Essai
Nouvelle parution
Correspondance Gide - Schiffrin (1922-1950)

Correspondance Gide - Schiffrin (1922-1950)

Publié le par Nicolas Wanlin (Source : Gallimard)

André Gide — Jacques Schiffrin,Correspondance (1922-1950), Avant-propos d'André Schiffrin. Édition établie par AlbanCerisier, Collection « Les Cahiers dela NRF », Gallimard, 2005.

La correspondance inédite entre André Gide etl'éditeur d'origine russe Jacques Schiffrin, fondateur de la« Bibliothèque de la Pléiade », paraît le 7 avril 2005. Les quelquedeux cent cinquante lettres échangées par deux hommes d'exeption révèlent uneamitié fidèle et attentive, ainsi qu'une exigence éditoriale commune quimarquera durablement notre paysage littéraire.

  En matière éditoriale, André Gide était un stratège. Lecréateur de la NRF portait une scrupuleuse attention aux modalités depublication de ses œuvres : parutions en revue, impressions hors commerce àtrès petit-nombre, savants tirages de tête... Sa relation avec l'éditeurJacques Schiffrin (1892-1950) — trente années d'une amitié sans faille donttémoignent les quelque deux cent cinquante lettres inédites ici rassemblées —le confirme de façon exemplaire.
  Né en Russie et installé à Paris en 1922, Schiffrin associe Gide aupremier livre qu'il fait paraître, dès 1923, à l'enseigne de sa firme, lesÉditions de la Pléiade : une traduction nouvelle de La Dame de piquede Pouchkine qu'ils cosignent. La bienveillance du maître à son égard ne sedémentira jamais, d'autant que, de Pontigny à Cuverville, des leçons de pianoauprès de sa virtuose première épouse (Youra Guller) aux soupers du Vaneau,Gide et ses proches se lient peu à peu d'amitié au couple Schiffrin.
  L'écrivain confie donc à la jeune maison quelques-unes de sesœuvres et suit de très près les débuts d'une collection promise à un granddestin : la « Bibliothèque de la Pléiade » (1931). Gide appréciebeaucoup ces livres d'un genre nouveau ; portatifs et élégants, ilscomblent son goût typographique et son naturel nomade. Et quand l'éditeur,quelque peu dépassé par le succès rencontré, aura besoin de recourir à desfonds complémentaires, il conseillera à Gaston Gallimard de l'accueillir sousson toit. Schiffrin devient dès lors directeur de la collection pour la NRF.Gide sera le premier auteur à voir l'une de ses œuvres, de surcroît inédite,entrer de son vivant dans la collection : le Journal, à la mise aupoint duquel nous assistons ici.
  Puis c'est la tragique bousculade de l'Histoire. L'ami Schiffrinest du voyage en URSS (1936), malgré la réticence des Soviétiques à voir cetémigré revenir sur leur territoire et faire l'interprète pour ses camaradesécrivains ; il sera aussi du retour, dont on sait quel impact il a eu surnotre histoire intellectuelle. Plus dramatiques seront les annéessuivantes : mobilisé en 1939, Schiffrin se voit contraint de quitter laFrance en 1941, dans le contexte d'aryanisasion des personnels de l'éditionvoulue par l'occupant. L'exil à New York avec sa seconde femme, Simone, et sonenfant, en août 1941, ne sera possible que grâce au soutien pécuniaire etlogistique de Gide.   S'ouvre alors la période américaine, où lacorrespondance entre les deux hommes se prolonge, mi-professionnelle (Schiffrinreprésente les intérêts de Gide outre-Atlantique et publie certaines de sesœuvres sous l'enseigne des Pantheon Books), mi-amicale. Années douloureuses,hantées par l'espoir d'un retour toujours reporté.