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Le discours manipulateur : jeux et enjeux (Tunis)

Le discours manipulateur : jeux et enjeux (Tunis)

Publié le par Marc Escola (Source : AYADI ZOGHLAMI Sabeh)

UNIVERSITE DE TUNIS EL MANAR

Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis

Département de français

Colloque international

Le discours manipulateur : jeux et enjeux

Les 18 et 19 avril 2019 à l’ISSHT

 

La manipulation, dont les frontières définitoires demeurent encore floues, est une pratique vieille comme le monde, mais ô combien d’actualité.

Néanmoins, et de par son origine étymologique latine où  manipulare signifie «conduire par la main» et de par sa présentation dans le Littré comme « l’exécution de diverses opérations manuelles, en chimie, en pharmacie et dans les arts. », la manipulation subsume une manœuvre adroite, une dextérité manuelle, un ascendant sur les objets et  une habileté dans l’exécution des gestes et des faits.

Par ailleurs, et le plan rhétorique et argumentatif, la manipulation constitue un objet de réflexion depuis des années tant chez les philosophes, les psychologues, que chez les analystes de discours ou autres spécialistes de la communication. Elle finit souvent par inscrire toutes les réflexions dans la perspective de la persuasion. Car d’où qu’on aborde une telle question, « la sorcière rhétorique » finit par l’emporter sur « la fée argumentation » [1] tant la réception demeure négative. De même que le souligne Wander Emediato,  « la dimension argumentative permet à l’analyste de rendre compte de nombreux discours qui n’ont pas de visée argumentative avouée mais qui ont néanmoins l’intention d’agir sur les croyances et sur les représentations d’autrui»[2].

Ainsi, et tout en s’inscrivant dans la lignée des travaux précédents, notre colloque a pour ambition de revisiter cette problématique de la manipulation dans le discours dans une approche pluridisciplinaire d’une part et inter-générique d’autre part.

Discours médiatique et politique

En s’inspirant des travaux de Charaudeau, Amossy, Burger, Breton et autres analystes de discours contemporains, et en s’inscrivant dans un contexte d’actualité, ce colloque se propose de creuser à l’aune du nouveau paysage médiatico-politique postrévolutionnaire les mécanismes discursifs par lesquels est mise en scène la parole manipulatrice.

En effet, il s’est installé depuis les premiers jours de la révolution un climat de « récupération », pour ainsi dire, de ce que nombre d’historiens et observateurs tiennent à appeler soulèvement plutôt que révolution.

Par ailleurs, l’éclosion ou la réapparition de certains partis sur la scène politique s’est accompagnée d’une mise en scène particulière du verbe et de l’image « révolutionnaires ». De la Tunisie à la Syrie, en passant par l’Egypte et la Lybie, médias et politiques, nationaux et étrangers ont contribué, chacun à sa manière, à la mise en place d’un langage hautement érigé sur la manipulation des masses.

Et l’histoire de nous prouver avec Platon puis Machiavel et plus récemment avec Chomsky ou encore Orwell que la parole manipulée dissimule non seulement une dextérité dans le jeu avec le langage mais également une habileté à transmettre une certaine idéologie. 

Discours littéraire : théâtre / conversation

Etant donné, et comme l’ont démontré à maintes reprises écrivains et philosophes que la politique n’est jamais loin de la littérature, ce colloque se propose également d’interroger les stratégies discursives de la manipulation dans la littérature. Qu’elle soit fictionnelle ou engagée, classique ou contemporaine, l’œuvre littéraire n’a de cesse de déployer une écriture de la manipulation menée tantôt par le personnage, tantôt par le narrateur ou l’auteur lui-même.

En effet, et à en croire Orwell, « tout art est propagande »[3]. L’œuvre littéraire, ne saurait donc être apolitique puisqu’elle véhicule une vision du monde et de la vie. C’est ainsi que, par exemple, la tension entre la discipline littéraire et les intentions idéologiques a nourri la polémique de Kundera dans la première de ces Chroniques, Éducation politique et art du roman.

 Dans une autre perspective, la littérature regorge de personnages manipulateurs. C’est indéniablement dans la littérature libertine que se manifestent les stratégies de manipulation amoureuse. Mais, comme le montre la racine étymologique du verbe séduire, il s’agit de conduire autrui à l’écart ou amener à soi, c’est-à-dire l’isoler, voire l’aliéner. Dans Les Amours, Ronsard dissimulait mal ses stratégies de conquête amoureuse et de  séduction poétique à ses dulcinées. Avec dom Juan, Molière  esquisse le portrait type du manipulateur pervers au sens sandien du terme. L’auteur des  Liaisons dangereuses  retrace également les étapes du plan retors et pervers des tireurs de ficelles.

D’ailleurs, la manipulation atteint jusqu’à l’œuvre autobiographique où écrire et publier sa vie subsume des manœuvres nées de cet arc de tension entre le désir de se dire et l’envie de se cacher, entre le moi privé et le moi public.

 Il serait dès lors intéressant de s’interroger, dans une perspective « sémio-stylistique»[4] (sur la mise en mots de la manipulation ainsi que sa réception intra et extratextuelle.

Partant, plusieurs pistes de réflexion sont à envisager dans ce colloque en vue de creuser le large éventail de procédés manipulateurs qu’offre à la fois le verbal et le non verbal.

Voici quelques axes que peut interroger ce colloque :

Scénographie de la manipulation : tours et détours

Les mécanismes linguistiques et discursifs 

Sémiotique manipulatrice : la fabrique de l’image

Genre de discours et manipulation

L’ethos manipulateur (en littérature et/ou en politique)

L’espace social et les pièges du discours manipulateur

Le discours manipulateur : quelle réception ? 

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Mots clés : effacement énonciatif, ethos, instance médiatique, instance politique, personnage-type, personnage manipulé, personnage manipulateur, réseaux-sociaux, vigilance, mémoire, rhétorique manipulatrice, onomastique manipulatrice, manipulation positive, événement discursif, réception, énonciation atténuée.

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Bibliographie indicative :

AMOSSY, R.,  L’argumentation dans le discours, Paris,  Colin, 2006 [2000].

AMOSSY,  R., et KOREN, R,. « Rhétorique et argumentation : approches croisées », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 2 | 2009, mis en ligne le 01 avril 2009, Consulté le 30 septembre 2016. URL : http://aad.revues.org/561  ; DOI : 10.4000/aad.561

BALIQUE, F.,  S’armer de paroles, jeux et enjeux rhétoriques,  Ellipses, 2010.

BERRENDONNER, A. « Portrait de l’énonciateur en faux naïf », Semen 15, 113-125, 2001-2002.

BONHOMME, M. Pragmatique des figures du discours, Paris, H. Champion, coll. Bibliothèque de grammaire et de linguistique, 2014 (2005).

CHARAUDEAU, P, Les médias et l’information, Bruxelles, Éditions De Boeck, 2005.

CHARAUDEAU, P. Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005.

KEMP,  P., « Repenser la philosophie : le pouvoir de la parole  », Diogène 2008/4 (n° 224), p. 35-43. DOI 10.3917/dio.224.0035 Amossy, R. (2000). L’Argumentation dans le discours. Paris: Nathan

KERBRAT-ORECCHIONI, C.,  Les interactions verbales, Paris, Éd. Armand Colin,  1990.

LAFFITE, M.,  Dire et séduire. Le verbe baroque et ses effets dans le Dom Juan de Molière. Puissance du Baroque. Les forces, les formes, les rationalités, Editions Galilée, 1996.

RAMONET, I., La tyrannie de la communication, Paris, Gallimard, 2001.

VINCENT, D. « Les enjeux de l'analyse conversationnelle ou les enjeux de la conversation», Revue québécoise de linguistique, 30, 1, 77-198, 2002.

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Soumission des propositions de communication : 

Les résumés de proposition, de 300 mots maximum, en anglais ou en français, est à envoyer avant le 31 octobre 2018 aux trois adresses suivantes, accompagnés d'une courte bio/biliographie : 

Frais d’inscription :

-          40 euros (ils couvriront les pauses-café, les déjeuners et la sortie culturelle).

-          Les frais de voyage et d’hébergement sont à la charge du participant

Adresse du colloque : dmanipulateur@gmail.com

Coordinatrices : AYADI ZOAGHLAMI Sabeh : ayasabeh@yahoo.fr / FKIH NECHI Ghada : ghadanechi@yahoo.fr

Calendrier :

Date-butoir pour la soumission des propositions : le 30 novembre 2018

Réponse le 31 décembre 2018

Tenue du colloque : les 18 et 19 avril 2019 à Tunis

Lieu : Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis

26 Avenue Dargouth Pacha - 1007 Tunis

Comité scientifique : ABDELKEFI Hédia (Université de Tunis El Manar), ABLALI Driss (Université de Lorraine)BARRY Alpha (Université de Franche-Comté), BEN AZIZA Zouhour (Université de Tunis El Manar), BONHOMME Marc (Université de Berne), CHAGRAOUI Mohamed (Université de Tunis El Manar), CHARAUDEAU Patrick (Professeur Émérite de l'Université Paris XIII), CHARFI Samia (Université de Tunis), FITOURI Sonia (Université de Tunis), FLEURY Béatrice (Université de Lorraine), KALLEL Monia (Université de Tunis El Manar), LABIDI Samir (l'Académie militaire de Tunis), M’HENNI Mansour (Professeur Émérite de l'Université de Tunis El Manar), TRABELSI Moustafa (Université de Sfax).

 

[1] Florence Balique,  S’armer de paroles, jeux et enjeux rhétoriques,  Ellipses, 2010, p. 16

[2]Wander Emediato, « L’argumentation dans le discours d’information médiatique », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 7 | 2011, mis en ligne le 15 octobre 2011, Consulté le 01 octobre 2016. URL : http://aad.revues.org/1209  ; DOI : 10.4000/aad.1209)  p 2 

[3] George Orwell, Charles Dickens, Eal-1, 1939, p. 560.

[4] Georges Murand, « Essai d’analyse narrativo-discursive d’une fable de la Fontaine », Université de Toulouse Le Mirail.