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Les littératures vernaculaires de l’Europe médiévale et la question des frontières (Mulhouse)

Les littératures vernaculaires de l’Europe médiévale et la question des frontières (Mulhouse)

Publié le par Marc Escola (Source : Vanessa Obry)

Les littératures vernaculaires de l’Europe médiévale et la question des frontières.

Mulhouse, 13-15 octobre 2016.

ILLE (Institut de recherche en Langues et de Littératures Européennes, EA 4363, Université de Haute-Alsace)
Romling (Réseau de recherches en linguistique romane à l’Université de Stockholm, département des études romanes et classiques).

Appel à communications

Profitant de l’intérêt à la fois symbolique et pratique de la situation géographique de Mulhouse, nous souhaiterions y réunir des spécialistes de littérature médiévale, venus d’universités françaises ou étrangères et travaillant sur des textes de différentes langues, autour de la problématique des frontières territoriales et linguistiques dans l’espace européen médiéval.

La question de l’unité de la culture européenne et du rôle qu’a pu y jouer le Moyen Âge est régulièrement abordée, depuis la parution en 1948 du célèbre ouvrage de Curtius La Littérature européenne et le Moyen Âge latin. Ni l’espace européen, ni les entités nationales qui le composent ne sont constitués tels que nous les connaissons à l’époque médiévale : il s’agit d’un territoire aux limites fluctuantes, pour lequel on préfère souvent au terme d’« Europe », peu utilisé, celui de « Chrétienté » ou d’ « Occident » médiéval.

Réuni par un héritage culturel et par l’omniprésence du latin – car il s’agit aussi de l’espace de la Romania – l’Occident médiéval est le lieu d’une intense circulation, des hommes, des marchandises, des idées et des textes, qui témoigne d’une forme d’unité. Mais l’époque médiévale est aussi celle de la modification incessante des frontières politiques, et de la création de frontières linguistiques, avec l’apparition, puis le développement littéraire, des langues vernaculaires. La conscience d’une carte linguistique avec des limites entre les différentes langues s’établit peu à peu et trouvera l’une de ses premières expressions dans le De vulgari eloquentia de Dante, à propos des langues « d’oc », « d’oïl » et « de si » (les deux langues françaises médiévales, la langue d’Oïl au nord et la langue d’Oc au sud, et l’Italien).

Avec comme arrière-plan ces mouvements de créations de frontières et de circulation, nous souhaiterions nous demander comment les littératures vernaculaires – qui ne sont donc pas écrites dans la langue commune de la Romania, le latin – enregistrent, représentent ou rendent compte de l’existence de frontières, tant géographiques que linguistiques, au sein de cet Occident médiéval qui deviendra notre espace européen.

Les interventions du colloque pourront porter soit sur un ou plusieurs textes médiévaux, quelle que soit leur langue, soit sur des réflexions d’ordre épistémologique, afin d’interroger la pertinence, pour l’analyse littéraire des œuvres médiévales, de la notion de frontière.

Premier axe : langues et frontières linguistiques

Le colloque s’intéressera à la traduction au Moyen Âge, un domaine de recherche qui s’est développé considérablement ces derniers temps grâce à la parution d’études importantes, comme celle de Rita Copeland, Rhetoric, Hermeneutics, and Translation in the Middle Ages: Academic traditions and vernacular texts (1991), qui place la traduction médiévale dans un système discursif entre la rhétorique et l’herméneutique, ou, pour donner un exemple plus récent, les trois volumes consacrés aux Translations médiévales : cinq siècles de traductions en français (XIe-XVe siècle), qui sont le résultat du projet de Transmédie mené par Claudio Galderisi.
- Les travaux pourront observer les phénomènes de transfert, d’un espace ou d’un domaine linguistique vernaculaire à l’autre, à travers l’étude de traductions ou de réécritures. Dans quelle mesure de tels transferts témoignent-ils de la conscience du franchissement d’une limite, linguistique ou culturelle ?
- Nous invitons également à une réflexion théorique : comment une approche linguistique, à travers l’analyse du discours ou la traductologique (notamment la théorie des polysystèmes) peut-elle nous aider dans l’analyse des frontières linguistiques au Moyen Âge ?

Deuxième axe : les textes médiévaux et les frontières

Nous souhaitons aussi étudier les représentations des frontières linguistiques, géographiques et politiques dans les textes médiévaux.
- On pourra s’interroger, au sein d’un domaine linguistique particulier, ou d’une œuvre singulière, sur la conscience des limites entre les territoires, les cultures et les langues, et sur la perception de l’altérité située de l’autre côté d’une frontière.
- Les présentations pourront également soulever des questions philologiques. Par exemple, de quelle manière l’étude du manuscrit médiéval pourrait-elle éclairer la question des frontières linguistiques au Moyen Âge ? Comment la tradition manuscrite d’un texte rend-elle compte des passages de frontières linguistiques et culturelles ? On pourra aussi s’interroger sur la façon dont l’éditeur moderne d’un texte médiéval doit faire face à cette question.

On mettra l’accent sur la perception d’une altérité entre deux espaces ou deux domaines, pour voir comment la littérature prend en charge les limites politiques des territoires, les bornes géographiques et aussi les bornes linguistiques, entre différentes langues ou entre différents dialectes.

Troisième axe : les médiévistes face aux frontières

Nous espérons enfin donner une orientation épistémologique à ces réflexions sur les frontières.

- On pourra par exemple envisager l’histoire de la critique littéraire portant sur telle ou telle tradition littéraire d’envergure européenne (le mythe de Tristan, la littérature arthurienne etc.), ou sur des traditions critiques nationales.
- Les présentations pourront aussi s’interroger sur la division des savoirs linguistiques et leurs implications sur l’avancée de la recherche (on peut penser, dans les études francophones aux conséquences de la séparation des domaines d’Oc et d’Oïl par exemple).

- Nous aimerions aussi, d’un point de vue méthodologique, envisager les différentes façons dont on peut travailler sur la littérature de l’Europe médiévale : méthodes de comparaison, rôle des études de sources, textes envisagés sous l’angle de la réécriture, études influencées par la traductologie, possibilité et nécessité de prise en compte de données contextuelles historiques et politiques, etc.
- Nous pourrons enfin accueillir des présentations de projets portant sur l’Europe médiévale.

L’intérêt de cette manifestation pourra résider dans la rencontre de spécialistes de différents domaines. De la confrontation des domaines linguistiques, mais aussi des approches littéraires, philologiques, historiques ou culturelles, pourra émerger, nous l’espérons, des projets communs. L’apport méthodologique et épistémologique nous paraît essentiel, pour contribuer à une réflexion sur le fonctionnement et le fractionnement de la recherche en littérature médiévale, en nous demandant comment bien travailler, aujourd’hui, sur l’Europe médiévale.

Conférenciers invités: Massimiliano Bampi (Université Ca’Foscari de Venise), Anders Bengtsson (Université de Stockholm), Keith Busby (Université du Wisconsin), Françoise Laurent (Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand).

La langue du colloque sera le français, mais les communications pourront être prononcées en allemand ou en anglais. Une traduction, au moins partielle, pourra être assurée.

Les propositions de communication (20 min), sous la forme d’un titre suivi d’un résumé d’environ 300 mots, pourront être envoyées à Sofia Lodén (sofia.loden@su.se) et/ou Vanessa Obry (v.obry@orange.fr), au plus tard le 1er février 2016.

Comité scientifique :
Keith Busby (Université du Wisconsin)
Anders Bengtsson (Université de Stockholm)
Michèle Gally (Université d’Aix-Marseille)
Frédérique Toudoire-Surlapierre (Université de Haute-Alsace)

Organisation :
Sofia Lodén (Université de Stockholm / Université Ca’Foscari de Venise) : sofia.loden@su.se Vanessa Obry (Université de Haute-Alsace) : v.obry@orange.fr