Questions de société
Communiqué de QSF (11/4/9).

Communiqué de QSF (11/4/9).

Publié le par Marc Escola (Source : QSF via SLU)

Communiqué de QSF : 11 avril 2009

Aprèstrois mois de conflit provoqué par le projet de décret sur le statutdes enseignants chercheurs et par le projet de réforme du recrutementdes maîtres, et au moment où ce conflit s'enlise ou se radicalise, ledébat tend à se concentrer sur les menaces qui pèsent sur la validationdu semestre universitaire. Le ministère comme le mouvement étudiant sefocalisent sur ce point, et les réformes en cours passent au secondplan.

Pourtant, la validation automatique du semestre étantinacceptable, il devient de plus en plus urgent que soient levées, parla ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et par leministre de l'éducation nationale, les équivoques qui subsistent dansles textes en discussion.

Le projet de décret sur le statut des enseignantschercheurs, dans sa quatrième version, reste ambigu dans sa définitiondu service de référence des enseignants chercheurs. Reportée d'un an,la réforme des concours semble maintenue. Ces incertitudes retardent lasortie de la crise.

Dans ce contexte, QSF tient à rappeler ses positionsfondamentales et les circonstances de son opposition au projet dedécret statutaire et à la réforme des concours de recrutement.

Modulation et évaluation

QSF a toujours défendu l'évaluation des universitaireset la possibilité de la modulation de leurs services. Mais nousn'entendons pas la modulation et l'évaluation exactement commeMme Pécresse.

QSF, qui n'a jamais été favorable à la définition desservices des universitaires par leurs seules heures d'enseignement –128 heures de cours magistral ou 192 heures de TD par an, suivant ledécret de 1984 –, réclamait depuis vingt-cinq ans que la diversité desactivités et les différences entre les disciplines fussent mieuxreconnues, et que l'enseignement d'un universitaire pût être modulé aucours de sa carrière en fonction de la pertinence et de l'urgence deses projets de recherche, afin d'en améliorer le rendement et laqualité. Mme Pécresse s'est laissée enfermer dans une conception de lamodulation comme gestion des ressources humaines : si Mme X enseignemoins, alors M. Y enseigne plus.

De fait, le décret de 1984 n'interdisait pas lamodulation, et elle existe déjà un peu partout, aux marges du système.La seule justification incontestable du nouveau décret était de mettrefin au vide juridique dont témoignaient les observations adressées auxprésidents des universités par les chambres régionales des comptes, endonnant une base réglementaire à leurs pratiques des décharges et à destraditions locales le plus souvent légitimes.

En vingt-cinq ans, les universités et les UFR ontsecrété des jurisprudences. Le ministère a voulu remettre toutes lespratiques à plat. Il est paradoxal d'inaugurer l'autonomie desuniversités en normalisant les traditions locales. Du coup, la finalitédu projet statutaire a semblé moins d'améliorer la qualité de larecherche que de dénicher les embusqués et de faire enseigner plus lafraction des universitaires qui font peu de recherche.

Certains universitaires pourraient travaillerdavantage, mais rien ne laisse penser qu'ils soient en plus grandnombre qu'ailleurs. Combien de hauts fonctionnaires dans les placardsdu ministère des finances ? Et faire pointer tout le monde pour traquerquelques abus, c'est une démarche contre-productive dans une entreprisedont le succès est fondé sur la confiance.

Les négociations syndicales sur le seuil dedéclenchement des heures complémentaires font oublier que la notiond'heures complémentaires n'existe pas dans la plupart des universitésétrangères et que, en France même, elle contribue au rabaissement dumétier d'enseignant chercheur par rapport aux hauts fonctionnaires derang comparable.

Quant à l'évaluation systématique de tous lesuniversitaires tous les quatre ans, il est irréaliste de penser qu'ellesera sérieuse. Massive, elle se réduira à un contrôle quantitatif etcomparatif, voire à une notation (A, B, C). Nous demandons depuisvingt-cinq ans une évaluation qualitative des chercheurs et de leursprojets, en particulier pour fonder une modulation des services etlibérer du temps pour la recherche.

Fondés sur une évaluation qualitative qui ne soit pasexclusivement locale, la meilleure modulation de l'enseignement et lemoyen le plus efficace de stimuler la recherche restent à nos yeux lecongé sabbatique, nettement plus rare en France que dans les autrespays.

Autonomie et LRU

QSF, fidèle ses principes, avait approuvé l'octroid'une autonomie budgétaire et administrative accrue aux universités en2007. Ce qui a immédiatement suscité notre désapprobation, c'est lemode d'élection des administrateurs et du président : le scrutin deliste avec prime majoritaire, sur le modèle des élections municipales.Nous demandions un scrutin plurinominal majoritaire ou, à la rigueur,un scrutin de liste autorisant le panachage, moins politiques et seulsaptes à désigner des administrateurs sur la base de leur expertisepersonnelle. Les élections qui ont eu lieu en 2008 dans les universitésnous ont donné raison, car ce sont souvent les syndicats des étudiantset des personnels administratifs qui ont décidé de la gouvernance del'établissement.

D'autre part, nous avons dénoncé l'excessiveconcentration du pouvoir dans la personne du président, et l'absence decontre-pouvoirs institués par la loi LRU, ainsi que la marginalisationdu conseil scientifique – instance collégiale d'évaluation par lespairs – au profit d'une gouvernance managériale qui n'est même pluscelle des entreprises privées à haute valeur scientifique ajoutée, dontl'organigramme est calqué sur le modèle des campus universitairesfédératifs.

La loi a été négociée par la ministre avec laConférence des présidents d'université (CPU), réticente auxcontre-pouvoirs, et les syndicats enseignants et étudiants,complaisants à un mode de scrutin qui préservait leurs positions. C'estce qui se paie aujourd'hui.

Beaucoup d'universitaires craignent l'autonomie desuniversités et préfèrent la tutelle distante de l'État à la supervisionrapprochée de leur présidence. Malheureusement, les événements récentsne leur donnent pas tort. L'un des motifs essentiels du conflit encours est le déficit de confiance des universitaires à l'égard de leursadministrateurs locaux. Or, après plusieurs mois de fluctuations, derevirements, de démentis et de manoeuvres de la CPU, les présidents sesont beaucoup discrédités et ont amplement contribué à justifier laméfiance de leurs administrés, et à la renforcer pour longtemps.

Nous demandons donc des révisions de la loi LRU sur cesdeux points notamment –mode de scrutin et contre-pouvoirs –, afin quel'autonomie cesse d'être perçue comme un danger et soit comprise commeun progrès.

Conseil national des universités

Le premier projet de décret statutaire, en octobre2008, avait pour intention de réduire le rôle du CNU et de donner plusde pouvoir aux administrations locales dans les décisions de carrière,les promotions et les primes. Or, nouveau paradoxe, le CNU sortrenforcé de l'épreuve : les 50 % des promotions qui lui reviennent sontdésormais inscrits dans le décret statutaire. Ses pouvoirs sont accrus,mais non pas son autorité.

Le CNU est une singularité française, alors qu'une desfinalités des réformes était l'harmonisation internationale. Lesuniversitaires ont obtenu le renforcement de l'évaluation par uneinstance nationale, à laquelle ils font plus confiance qu'aux instanceslocales. Mais à ce pouvoir accru du CNU aurait dû correspondre un modede sélection de ses membres qui en renforçât la légitimité scientifique.

Or son mode d'élection, le scrutin par liste sanspanachage, est maintenu, parce que les syndicats y tiennent. Il est peuadapté à la sélection d'experts. Et la répartition des membres élus(2/3) et des membres nommés (1/3) reste inchangée, alors que, danscertaines disciplines, elle a permis dans le passé des manipulations dedivers bords.

À ce point, les projets du décret statutaire et dudécret sur le CNU n'offrent pour personne – ni au ministère ni dans lesuniversités – d'avantages significatifs par rapport aux textesantérieurs.

Mastérisation

Sur la mastérisation de la formation et du recrutementdes professeurs du primaire et du secondaire, QSF s'est aussi opposé auprojet de réforme.

Nous sommes favorables à la revalorisation financièredes débuts de carrière, aujourd'hui très bas, de ces enseignants, auperfectionnement de leurs compétences, ainsi qu'à leur entréeprogressive dans le métier et à leur formation permanente. Il y avaitd'autres moyens plus sûrs d'y parvenir que ladite mastérisation, maisle président de la République a tranché.

Ce projet, tel qu'il est conçu aujourd'hui – repousséd'un an, il n'a pas changé –, n'améliorera pas la formation, nidisciplinaire ni didactique, des futurs enseignants. La réduction dunombre des épreuves du concours, ainsi que la concentration de lapréparation au concours, du stage pédagogique et du dit mémoire derecherche sur une seule année de M2, risquent au contraire de produireune régression sur tous ces plans.

Quant à l'excellence de la recherche en France – c'estce qui concerne avant tout QSF –, le nouveau calendrier de la formationet du recrutement pénalisera les meilleurs étudiants, notamment lesfuturs chercheurs. Les étudiants qui, après avoir passé un concours,voudront s'inscrire en doctorat, n'auront pas reçu de formationinitiale suffisante à la recherche. Il leur faudra entreprendre unsecond master, ou compléter leur master d'enseignement, pour être enmesure de produire une thèse pertinente dans les délais très courts quisont maintenant ceux du doctorat.

La sortie du conflit et les défis pour demain

Quelle qu'en soit l'issue, ce conflit sur le statut etsur la mastérisation – sans compter le reste – laissera des tracesprofondes et affaiblira durablement celles des universités quicommençaient à acquérir des traditions et à se faire une identité.Plusieurs mois de lutte ont réveillé une union sacrée entre lesdisciplines, entre les universités (disciplinaires et généralistes,pôles d'excellence et facultés de proximité), et entre les sensibilitéspolitiques. Cette réaction obsidionale fera obstacle à ladifférenciation et à la consolidation de l'offre universitaire enFrance. On peut craindre une régression, dont les premiersbénéficiaires seront les autres établissements de formationpost-baccalauréat.

L'autonomie est à présent refusée dans desétablissements qui avaient été volontaires pour y accéder en priorité.Pour ceux qui ont toujours défendu l'autonomie, l'évaluation et lamodulation comme moyens de faire progresser la qualité de la recherchedans les universités françaises, et qui pensaient que la voie del'expérimentation et de la dérogation était plus prudente que celle dela rupture, le bilan est amer.

C'est toutefois l'occasion pour QSF de rappeler ses objectifs pérennes :

1. améliorer la recherche française par lacollaboration entre les universités et les organismes de recherche, etpar des passerelles entre enseignement et recherche au cours d'unecarrière ;

2. améliorer la formation des élites par lerapprochement des universités, des classes préparatoires aux grandesécoles et des grandes écoles, et par le renforcement de la recherchedans les grandes écoles ;

3. améliorer la formation des maîtres par uneintégration plus étroite des composantes disciplinaire et didactiquedans la préparation aux concours, et par l'initiation à la recherchepour les futurs professeurs des classes préparatoires ;

4. revaloriser les masters et les doctorats de recherche sur le marché de l'emploi ;

5. assurer l'avenir de la recherche en prévoyant àmoyen terme les perspectives de recrutement scientifique, avant lesdéparts à la retraite massifs qui auront lieu vers 2015 et qui neseront pas compensés par le nombre des doctorants en cours de formation.

Pour lire ce communiqué sur le site de QSF