne préfigure-t-elle pas, sur un mode spontané et anarchique, les exercices du moraliste ? Des affinités sont décelables entre le portrait de lenfant en moraliste incontrôlé et celui du philosophe moral qui contrefait naïvement le ridicule des hommes.

Lesprit de jeu, qui ne soppose pas au sérieux du sens, sert de fil dAriane à cette lecture des Caractères. On le retrouvera à luvre sous des modalités diverses. Lécriture ludique est sensible dans la fantaisie verbale, mais aussi dans la théâtralité qui irrigue l'écriture des portraits et confère au moraliste une position ambiguë au sein de la comédie sociale, tout à la fois représentée et démystifiée. Le jeu, en tant que principe de mouvement, apparaît aussi comme un ressort sous-jacent de la dynamique dune écriture discontinue.

Table des matières:

ESSAIINTRODUCTIONI LA DYNAMIQUE DU DISCONTINU I. La discontinuité dans tous ses étatsII. Défense et illustration du discontinu : une forme-sensIII. Les dimensions cachées de lécriture discontinue IV. Une discontinuité tempéréeII LIL ECRIVAINI. Une curiosité bien tournée : voir et donner à voir II. Le peintre et ses modèlesII. Lombre du théâtreIII LE JEU SOCIAL DEMYSTIFIEI. Le prisme satiriqueII. La démystification burlesqueIII. Les voies de la perfectionIV LE SENS DU RIDICULEI. Réapprendre à rireCONCLUSIONDOSSIERI REPERES BIOGRAPHIQUESA Les rares témoignagesB La vie rêvée de La Bruyère : fictions et réalitéII LA GENESE DES CARACTERESA Les variantesB Le plan du livre : lectures pluriellesC Portraits à clefs ?D Eléments dintertextualitéE Des Caractères aux Dialogues sur le quiétismeIII LA RECEPTION IMMEDIATEA Un succès inouïB Premières réactions : polémiquesC Le parallèle de La Bruyère et de ThéophrasteD Les imitateurs de La BruyèreIV LES CARACTERES JUGES PAR LA POSTERITEA Le XVIIIe siècleB Le XIXe siècleC Le XXe siècleV LUVRE DANS SON CONTEXTEA Approches sociopoétiques B Le cadre intellectuel C Modèles esthétiquesVI SELECTION BIBLIOGRAPHIQUE

Ancienne élève de lE. N.S., Dominique Bertrand est professeur à lUniversité Blaise Pascal (Clermont II). Elle est lauteur de La Littérature française du XVIIe siècle (Dunod, 1998) et de Lire le théâtre classique (Dunod, 1999). Elle a publié de nombreux articles ainsi que des ouvrages sur le rire et le burlesque de la Renaissance à lâge classique. Elle a également édité un colloque sur les Figurations du volcan à la Renaissance (Paris, Champion, 2001).