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Littérature et géographie : l'écriture de l'espace à travers les âges

Littérature et géographie : l'écriture de l'espace à travers les âges

Publié le par Vincent Ferré (Source : Emmanuelle Peraldo)

Colloque international / International Conference
Université Jean Moulin – Lyon 3
IETT (Institut d’Etudes Transtextuelles et Transculturelles, EA 4186)
12-13 mars 2015
Organisation : Emmanuelle Peraldo

Littérature et géographie : l’écriture de l’espace à travers les âges
Literature and geography: the writing of space throughout History

Analyser l’écriture de la Terre (geo-graphia/graphein) est une façon de confronter l’écriture littéraire à la référence et à la représentation du monde. Etymologiquement, la géographie est l’écriture de la terre : « Geos-graphia : c’est la terre, l’écriture : la terre rapportée en un monde de signes scripturaux ». Cette écriture du monde peut incorporer le discours référentiel, mais aussi le discours fictionnel, dans le cadre de l’écriture littéraire, et cet entrelacement entre fiction, non-fiction et référence spatiale pourra faire l’objet de communications dans ce colloque, notamment pour souligner le rôle de la géographie comme formidable outil pour le réalisme formel (Watt, 1957) des récits. Au-delà de la référentialité, c’est la textualité qui sera convoquée et l’on pourra s’interroger sur la façon qu’a le texte de tout mélanger.
Dès le XVIIIe siècle, pendant que certains produisent des récits dans un cabinet (cosmographie), d’autres parcourent le monde (périégèse), en cette période des longs voyages de découverte, maritimes ou terrestres, inscrits dans une volonté de cartographier le monde, qui elle-même s’inscrit dans l’horizon de la modernité. Il convient de distinguer deux types de récits lorsqu’on analyse la contribution du discours romanesque ou fictif : les récits des voyageurs-écrivains (les explorateurs de terrain qui sont souvent convoqués jusqu’à la fin du XIXe siècle comme modèles du géographe) d’une part, et les géographes de cabinet d’autre part, dont l’activité est communément désignée par l’expression « armchair travelling ». C’est le cas de Defoe qui n’a quasiment pas voyagé en dehors de la Grande Bretagne mais qui a écrit des récits dont l’action se situe partout dans le monde. Cependant, il s’agit d’une période d’explorations géographiques et d’activité intellectuelle intense. Ecrire des récits de voyage sert à l’époque à satisfaire une curiosité scientifique. Il existe différents types de voyages dans le XVIIIe siècle britannique : les voyages d’explorateurs (James Cook), des réformateurs (Arthur Young), des voyages de femmes (Mary Wollstonecraft), des enquêtes (Defoe et le Tour), des voyages imaginaires (Jonathan Swift) etc. Le point commun de ces différents types de voyage est la volonté de montrer l’espace parcouru, de cartographier le monde, de classer les lieux au sein des récits qui en découlent. Le lien entre voyage et récit ou entre cartographie et récit pourra également apporter des éclairages intéressants.
La géographie est-elle une science? Au XVIIIe siècle, la réponse semble être non. Même au XIXe siècle, la géographie est absente de l’arbre des connaissances d’Auguste Comte. Qui écrivait de la géographie au XVIIIe siècle, au XIXe siècle, aujourd’hui ? Des géographes ? des journalistes ? des écrivains ? des voyageurs ? Withers et Mayhew indiquent qu’au XVIIIe siècle, il y avait plus de géographie que de géographes pour la faire : « There was more geography being done than there were geographers doing it ». Toute interrogation sur cette pratique géographique et son écriture dans un siècle aux contours épistémologiques flous comme le XVIIIe, mais aussi dans les siècles qui ont suivi, permettra de voir comment cette pratique géographique a évolué : Nous serons sensibles à l’épaisseur diachronique des enjeux pour resituer les débats actuels sur le temps long, et suivre l’évolution des théories et des pratiques de l’écriture de l’espace depuis le XVIIIe siècle ou même avant. Ce colloque s’adresse principalement aux chercheurs travaillant sur la sphère anglophone, mais une ouverture transculturelle permettant de traiter ces problématiques dans d’autres aires culturelles sera bienvenue.
A une époque marquée par le « tournant spatial » , l’espace est considéré comme une métaphore centrale dans la littérature, et la critique littéraire s’est emparée de l’espace comme nouvelle approche ou nouvel objet. Il s’agira d’aborder la géographie comme discipline et comme méthode. Cette démarche a été conceptualisée par Bertrand Westphal dans un ouvrage novateur publié en 2007 et intitulé La Géocritique. Réel, fiction, espace. La géocritique est un nouveau lieu de la lecture et de la critique littéraire, en tant qu’elle est une méthode d’analyse interdisciplinaire qui met l’espace, les lieux, et les fonctionnements géographiques au centre du protocole. L’espace textuel et l’espace réel sont au cœur de l’analyse et des « récits d’espace » (De Certeau). Ce colloque international ne s’adresse pas uniquement aux anglicistes : Une approche volontairement pluridisciplinaire sera privilégiée et pourra inclure des chercheurs géographes, cartographes, historiens, sociologues, anthropologues, etc. Cette approche interdisciplinaire, et donc plurielle et multifocale, demandera parfois de quitter le domaine de la littérature et de faire un détour par la géographie et la cartographie, pour mieux la comprendre ; il s’agit d’une forme de déplacement du centre d’intérêt, un peu à la manière des astronomes qui quittent la terre pour mieux l’observer (Aït-Touati, 13). D’autres approches interdisciplinaires, telles que l’écocritique ou la psychogéographie, sont encouragées, le dénominateur commun de ces approches étant la fertilisation croisée de catégories aussi différentes que la géographie, l’écologie, la psychologie, l’histoire et la littérature, leurs interactions, et leur fonctionnement tant sur le plan de la référentialité et de la mimesis (imitation) que de la production de l’espace, de la littérature, et de la poesis (la fabrication d’images).
Parmi les multiples pistes de réflexion possibles, on pourra s’intéresser, à titre indicatif, aux suivantes :
- référentialité et littérarité
- le récit de voyage et/ou le récit du géographe de cabinet
- la place de la géographie entre science et littérature
- espace et récit
- cartographie et récit
- l’écriture de l’espace, du paysage, de la nature
- littérature et référence
- littérature et sciences
- l’espace et le genre (la femme qui voyage, la femme qui fait de la géographie, la femme qui écrit)
- l’évolution de l’écriture de l’espace
- contribution des écrivains à la culture géographique et contribution de la géographie comme discipline et comme langage à la production littéraire (« fertilisation croisée »)
- la littérature comme façon de penser l’espace
- la géographie comme façon de comprendre la culture intellectuelle d’une époque
- véracité et vérité des données géographiques dans les textes littéraires
- approches géocritiques, écocritiques, psychogéographiques etc.

Merci d’envoyer vos propositions de communications (titre + résumé de 20 à 40 lignes, de préférence en anglais), accompagnées d’une courte bio-bibliographie, à Emmanuelle Peraldo (emmanuelle.peraldo@univ-lyon3.fr ou emmanuelleperaldo@yahoo.fr) avant le 15 mai 2014.

Comité scientifique :
Bertrand Westphal, Littérature comparée, Université de Limoges
Marc Brosseau, Géographie, Université d’Ottawa (Canada)
Jess Edwards, Littérature anglaise, Manchester Metropolitan University (UK)
Gerd Bayer, Littérature anglaise, Erlangen University (Allemagne)
Benjamin Pauley, Littérature anglaise, Eastern Connecticut State University (US)
Isabelle Lefort, Géographie, Université Lyon 2
Yann Calbérac, Géographie, Université de Reims
Jean Viviès, Littérature anglaise, Aix-Marseille Université
Catherine Delesalle, Littérature anglaise, Université Lyon 3
Emmanuelle Peraldo, Littérature anglaise, Université Lyon 3