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Joseph Joubert lecteur

Joseph Joubert lecteur

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Sabrina Giai-Duganera)

Colloque Joseph Joubert 13, 14 et 15 octobre 2015.

Université Jean Moulin Lyon 3, laboratoire Marge

En partenariat avec la bibliothèque municipale de la Part-Dieu. 

 

 

COLLOQUE « JOSEPH JOUBERT LECTEUR »

organisé par Jérôme Thélot et Sabrina Giai-Duganera

 

Joseph Joubert écrit ses Carnets de 1774 (à cette date, Joubert écrit sur des feuilles volantes, avant d’adopter le support du carnet en 1786) à 1824, date de sa mort à Paris. Il laisse également une riche correspondance témoignant de la qualité des liens intellectuels qui l’unissaient à quelques figures du XIXe siècle naissant (notamment Chateaubriand, Mathieu Molé, Pauline de Beaumont, Louis de Fontanes). Il est l’auteur enfin de quelques textes épars que Rémy Tessonneau a publiés en 1983 sous l’appellation d’Essais. L’ensemble de cette production dessine les traits d’un écrivain aux ressources multiples, en prise avec son époque et portant un regard perspicace sur la littérature contemporaine et passée. 

En conséquence, ce colloque transdisciplinaire souhaite aborder l’œuvre de Joubert par le prisme des dialogues qu’il a entretenus avec d’autres écrivains ou artistes (ou éventuellement figures politiques). Son œuvre étant nourrie de nombreuses lectures et des liens directs qu’il entretenait, par l’amitié et la conversation, avec ses contemporains, nous interrogerons le discours explicite ou implicite qu’il produit sur différents auteurs au fil de ses écrits, et les effets d’influence qui nourrissent sa poétique (comprise comme pensée et écriture). 

Notes de lecture, citations, allusions, et même pastiches platoniciens, toutes les polarités de l’intertextualité semblent convoquées dans cette œuvre qui laisse une large place à la voix des autres. Ces « autres » sont tout à la fois les écrivains de l’Antiquité et ceux du temps de Joubert. Les auteurs rares et méconnus (presque les anonymes) et les grands noms de l’histoire littéraire. Les historiens, les romanciers, les journalistes, les philosophes… La polyphonie joubertienne est en effet résolument hospitalière. Joubert a même été fugacement critique d’art pour un journal en 1789, et l’on retrouve parfois, dans ses Carnets, le ton personnel d’un critique littéraire délicat, qui prend le contre-pied de la critique analytique. Son mot sur Condillac pourrait à ce titre être placé en épigraphe de son œuvre : « Je méprise cet homme par synthèse ; ne me questionnez donc pas par analyse. » (C, II, p. 572)

L’art de la note, lié à l’écriture fragmentaire pratiquée par Joubert, englobe donc aussi la note de lecture, qui fait pendant à la note personnelle. Le tissu textuel polyphonique ainsi créé devient en réalité progressivement homogène par l’appropriation des idées produites par autrui. Leur différence de nature s’estompe jusqu’à ne former qu’une seule et même substance dans le processus de la création. « Pour bien entendre une belle et grande pensée, il faut peut-être autant de temps que pour l’avoir, la concevoir. S’en pénétrer ou la produire sont presque une même action. » (C, I, p. 443)

On comprend alors à quel point l’intertextualité, liée pour Joubert à la difficulté d’écrire, est un angle qui permet de penser sa poétique. Comme écrire alors que « toutes les places sont prises (Homère en Grèce, Confutzée à la Chine) » de sorte que « tout ce qui devait être dit a déjà été dit » (C, I, p. 633) ? Fragment et intertextualité demandent alors à être interrogés dans leurs implications réciproques. 

La cosmologie de Joubert, fondée sur les espaces interstitiels, les « avant-corps » qui se situent entre chaque chose et les font jouer entre elles, fait écho à sa conception de la lecture, qui intègre, elle aussi, la notion de « vacance » et d’espace vide puisqu’en littérature comme en amitié, « il faut toujours avoir dans sa tête un coin ouvert et libre pour y donner une place aux opinions de nos amis. » (C, II, p. 380)

D’autre part, les évolutions de sa pensée politique et religieuse suivent fidèlement son parcours de lecteur : les mutations de points de vue sur les philosophes des Lumières ou sur Mme de Staël et, plus généralement, les évolutions de ses choix de lecture retracent aussi l’histoire de la pensée de Joubert.  

La visée du colloque est donc double : il s’agira de saisir Joseph Joubert de manière transversale en explorant ses jugements de lecteur et les relations qu’il tisse avec chaque penseur ou artiste qui suscite son attention. Mais réciproquement, les figures ainsi convoquées, dont certaines ont semble-t-il été explorées de fond en comble par des siècles de lectures critiques, gagneront à être éclairées sous un autre jour. En effet, la forme incisive et inachevée des notes, contrairement à l’analyse critique traditionnelle, souffre par nature les nuances, les évolutions du jugement, les repentirs, voire les contradictions.

Nous suggérons ici quelques pistes possibles. Pour des raisons de clarté d’exposé, nous avons choisi un découpage chronologique, mais des études diachroniques seraient parfaitement envisageables (par exemple, Joubert et les écrivains religieux ; Joubert et les peintres ; Joubert et le théâtre, Joubert et les essayistes…)

 

I  De lAntiquité au XVIIIe siècle : Regards de Joubert. 

Les liens de Joubert avec

  • Les écrivains antiques : les philosophes (en particulier Platon et Aristote), les historiens (Polybe, Tacite, Plutarque…), les poètes (Homère, Virgile…)
  • Montaigne
  • Les moralistes (on pourra interroger à la fois le discours que Joubert produit sur les moralistes du XVIIème siècle et la validité (ou non) des rapprochements faits par d’autres, entre Joubert et les moralistes (en particulier Pascal et Vauvenargues)
  • Les dramaturges classiques (Molière, Racine, Corneille) 
  • Guez de Balzac
  • Les philosophes sensualistes ou mécanistes (Descartes, Les Idéologues, La Mettrie etc, auxquels on peut ajouter les physiciens, les métaphysiciens et les médecins) 
  • Leibniz
  • Spinoza
  • Les philosophes des Lumières (en particulier Rousseau, Diderot, Voltaire, Buffon, Kant)

II Joubert et ses contemporains

Joubert et :

  • Les journalistes 
  • Louis de Fontanes
  • Mathieu Molé
  • Chateaubriand
  • Mme de Staël 
  • Benjamin Constant
  • Les auteurs préromantiques
  • Bonaparte 

On pourrait aussi imaginer une communication sur l’histoire de la réception de Joubert, en lien avec l’histoire éditoriale de l’œuvre : Sainte-Beuve, Barbey d’Aurevilly, Blanchot, Paul Auster…

Modalités de soumission

Date limite d’envoi des propositions : 30 mars 2015

 

Adresses mail de contact : 

Sabrina Giai-Duganera : s.giaiduganera@gmail.com

et Jérôme Thélot :  jerome.thelot@free.fr

 

 

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE 

Corpus des œuvres

 

JOUBERT, Joseph. Carnets [1938]. 2 tomes. Paris : NRF Gallimard, 1994.

 

JOUBERT, Joseph. Essais : 1779-1821. Éd. établie  par Rémy Tessonneau, Paris : A. G. Nizet, 1983.

 

JOUBERT, Joseph. Correspondance générale. Éd. établie par Rémy Tessonneau. 3 tomes. Bordeaux : William Blake & Co, 1996.

 

JOUBERT, Joseph. Quatre carnets. Éd. établie à partir des manuscrits autographes, et annotée par David Kinloch et Philippe Mangeot. Londres : Institute of Romance Studies, 1996.

 

Ouvrages critiques (ou chapitres d’ouvrages) sur Joubert

 

BEAULIEU, Étienne. La Fatigue romanesque de Joseph Joubert. Laval, Canada : PUL, 2007.

BEAUNIER, André. Joseph Joubert et la Révolution. Paris : Perrin et Cie, 1918.

 

BEAUNIER, André. La Jeunesse de Joseph Joubert. Paris : Perrin et Cie, 1918.

 

BEAUNIER, André. Le Roman d'une amitié : Joseph Joubert et Pauline de Beaumont. Paris : Perrin et Cie, 1924.

 

BLANCHOT, Maurice. Le Livre à venir. IV « Joubert et l’espace ». Paris : NRF, 1959. (Coll. Idées).

 

JACCOTTET, Philippe, Une transaction secrète, « Joubert, Senancour, Amiel ». Paris : NRF Gallimard, 1987.

 

POULET, Georges. Études sur le temps humain. Paris : Plon, 1952. (Coll. Agora, Presses Pocket).

 

SUSINI-ANASTOPOULOS, Françoise. L'écriture fragmentaire. Définitions et enjeux. Paris : PUF, 1997 (« La pathologie du système et « ‘’L’esprit doux’’ de Joubert »).

 

TESSONNEAU, Rémy. Joseph Joubert éducateur. Paris : Plon, 1944.

 

WARD, Patricia A. Joubert and the Critical Tradition. Genève : Droz, 1980.

 

Recueils d’articles sur Joubert

 

Actes du colloque Joseph Joubert. Villeneuve-sur-Yonne, 31 mai, 1e et 2 juin 1985. Ouvrage publié par la Société d’Histoire et d’Archéologie du canton de Villeneuve-sur-Yonne « Les Amis du Vieux Villeneuve » avec le concours de la Société des Amis de Joseph Joubert, 1986.

 

Actes du colloque Joseph Joubert. La-Vallée-aux-Loups, 28 mai 1988. Ouvrage publié par la Société d’Histoire et d’Archéologie du canton de Villeneuve-sur-Yonne « Les Amis du Vieux Villeneuve » avec le concours de la Société des Amis de Joseph Joubert, 1989.

 

Actes du colloque Joseph Joubert. Montignac, 6, 7 et 8 septembre 1991. Ouvrage publié par la Société d’Histoire et d’Archéologie du canton de Villeneuve-sur-Yonne « Les Amis du Vieux Villeneuve » avec le concours de la Société des Amis de Joseph Joubert, 1995

 

Actes du colloque Joseph Joubert. Sens, 2 et 3 octobre 2010. Textes réunis et édités par Jean-Luc Dauphin et Ariane Lüthi, 2011.

Georges Perros suivi de Joseph Joubert. Revue Europe, mars 2011, n° 983.

 

 

Articles sur Joubert

 

CHEVAUCHEZ Noël. « Joubert encyclopédiste ? », Etudes Villeneuviennes, n° 30, 2002, p. 205 à 218.

 

CHRÉTIEN, Jean-Louis. « Joseph Joubert : une philosophie à l'état naissant », Revue de Métaphysique et de Morale, n° 84, oct.-déc., 1979, p. 467-492.

 

DAUPHIN, Jean-Luc. « Une année Joubert », Études Villeneuviennes, n° 44, 2011.

FUMAROLI, Marc. « Le Premier Redécouvreur de Guez de Balzac : Joseph Joubert », Littératures-Classiques, n°33, Paris, 1998, p. 21-26.

GIAI-DUGANERA, Sabrina. « L’inactualité de Joseph Joubert, une poétique de l’intervalle ». Dans L’inactualité : la littérature est-elle de son temps ?, G. Bonnet (dir.), Paris : Hermann, 2013 (Coll. « Savoir-Lettres »), (chap. II « Le soi comme inactuel ».)

LEJEUNE, Philippe, « Une poétique du brouillon ». Dans Les Journaux d'écrivains : enjeux génériques et éditoriaux, textes rassemblés et présentés par Cécile Meynard, Berne : Peter Lang, 2012, p. 19-36.

MANGEOT, Philippe, « ‘20 janvier 1800, À qui parles-tu ?’ Joseph Joubert et l’écriture des Carnets »,  Littérature n°80, déc. 1990.

PACHET, Pierre, «   Pourquoi dater ses pensées ? À propos des Carnets de Joseph Joubert »,  Esprit, n° 272, février 2001, p. 56-63.

PERROS, Georges. « Joubert », Cahiers du chemin, n°13, oct. 1971, repris dans Papiers collés, vol. I, Gallimard, 1973.