Questions de société
Compte rendu de la rencontre entre des représentants de la S.H.F. et M. Sherringham (conseiller de Xavier Darcos)

Compte rendu de la rencontre entre des représentants de la S.H.F. et M. Sherringham (conseiller de Xavier Darcos)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

Un compte rendu instructif sur le niveau de mépris du MEN pour les actuelles revendications des enseignants et chercheurs français.


Compte rendu de la rencontre entre des représentants de la Société des Hispanistes Français et M. Sherringham, conseiller auprès du ministre de l'Éducation Nationale.

  Une délégation de la SHF composée de Mme Geneviève Champeau (présidente), de M. Philippe Meunier (vice-président) et de Mme Claudie Terrasson (membre du bureau) s'est entretenue le lundi 24 novembre 2008 avec M. Mark Sherringham, conseiller auprès du ministre de l'Éducation nationale. L'entrevue a duré une heure environ. G. Champeau précise d'abord que la SHF, comme d'autres sociétés savantes, a signé l'« Appel du 8 novembre » dans lequel est demandé un moratoire sur la réforme des concours et le maintien de ceux-ci sous leur forme actuelle en 2010, voire 2011.

Avant qu'une argumentation puisse être développée, M. Sherringham oppose à cette demande une fin de non-recevoir : il n'y aura pas de moratoire, cela n'est pas négociable. La date butoir pour la remise des maquettes est le 15 février et les nouveaux concours seront mis en place dès 2010. Il ajoute qu'il y aura des adaptations. Il précise le champ de compétence de chacun : les masters sont pilotés par les universités, les concours par le ministère de l'Éducation nationale, les stages par les recteurs.

Les représentants de la SHF soulignent une convergence de vues entre les diverses associations de langues dont neuf ont signé une lettre commune adressée à Mme Valérie Pécresse. Une copie de cette lettre lui est remise. Ils n'abordent pas tous les points contenus dans la lettre adressée par la SHF à M. Xavier Darcos le 30 octobre et s'en tiennent à ceux qui concernent plus directement le ministère de l'Éducation nationale. Ils observent que, dans son courrier du 30 octobre, la SHF demandait à être représentée dans la commission chargée de déterminer la nature des épreuves du CAPES pour les langues vivantes.

M. Sherringham répond tout d'abord que cela concerne le ministère de l'Education nationale, employeur, et non l'université. Il souligne de nouveau la répartition des rôles entre les universités, chargées de la formation des candidats dans le cadre des masters, et le MEN qui pilote le recrutement par le biais des concours. Il ajoute que les commissions en question, de taille réduite (six à sept membres) sont composées d'IG ou d'IPR, de deux universitaires et de deux professeurs du second degré. Il précise encore que la spécificité des langues sera prise en compte et que la nature des épreuves sera peut-être connue dès le 10 décembre, en tout cas avant le 15 décembre. La question des épreuves du CAPES est ensuite abordée.

Récusant la dissociation entre évaluation des compétences disciplinaires et des compétences pédagogiques, la SHF demande que les épreuves écrites permettent dévaluer les acquis disciplinaires des candidats et pas seulement l'exploitation pédagogique de ces derniers. M. Sherringham récuse cette interprétation des textes et affirme que les deux épreuves écrites seront bien disciplinaires. La phrase suivante : « Ces épreuves [les deux épreuves écrites d'admissibilité] portent sur la culture disciplinaire et visent à apprécier comment le candidat réinvestit les connaissances disciplinaires acquises au cours de sa formation dans l'étude des programmes de l'enseignement secondaire », ne fait pas dit-il– mention de la pédagogie et elle est une référence traditionnelle aux programmes du second degré pour tous les concours. La SHF en vient aux épreuves d'admission qui doivent permettre d'évaluer la maîtrise de la langue étrangère par les candidats, sans que le poids de la première épreuve, disciplinaire, puisse être « compensé » par celui de la seconde épreuve consacrée à la connaissance du système éducatif. Cette seconde épreuve est pourvue d'un coefficient 3, comme la première, sur un total de 10 pour l'ensemble du concours. La SHF propose alors que la partie « connaissance du système éducatif » prenne la forme d'un entretien avec le jury à la fin d'une épreuve autre qui reste à définir. Elle demande aussi que seuls des spécialistes de la discipline évaluent les compétences disciplinaires des candidats. M. Sherringham reconnaît l'importance de l'évaluation de la langue orale et assure que les représentants des disciplines seront majoritaires dans les jurys, qu'il n'est pas question de faire évaluer la langue par des personnes qui ne la maîtriseraient pas. Il soutient l'intérêt de la seconde épreuve pour le MEN employeur tout en reconnaissant que le coefficient peut poser problème et qu'il conviendrait « d'y réfléchir ».

Lorsque la SHF aborde la nécessité d'aménager la première année d'exercice, M. Sherringham répond que cela ne concerne pas les universités dont le rôle se limite à la préparation du master et du concours. Cela est du ressort du ministère et du « calendrier social ». Nous ne sommes pas des responsables syndicaux, et il estime qu'il n'a pas à nous répondre sur ce point. Il ajoute qu'il n'y a pas urgence puisque la première année d'exercice ne sera pas mise en place avant septembre 2010. Il précise néanmoins que les nouveaux certifiés auront, au cours de cette première année d'exercice, le statut de professeurs stagiaires et que leur titularisation sera précédée d'une inspection. Il se livre également à un commentaire sibyllin de la formule « ouverte » « en pleine responsabilité », employée à propos de cette première année d'exercice, en soulignant qu'elle ne signifie pas forcément « à plein temps » tout en ajoutant qu'elle n'exclut pas non plus ce sens… Malgré leurs demandes réitérées de précisions, les représentants de la SHF n'en sauront pas davantage.

La préparation de l'agrégation est ensuite abordée. Les représentants de la SHF exposent les problèmes que pose cette préparation dans le cadre du LMD : incompatibilité entre un véritable master recherche crédible et attractif à l'international et la préparation d'un concours sur programme ; contradiction entre programme de concours national et adossement du master à des équipes de recherche dont les thématiques sont liées aux contrats quadriennaux ; impossibilité de réaliser en deux ans une formation qui était jusqu'à présent répartie sur trois ans et en menant de front ses trois volets : formation à la recherche, formation pédagogique et préparation du concours. Une année supplémentaire s'avère donc nécessaire à l'issue du master. Ils exposent également la difficulté propre aux langues à placer le séjour à l'étranger, pourtant important pour des spécialistes de langues vivantes, qui ne paraît pas compatible avec les nouveaux masters. M. Sherringham explique d'abord que la réforme opère une double « rupture ». La première concerne la distinction entre les finalités des eux concours : le CAPES est orienté vers le second degré et l'agrégation vers les classes d'examen et le post-bac. La seconde rupture concerne la séparation des programmes du CAPES et de l'agrégation, contrairement à la pratique actuelle. Cette distinction est présentée comme une façon de préserver l'agrégation, concours sanctionnant l'excellence universitaire, bien qu'elle se situe au même niveau de recrutement que le CAPES (bac + 5). Il explique qu'il existe déjà dans la fonction publique des concours présentant des degrés d'exigences différents bien que recrutant au même niveau. Il reconnaît les difficultés signalées, et il est sensible à la nécessité d'offrir des masters recherche crédibles et attractifs, mais il déclare qu'il revient aux universités, autonomes et responsables des formations, d'assumer leurs responsabilités, d'avoir une politique « imaginative » à cet égard. Quand on lui fait observer qu'ici ou là la préparation de l'agrégation reste en dehors des masters « métiers de l'enseignement et de la formation » ou qu'une université envisage de la préparer dans le cadre d'un DU, il répond que c'est l'affaire des universités et que le ministère ne veut rien savoir d'une sixième année. Le MEN s'en tient au fait que l'agrégation est un concours de /niveau/ bac + 5. Il ajoute néanmoins qu'il souhaite être informé de l'avancée de la réflexion sur la « mastérisation » de l'agrégation : est-elle difficile, s'avère-t-elle impossible ? Des solutions sont-elles trouvées ? Quand on l'interroge sur des programmes maintenus pendant plusieurs années, M. Sherringham affirme que cela existe déjà en mathématiques (ils courent sur cinq ans) et que le but poursuivi est d'en assurer la visibilité [la préparation ?] à l'avance.

A la fin de l'entrevue est abordée l'alternative entre masters avec mention « métiers de l'enseignement et de la formation », pilotés par les ex-IUFM, ou parcours à l'intérieur des masters offerts par les universités [solution privilégiée dans la circulaire Hetzel publiée le 17 octobre par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche]. La SHF fait état de la pression exercée dans certaines académies en faveur de la première solution. M. Sherringham commence par affirmer qu'il n'indiquera pas quelle solution a la préférence du MEN. Mais il insiste ensuite sur le fait que les universités sont responsables des formations, répète qu'elles doivent prendre leurs responsabilités et ajoute que les IUFM ne sont pas des intermédiaires obligés : ils apportent une contribution aux masters mais il revient aux universités de décider.

Les membres de la SHF présents en ont déduit que, malgré la prudence du propos, la position exposée par M. Sherringham ne semblait pas très éloignée de celle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.