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Quête et enquête chez Vassilis Alexakis (Amiens)

Quête et enquête chez Vassilis Alexakis (Amiens)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Bernard Alavoine)

Colloque international 

Quête et enquête chez Vassilis Alexakis

Amiens, 2 & 3 mai 2019

 

Quête et enquête, nous disent les dictionnaires, viennent du mot un peu vieilli « quérir », apparu au XIIème siècle, signifiant rechercher. Le premier mot – la quête – apparu peu après, désigne l’action d’aller à la recherche de quelqu’un ou de quelque chose, comme dans la quête du Graal. Le second mot – l’enquête – semble être apparu un peu plus tard, vers le XIIIème siècle, et prend le sens d’investigation ou de recherche méthodique reposant sur des questions et des témoignages. Si la création littéraire est souvent une recherche, il semble bien que les romans de Vassilis Alexakis répondent à la fois à une quête et une enquête, dévoilant ainsi les différentes facettes du romancier. A travers ces deux mots, il s’agit bien de montrer l’originalité d’une écriture qui explore aussi plusieurs genres littéraires.

Le héros en quête.

Se cachant souvent sous les traits d’un double, Vassilis Alexakis est très présent dans ses romans, que l’on qualifie souvent « d’autobiographiques », ce que l’auteur récuse. S’il a des points communs avec le romancier, le personnage alexakien – souvent le narrateur –gagne son autonomie au cours du roman. Sans entrer dans ce débat sur l’autobiographie, il est certain que le héros des romans d’Alexakis est presque toujours en quête. Mais quelle quête ? Dans les premiers romans, il y a celle de l’espace grec, de la langue et de l’identité (Talgo, La langue maternelle…), de l’amour et de la femme aimée (Le Cœur de Marguerite…), des proches disparus (la mère dans Je t’oublierai tous les jours et La Langue maternelle, le père dans Les Mots étrangers, le frère dans Le Premier Mot…) et de la mémoire perdue (La Clarinette). On pourrait ajouter les mots (La Langue maternelle, Les Mots étrangers, le Premier mot…), les souvenirs de l’enfance (L’Enfant grec), etc…

Le héros enquête

S’il est toujours « en quête », le héros alexakien parvient à ses fins parce qu’il enquête comme un policier ou un journaliste : il est vrai que ces deux professions présentent des similitudes dans l’investigation. En outre, Alexakis a été journaliste pendant de nombreuses années, après sa formation l’école de Lille. Rien d’étonnant donc à ce que les romans d’Alexakis comportent souvent des enquêtes. Ainsi, dans La Langue maternelle, il y a l’énigme de Delphes qui cache une autre enquête beaucoup plus personnelle. Les mots et les langues ont toujours suscité un grand intérêt pour le romancier comme en témoignent le titre du roman cité précédemment, mais aussi Les Mots étrangers (recherches sur le sango, la langue parlée en Centrafrique) et Le Premier mot. Dans ce roman paru en 2010, la narratrice rencontrera des scientifiques de tous bords et « mènera son enquête jusqu’au bout, car il est des promesses qu’on ne peut pas ne pas tenir » (4ème de couverture du Premier mot). Son roman Après J.-C. est une enquête sur l’orthodoxie, et notamment sur les moines du Mont Athos. S’il s’agit bien d’un roman, le travail d’investigation qu’il délègue à son narrateur est remarquable : documentation dans les bibliothèques, les archives et surtout investigations sur le terrain. Dans La Clarinette, roman qui est un émouvant hommage à son ami Jean-Marc Roberts, Alexakis fait une recherche sur la mémoire et l’oubli auprès de nombreux scientifiques en France, mais enquête aussi en Grèce sur la situation économique de son pays. Chez Alexakis, l’enquête est presque toujours nécessaire pour fournir la matière de l’un des sujets du roman : comme dans La Clarinette, la recherche initiale va au fil des pages se plier au rythme du roman, s’estomper ou resurgir au moment où le lecteur ne s’y attend pas. Les modalités de l’enquête méritent donc une attention particulière.

Alexakis et les genres romanesques

L’enquête apparaît donc comme l’un des outils de la quête personnelle dans la plupart de ses romans. Ce faisant, Vassilis Alexakis joue avec les différents genres du romanesque : si son style a évolué depuis ses premiers textes écrits en français dans les années 70, ses romans ont une véritable originalité qui provient du mélange assez inédit entre plusieurs sous-genres. Ainsi, les critiques ont évoqué l’autofiction, terme à la mode qui ne correspond pas vraiment à l’usage qu’Alexakis fait de l’autobiographie : celle-ci est cependant présente dans plusieurs romans. On a pu aussi voir une influence du roman d’aventures ou du roman picaresque dans un certain nombre d’œuvres. De Talgo au Cœur de Marguerite, on pourrait parler de romans d’amour, certains critiques n’hésitant pas à trouver chez les deux héroïnes une forme moderne du bovarysme ! Enfin, avec La Tête du chat, Alexakis aborde le policier : ce sera le seul roman qui se revendique comme tel, mais l’influence du genre est réelle dans La Langue maternelle, ou encore dans Après J.-C. : ces deux romans sont conçus comme des enquêtes policières (avec énigme, enquête terrain, consultation d’archives, hypothèses, fausses pistes, résolution …). On peut aussi s’interroger sur le réalisme qui laisse la place au fantastique, comme dans Avant et plus récemment dans L’Enfant grec où Alexakis évoque Le Sandwich, son premier roman paru en 1974 : « Cela m’amusait de réunir plusieurs genres littéraires dans le même volume, de tourner en dérision mes lectures. Je voulais en finir avec la littérature avant de commencer à écrire». Roman sur le roman, La Clarinette a parfois déconcerté le lecteur parce que l’écriture utilise des changements de ton parfois surprenants : une certaine érudition liée à la rigueur de l’enquête côtoie la fantaisie, l’humour et une grande sensibilité. Dans sa diversité, le roman serait-il lui-même objet de quête et d’enquête ?

Après les travaux sur les mots et les langues en 2013, puis sur la poétique des lieux en 2016, le colloque « Quête et enquête chez Vassilis Alexakis » se propose ainsi d’explorer l’œuvre sous cet angle encore inédit. Les communications pourront s’articuler autour d’une réflexion sur les pratiques d’écriture de Vassilis Alexakis et de son goût pour les jeux avec les genres et sous-genres du roman. Les propositions devront parvenir aux organisateurs avant le 31 décembre 2018.

 

Comité d’organisation :

Bernard Alavoine, Université de Picardie Jules Verne (CERCLL)

Philippe Blondeau, Université de Picardie Jules Verne (CERCLL)

Anna Lampadaridi, Newton International Fellowship Alumnus. Maison française d’Oxford – UMR Orient et Méditerranée.

Dimitri Roboly, Université nationale et capodistrienne d’Athènes (Faculté des lettres)

 

Contacts :

            Bernard Alavoine : bernard.alavoine@wanadoo.fr

            Dimitri Roboly : droboly@yahoo.fr