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Appels à contributions
Voir des fantômes

Voir des fantômes

Publié le par Emilien Sermier (Source : Emmanuelle Sempère)

CHER (Culture et Histoire dans l’Espace Roman) - EA4376

CARRA (Centre d’Analyse des Rhétoriques Religieuses de l’Antiquité) - EA 3094

« Configurations littéraires » - EA1337

 

COLLOQUE INTERNATIONAL

Voir des fantômes

Strasbourg, 14-16 octobre 2015

Dans le prolongement des rencontres interdisciplinaires organisées à Strasbourg depuis janvier 2013 sur le thème « voir des fantômes », un colloque interdisciplinaire et international se tiendra du 14 au 16 octobre 2015, à l’Université de Strasbourg, sous le triple patronage du CHER, du CARRA et de l’Équipe Configurations littéraires.

La perspective interdisciplinaire, faisant dialoguer les approches littéraires (figures et personnages surnaturels assimilés aux fantômes, topoï et mises en récit de l’apparition fantomatique ou spectrale) et artistiques (arts du spectacle et arts visuels) avec les approches historiques et anthropologiques (histoire des croyances et des représentations culturelles, études psychologiques et parapsychologiques), permet de mettre en lumière la profonde cohérence des concepts, croyances et représentations qui concernent notre rapport à la mort, à l’inconscient et à la surréalité.

Il s’agira d’examiner non pas tant l’influence des croyances et des représentations culturelles sur les arts et la littérature que leur dialogue et leur interaction : en matière de fantômes, la littérature, le théâtre et les arts ne cessent d’alimenter et de reconfigurer la culture et les croyances d’une époque, le plus souvent selon des modalités ambiguës, la mise à distance ludique, critique ou ironique de ces représentations alternant avec une gamme très large d’émotions et d’affects. Cohérence et interaction que révèle l’étude conjointe des représentations artistiques et littéraires prises dans leur spécificité (historique, linguistique et esthétique) et des réalités culturelles et religieuses. Les rituels funéraires de l’Antiquité ou de sociétés dites primitives – mais les rituels de notre modernité gagneraient aussi à être scrutés sous cet angle – entretiennent avec les arts et la littérature des relations complexes de transmission et d’acculturation par exemple, ou encore d’adaptation et d’interprétation. Les connaissances anthropologiques s’avèrent précieuses pour appréhender les enjeux de l’apparition fantomatique ainsi que pour analyser la construction poétique et esthétique des œuvres.

On interrogera le rapport à la mémoire que le fantôme instaure ou restaure – rapport au temps et à la mort, mais aussi rapport à soi et à l’autre. Poèmes et fictions élaborent des histoires qui font interagir le fantôme avec celui qui l’évoque, le rêve ou le subit ; pour comprendre les enjeux de ces histoires et apprécier leur force, ce n’est pas au fantôme comme thème ou objet qu’il faut s’intéresser, mais au fantôme en tant que rencontre. Voir un fantôme rend-il heureux ? En quoi la vision du fantôme est-elle une confrontation, une lutte, une épreuve ? Dans quelle dynamique affective – familiale, sociale, psychique – le fantôme engage-t-il le vivant ? Les connaissances et problématiques issues des neurosciences et de la psycho(patho)- logie s’avèreront ici précieuses : quels mécanismes mentaux et cognitifs la vision des fantômes mobilise-t-elle ? Comment donne-t-on du sens à l’apparition fantomatique, comment un individu, un proche, un praticien, une société parviennent-ils à faire du sens à partir de ce qui résiste à l’effort de rationalisation ? L’expérience thérapeutique révèle toutes les résistances d’une culture telle que la nôtre à donner du sens à ce qui semble ne pas en avoir, mais montre aussi comment l’imaginaire crée du lien et élabore du symbolique à partir d’une expérience irrationnelle.

À la question du « pourquoi » on voit ou on fait « voir des fantômes », on ajoutera celle du « comment ». En ce qui concerne les arts et le théâtre, elle renvoie aux moyens, aux techniques et aux ressources que les dramaturges et les artistes élaborent et utilisent pour faire « voir des fantômes ». L’histoire du théâtre, des costumes, de la mise en scène et les hybridations multiples entre les différents arts de la scène ainsi qu’avec les autres arts et avec les media modernes offrent de nombreuses voies à explorer pour mettre au jour quelques-unes des modalités de la représentation fantomatique. Comment matérialiser, sur scène ou devant un appareil photographique ou une caméra, une vision fantomatique, et comment représenter le trouble et le questionnement qu’elle suscite ? Comment « animer » un fantôme, quel espace, quelle durée, quelle matérialité lui conférer ? Autant de questions pour lesquelles on sollicitera les travaux de spécialistes du théâtre, d’histoire de l’art ou des arts visuels portant sur des œuvres de toute époque et de toute aire culturelle.

Cette question du « comment » intéresse aussi bien évidemment les poètes et écrivains de fiction. Sinon concurremment du moins parallèlement aux approches en termes de genres littéraires, on s’intéressera aux motifs et aux procédés de description et de narration pour expliciter les enjeux symboliques et esthétiques de l’apparition fantomatique. Sous cet angle en effet, c’est moins comme objet ou thème que comme phénomène que le fantôme s’offre à l’analyse. Les intentions des auteurs sont souvent très difficiles à cerner : sont en cause, d’une part, les implications idéologiques que la simple évocation de ce sujet a toujours véhiculées ; d’autre part, les croyances et les traces de croyances que le fantôme réveille toujours dans l’imaginaire. Pour autant, il est important de s’y intéresser, en se mettant à l’écoute des textes dans leur singularité pour démêler l’écheveau symbolique des figures fantomatiques, sans préjuger des croyances de telle ou telle époque et sans s’autoriser de tel ou tel « effet de mode ». Les mages, sorciers, prêtres sont, tout autant que les poètes, les dramaturges et les peintres à la fois des interprètes, des médiateurs et des inventeurs de fantômes.

En retour, on étudiera les attentes implicites ou explicites qui commandent la représentation fantomatique et les fonctions qui lui sont dévolues en contexte : outre le divertissement, parfois ambivalent, qu’il procure, le fantôme peut endosser des fonctions politiques et idéologiques, de transgression, de contestation ou encore de compensation. La réception de la vision fantomatique, que cette vision soit liée à des croyances, à des rites ou à des configurations littéraires et artistiques, met en jeu le besoin de voir et de représenter l’invisible.

Les propositions de communication (titre et résumé accompagnés d’une courte notice bio-bibliographique) sont à adresser d’ici fin janvier 2015 conjointement à dantonio@unistra.fr - cschneid@unistra.fr - sempere@unistra.fr pour transmission au comité scientifique du colloque.

La durée de chaque communication sera de 30 minutes, discussion comprise. Les langues du colloque sont le français et l’anglais, ainsi que l’allemand, l’espagnol et l’italien (pour ces dernières, des résumés en français ou en anglais sont demandés).

Francesco D’Antonio - Catherine Schneider - Emmanuelle Sempère

Francesco D’Antonio (CHER – EA4376) : dantonio@unistra.fr

Catherine Schneider (CARRA – EA3094) : cschneid@unistra.fr

Emmanuelle Sempère (« Configurations littéraires » – EA1337) : sempere@unistra.fr