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Roman mystique, mystiques romanesques aux xxe et xxie s.

Roman mystique, mystiques romanesques aux xxe et xxie s.

Publié le par Marc Escola (Source : Carole Auroy)

 

Colloque

Roman mystique, mystiques romanesques

aux XXe et XXie siècles

 

Université d’Angers / Abbaye de Fontevraud, 16-17 octobre 2014

Université de Lorraine, Nancy, 20-21 novembre 2014

 

Projet scientifique

L’ébranlement des cadres religieux traditionnels n’a pas affaibli dans la France du dernier siècle écoulé l’intérêt pour la littérature et les expériences mystiques. Cet intérêt s’est nourri de l’expansion des formes de spiritualité non encadrées, sur un fond d’inquiétude devant les progrès du matérialisme, d’exaltation et d’angoisse au sein des bouleversements historiques, de curiosité aussi face aux explorations anthropologiques du grand langage de l’imaginaire. La relecture de la tradition mystique chrétienne  coexiste avec l’interrogation des religions et des philosophies orientales ; dans le même temps, les convulsions de l’histoire conduisent l’élan mystique à se reporter sur le terrain politique et révolutionnaire, à viser une contemplation du néant jouant sur les paradoxes de la théologie négative, voire à se retourner en une mystique d’en-bas, fascinée par les forces obscures qui agitent violemment l’existence. De ce déplacement de la notion hors de sa stricte définition théologique, la littérature se fait témoin et bénéficiaire, une mystique poétique attirant à elle le désir d’une révélation extatique des mystères de l’au-delà, de l’envers du réel et des jouissances suprêmes de l’écriture.

Le recours étendu au vocabulaire mystique par les écrivains et par leurs exégètes est menacé par un flou conceptuel d’autant plus confortable que ce vocabulaire a justement pour fonction de désigner un franchissement des frontières de l’intellection, au point d’éblouissement où la connaissance rejoint la nescience. Mais il s’offre aussi une approche critique et métacritique comme un objet d’étude particulièrement révélateur : révélateur du reflet que la littérature donne des inflexions contemporaines de la quête de sens, de la façon dont elle considère ses propres pouvoirs et de son affrontement aux limites du langage.

Le regard, lors du colloque, sera concentré sur le champ du roman. Si en effet les rapports entre poésie et mystique ont déjà fait l’objet d’investigations multiples, appelées par le fait que de grands mystiques ont eux-mêmes été poètes, l’attention s’est moins portée, sinon sous la forme de monographies consacrées à des auteurs particuliers, sur l’écriture romanesque.  La vaste problématique de la visée de l’indicible par les mots demande encore à  être balisée par quelques questions concernant spécifiquement la fiction narrative : comment mettre en récit une expérience d’immédiateté, d’arrachement au temps et aux contours de l’identité individuelle ? Cette expérience qui déjoue toute représentation trouve-t-elle un lieu d’accueil renouvelé dans le roman du xxe siècle, que caractérise précisément une contestation massive de la visée mimétique traditionnelle du genre ? Quelles ressources offre la fiction à l’interrogation des frontières du réel et des normes de la connaissance ? Autrement dit, l’accent sera mis sur l’élaboration de la « fable » mystique plutôt que sur la suggestion lyrique du ravissement. Mais l’une et l’autre ne peuvent certes être dissociées ; il sera intéressant d’étudier le choix et la pratique de la fiction narrative chez des écrivains dont la propension mystique a emprunté la double voie du roman et du recueil poétique, ou de formes nouvelles issues d’un décloisonnement générique.

Il va de soi qu’une collaboration entre spécialistes de littérature et du dialogue de la littérature avec les arts, théologiens, philosophes, historiens et sociologues est vivement souhaitée pour ce colloque. Si le domaine français a été choisi comme objet central des analyses, l’élargissement de perspectives offert par les approches comparatistes sera le bienvenu, ainsi que des interventions consacrées à des auteurs étrangers dont le rayonnement dans le paysage littéraire français aurait été particulièrement sensible.

 

Quelques axes

— Les problèmes posés par l’extension et la redéfinition auxquelles les entreprises romanesques ont soumis depuis un siècle la notion de mystique seront au centre du colloque.  On pourra réfléchir à l’attrait qu’a exercé sur la création littéraire, en cette période où elle a consommé son autonomie, le dérangement fréquemment infligé aux institutions religieuses par l’aventure mystique ; on suivra la poursuite de cette aventure chez des écrivains dont l’entreprise littéraire se déploie hors de toute appartenance confessionnelle et sur un fond d’agnosticisme revendiqué. On observera son déploiement sur de nouveaux terrains – celui du sport par exemple. Mais on pourra considérer aussi la fonction critique dirigée par le roman contre les transferts d’une religiosité mystique dans la sphère politique ou dans le domaine de la passion amoureuse. La diversité des expériences mystiques ou présentées comme telles et l'extension du champ qu'elles proposent devraient également amener à s'interroger sur les frontières de la notion – ou sur l'évasion de ses contours : le rapport à la transcendance, notamment, doit-il ou non être considéré comme un élément définitoire fondamental ? La dimension réflexive, voire autotélique, de l’écriture romanesque éclaire-t-elle la distinction entre mystiques de la transcendance et mystiques de l’immanence ? 

— À l’appui de cette réflexion, une étude sera à mener sur la façon dont se module, au fil du  XXe siècle et au début du XXIe, le rapport du roman à un corpus mystique littéraire et artistique  que les écrivains interrogent à nouveaux frais. On tentera d’identifier les figures de la tradition mystique sur lesquelles l’imagination des romanciers de cette période travaille par prédilection et les figures contemporaines dont l’influence se fait sentir. À l’observation du réinvestissement des matériaux thématiques, des schémas narratifs et des ressources stylistiques puisés dans les textes mystiques se conjuguera une écoute du questionnement herméneutique auquel ils sont soumis : on s’intéressera aux échos qu’ont trouvés, au cœur même de la création romanesque, les nouveaux modèles interprétatifs proposés par l’essor des sciences humaines, psychanalyse et ethnologie notamment. Les motivations et effets du recours à la fiction, de la finalité heuristique à la visée critique, feront bien entendu l’objet d’une interrogation centrale.

— Des études terminologiques, enfin, s’imposent, dirigées vers l’emploi du vocabulaire mystique non seulement dans les œuvres romanesques, mais aussi dans les ouvrages critiques et les articles de revues qui leur sont consacrés.

 

Responsables 

Carole Auroy (Université d’Angers, CERIEC, EA 922)

carole.auroy@univ-angers.fr

 

Aude Préta-de Beaufort (Université de Lorraine, LIS, EA 7305)

aude.pretadebeaufort@gmail.com

 

Jean-Michel Wittmann (Université de Lorraine, Centre Écritures, EA 3943)

jean-michel.wittmann@univ-lorraine.fr

 

Les propositions de communications sont à adresser conjointement aux adresses électroniques des trois organisateurs pour le 23 mai 2014.