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Gestes et mouvements à l'oeuvre : une question danse-musique XXe-XXIe siècles

Gestes et mouvements à l'oeuvre : une question danse-musique XXe-XXIe siècles

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Pauline Nadrigny)


Colloque international et transdisciplinaire
Gestes et mouvements à l'oeuvre : une question danse-musique
XXe-XXIe


17-18-19 janvier 2013

  • Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Laboratoire d’études et de recherche sur les Logiques Contemporaines de la Pensée (EA4008).
  • Laboratoire d’esthétique, musicologie et créations musicales (EA1572).
  • Laboratoire d’analyse des discours et pratiques en danse (sous-section d’EA1572).
  • Unité de recherches Philosophies Contemporaines (EA 3562), Centre d'Esthétique et de Philosophie de l'Art.

Sous la direction d’Olga Moll, Pauline Nadrigny, Christine Roquet et Katharina Van Dyk


A la croisée des études en philosophie, en danse et en musique, ce colloque s’inscrit dans la continuité d’un débat interdisciplinaire dont l’actualité est marquée par la tenue d’échanges (journées d’études, colloques, forums internationaux) organisés dans diverses universités (Paris, Montréal, Lisbonne). Les journées d’études La musique (tout) contre la danse (1) se présentaient, dans une perspective essentiellement historique et esthétique, comme une « première estimation » de la fécondité de recherches croisées entre musique et danse. Le colloque Expression et geste musical (2) questionnait la place du corps dans la musique, le lien entre geste et expressivité et les différents sens de l’expression « geste musical ». Le colloque Musique et danse : dialogues en mouvement (3) proposait un axe de réflexion dialectique (unité-indépendance) qui permettait de reformuler et de ré-imaginer les relations entre musique et danse.
Dans ce contexte, notre colloque propose non pas tant de poursuivre l’interrogation sur la nature ou la diversité historique des liens qui (dés)unissent danse et musique, mais de se demander comment en danse, en musique et dans leur association, sont pensés et mis en oeuvre mouvement et geste. Cette interrogation se situera sur un plan délibérément esthétique, c’est-à-dire au coeur même de l’expérience musicale et chorégraphique, aussi bien du point de vue de la création que de la réception.

En danse, mouvement et geste sont très rarement distingués. Cependant, les analystes du mouvement nous ouvrent des perspectives. Dans « Le geste et sa perception4 », Hubert Godard décrit le mouvement « comme un phénomène relatant les stricts déplacements des différents segments du corps dans l’espace – au même titre qu’une machine produit du mouvement(5) ». Il s’agit de la cinématique engagée par un corps humain dont on ne retient que le trajet dans un espacetemps,réductible par là même à une quantité mesurable. Selon Godard, le geste, lui, « s’inscrit dans l’écart entre ce mouvement et la toile de fond tonique et gravitaire du sujet : c’est-à-dire le pré-mouvement dans toutes ses dimensions affectives et projectives. C’est là que réside l’expressivité du geste humain, dont est démunie la machine(6) ». On parlera donc de geste en danse lorsque l'on dépasse la conception cinématique du trajet dans l’espace pour s’intéresser à sa dimension qualitative, comme l’avaient thématisé le phénoménologue Erwin Straus(7) et le danseur-chorégraphe Rudolf
Laban(8). Cette distinction ne fait pas l’unanimité chez les praticiens danseurs qui font un usage indifférencié de l’un et l’autre termes et leur inventent de nouveaux sens et modes de relation. Quoi qu’il en soit, les problématiques autour de l’expressivité du geste dansé constituent souvent le coeur du travail en studio et tendent à constituer un axe de prédilection
de l’analyse des oeuvres chorégraphiques.

Pour ce qui est du champ musical, Michel Imberty(9) fait état de l’approximation avec laquelle sont utilisés ces termes : « Mouvement, geste [et figure] sont des notions qui restent souvent floues et utilisées de façon plus ou moins interchangeables dans le vocabulaire de l’analyse et de la sémiologie de la musique ». Ces usages ouvrent un large éventail d'acceptions possibles. Ainsi, dans Les Nouveaux gestes de la musique, la définition du geste musical retient le moment de l’exécution spectaculaire en le qualifiant en termes de « procédures qui conduisent à produire un son ou une succession de sons(10)». Dans cette acception, c’est le moment de l’énonciation musicale (par opposition à son écriture) qui est envisagé.
Elle se réalise dans l’espace-temps d’un acte moteur qui l’engendre, et en dernière instance, une corporéité singulière est à l’oeuvre. En revanche le terme de mouvement désignerait plutôt une caractéristique dynamique de l'oeuvre, alors abstraite du corps qui l'interprète.
Si pendant toute une partie de notre histoire, le geste instrumental s’est effacé au profit du son qu’il produit, on se demandera aujourd’hui à quels glissements de sens nous sommes confrontés lorsque le son du geste instrumental fait partie intégrante de la sonorité de l’oeuvre ou encore lorsque l’on introduit les musiques mixte et « non instrumentales »
électroacoustiques et électroniques. Dans ces contextes, le geste musical est-il détachable d’une inscription charnelle ? Qu’en est-il du geste inscrit à même la matière sonore, à même son écriture ? Si en danse la dimension du geste est corrélative de la qualité du mouvement, qu’en est-il pour la musique ? Qu'en-est- de ce « corps qui se donne en musique », gestes qui nous « disent ce qu'il fait des sons » et « comment ils les habite »(11) ?

Si nous avons séparé Danse et Musique dans ce rapide exposé, ce sont bien leurs interactions qui sont au centre de notre propos.

Trois axes de réflexion sont proposés.

1. Processus de création et d’interprétation :

  • Création « à partir de » : selon quel processus un chorégraphe crée-t-il du mouvement, du geste, « sur » ou « à partir » d’une oeuvre musicale ? En retour, quel effet la danse produit-elle sur la musique ? Mais aussi, comment l’interprète danseur interprète-t-il à son tour « à partir » de cette oeuvre musicale et « à partir » de l’interprétation qu’en propose le chorégraphe et l’interprétation proposée par le(s) musicien(s) ? Comment dialoguent « musicalité de la musique » et « musicalité du geste » ?
  • Création « avec » : dans le cas d’une création commune, selon quelles modalités chorégraphe et compositeur travaillent-ils ensemble ? Comment et à quels niveaux l’interprète danseur intervient-il dans ce travail commun de création ?

2. Processus de réception :

Quand le spectacle se donne « comme un même geste » musical et chorégraphique dans l’instant de sa réception, comment le décrire et/ou l’analyser ? Comment créer des modes de discours qui rendent compte du spectacle en tant quetel, c’est-à-dire de l’expérience de réception globale – musical et chorégraphique – dans l’instant de la représentation ? Le
recoupement possible des vocabulaires n'entretient-il pas une problématique familiarité ? Entre danse et musique circulent en effet des termes communs : phrasé, lié, impulser, scander, suspension, écoute, écriture, etc. Il s’agira de déterminer le réseau des significations mais aussi des expériences que recouvrent ces signifiants afin d’éviter les confusions d’ordre épistémologique. Comment ne pas tomber dans un dialogue de sourds, lié aux frontières entre disciplines, entre analyse musicale d’un côté et chorégraphique de l’autre?


3. Axe théorique et épistémologique, indissociable des deux premiers :
Quels sont les effets de la rencontre musique-danse sur les catégories conceptuelles de « mouvement » et de « geste » mais aussi sur les productions elles-mêmes ? Quelle est la part métaphorique de la communauté de vocabulaire évoquée plus haut? Quels transferts, quelles résistances se dessinent d’un art à l’autre, sur le plan de la création comme de la
réflexion ? On songe par exemple aux travaux de Robert Francès(12), qui met en évidence la prégnance de l’imaginaire du geste dans la perception musicale, ou à ceux de Michel Imberty(13) qui suppose le lien entre mouvement et geste, comme une « projection » du corps dans la forme musicale elle-même. Cet effort de clarification conceptuelle s'appuiera le plus possible sur des exemples et puisera ses influences dans différents champs disciplinaires identifiés (philosophie, esthétique, phénoménologie, lecture du geste, analyse musicale).


Seront privilégiées les propositions fondées sur une approche théorico-pratique, c’est-à-dire s’appuyant sur des oeuvres (avec une préférence pour les oeuvres scéniques et/ou performatives du XXe et XXIe siècle), sur les témoignages d’artistes – compositeurs, chorégraphes, interprètes, danseurs. Les propositions en duo, menées simultanément dans les champs musical et chorégraphique (par un spécialiste de musique et un spécialiste de danse, un philosophe et un artiste, etc.) sont vivement souhaitées.


Les propositions de communication sont à envoyer avant le 5 septembre 2012 aux quatre adresses électroniques suivantes :


olga.moll@univ-paris8.fr
line.nadrigny@free.fr
katharina.vandyk@gmail.com
chroquet@free.fr

Elles comprendront un résumé (entre 400 et 500 mots), précisant le thème, le contexte, la problématique et la
méthode retenue. En tête, on trouvera
o trois mots clefs,
o le nom et le prénom des auteurs,
o leur(s) statut(s) et institution(s) de rattachement
o une adresse électronique.
Les réponses du comité scientifique seront envoyées avant le 15 octobre 2012.
Chaque communication devra durer 20 minutes, 40 minutes si celle-ci est menée conjointement par deux intervenants
(dans les deux cas, elles seront suivies de 25 mn de discussion). Les organisatrices du colloque s’efforceront d’obtenir le
financement nécessaire pour contribuer au moins en partie aux frais de déplacement et d’hébergement.
Les actes du colloque seront publiés selon financement.

(1) Organisées conjointement par l'université Paris 8, le Centre d'Études des Arts Contemporains de l'université de Lille 3 et le Centre de Recherche sur l'Analyse et l'Interprétation en Musique et dans les Arts du spectacle (R.I.T.M.) de l'université de Nice. Sous la direction de Laetitia Doat, Isabelle Launay, Philippe Guisgand, Armando Menicacci et Gianfranco Vinay. 18 et 19 mai 2009, Paris, Inha.

(2) Organisé conjointement par l'université Paris 8 et la Kunstuniversität de Graz. Sous la direction de Susanne Kogler et Jean-Paul Olive. 8 et 9 avril, 2010, Paris, Inha.

(3) Organisé conjointement par les universités Concordia, McGill, Montréal, Sherbrooke. Comité d’organisation : Sylvain Caron, Michel Duchesneau, Jacinthe Harbec, Silvy Panet-Raymond sous la présidence de Steven Huebner. 16 au 19 février 2011, Montréal, École de musique Schulich, UniversitéMcGill.

(4) Hubert Godard, « Le geste et sa perception », in I. Ginot, M. Michel, La danse au XXè siècle, Paris, Bordas, 1995

(5) En cela, la définition qui a cours en danse se rapproche de la définition du dictionnaire et donc du sens commun. Le mouvement est en effet très largement défini comme «changement de position dans l’espace en fonction du temps et relativement à un système de références » (Robert, Dictionnaire littéraire de la langue française).

(6) Ibid.

(7) Erwin Strauss, «Les formes du spatial», dir. Jean-François Courtine, Figures de la subjectivité, Paris, Editions du C.N.R.S., 1992, 15-49.

(8) Laban R., Lawrence F. C., Effort, Londres, Macdonald & Evans, 1ère éd. 1947

(9) Michel Imberty, « Mouvement, geste et figure : la musique ancrée dans le corps », Colloque « Expression et geste musical ».

(10) Les Nouveaux gestes de la musique, dir. H. Genvois et R. de Vivo, éditions Parenthèses, 1999.

(11) Bastien Gallet, Le boucher du prince Wen-Houei, Enquête sur les musiques électroniques. Musica falsa, 2002, p. 17

(12) Robert Francès, La perception de la musique, Vrin, « Études de psychologie et de philosophie », 1984.

(13) Michel Imberty, « Mouvement, geste et figure : la musique ancrée dans le corps », Colloque « Expression et geste musical ».