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Formes d(e l’)Apocalypse (Paris 8, Le Cube)

Formes d(e l’)Apocalypse (Paris 8, Le Cube)

Publié le par Marc Escola (Source : Arnaud Regnauld)

Appel à communications

Colloque international et transdisciplinaire :

Formes d(e l’)Apocalypse

15-16-17 mars 2016

Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis - Le Cube (Issy-les-Moulineaux)

 

Organisateurs

Sylvie Allouche, Université Catholique de Lyon

Rémy Bethmont, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis

Marjolaine Boutet, Université de Picardie Jules Verne

Hélène Machinal, Université de Bretagne Occidentale

Monica Michlin, Université de Montpellier III

Arnaud Regnauld, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis

Stéphane Vanderhaeghe, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis

 

Ce colloque s’inscrit dans un projet pluriannuel et transdisciplinaire. Le second opus aura lieu à l’Université de Bretagne Occidentale en 2017. Le troisième et dernier opus se tiendra à l’Université de Montpellier III en 2018.

Les conférences plénières seront annoncées prochainement

 

ARGUMENT Scroll down for English version

Au début du 21ème siècle, les thèmes apocalyptiques et post-apocalyptiques envahissent tout autant les bulletins d’information du monde réel que la fiction, dans un contexte culturel dominé par les peurs qui ont accompagné l’histoire des hommes (prophéties religieuses annonçant l’apocalypse et la révélation, peur des fléaux susceptibles d’anéantir l’humanité, le ravissement qui pourrait ne laisser la Terre qu’aux misérables, abandonnés de Dieu). Or, face aux réalités du vingtième siècle (deux guerres mondiales, la bombe atomique) et aux événements du tournant du siècle (les terreurs millénaristes, le 11 septembre), ces thématiques se sont faites plus pressantes. Parallèlement, les transformations technologiques rapides, le tournant numérique, le développement de l’intelligence artificielle et le séquençage du génome humain ont ouvert d’innombrables possibilités, y compris celle d’un devenir « posthumain » à court terme d’une humanité qui ne serait peut-être pas juste augmentée, mais immortelle, débarrassée d’un corps périssable en se téléchargeant sur des machines. Ce que d’aucuns annoncent comme une utopie transhumaniste, d’autres perçoivent comme une dystopie radicale, l’extinction d’un homme « naturel », originaire transformé en une figure blasphématoire, celle du cyborg. De nombreuses œuvres explorent ainsi, de bien des manières — de l’absurde au satirique, du thriller dystopique au film d’aventure (héroïque) — ce qui pourrait advenir si le « progrès » actuel devait signifier un retour brutal au passé (Cartographie des nuages, La route, Le livre d’Eli etc.), voire la disparition de l’humanité même. La relation entre la technoscience et la métaphysique dans la représentation d’un monde sans Dieu, c’est-à-dire la mise sous rature d’un sens eschatologique assignable à la fin du monde (et du verbe) se trouve compliquée par l’impossibilité de l’histoire. En effet, après la catastrophe, qu’elle soit technologique — la bombe atomique (Günther Anders) — ou cosmique — la mort solaire (Lyotard, L’Inhumain. Causeries sur le temps, Paris : Galilée, 1988, pp. 17-31) — il n’y aura plus personne pour historiciser, ou créer une archive des récits à venir.

    Dès lors que l’histoire des religions se concentre sur les mouvements millénaristes, elle fait apparaître la résurgence de mouvements fondamentalistes et/ou sectaires qui « se spécialisent » dans la fin du monde. Les mouvements millénaristes ont émergé à travers l’histoire britannique et américaine, avec des pics contextuels tels que les guerres civiles anglaises du 17ème siècle ou encore à la fin du 19ème siècle avec l’émergence de puissants courants millénaristes parmi les Evangélistes, souvent liés au développement du fondamentalisme protestant. Depuis le début du vingtième siècle, on constate également un retour à la conscience eschatologique chrétienne au sein des confessions traditionnelles, retour qui a eu un impact sur la pensée et la pratique religieuses. Le millénarisme et la conscience eschatologique sont susceptibles de transformer la vie des communautés religieuses et de renouveler l’imaginaire religieux. En un sens, la fin des temps révélée dans la Bible par les récits apocalyptiques se trouve ramenée au présent pour interroger ce qu’être humain veut dire. Ces interrogations peuvent aussi bien se déployer selon des lignes conservatrices que donner lieu à des percées radicales (à l’occasion de récents débats ecclésiastiques, la pensée eschatologique a fourni de solides arguments en faveur de l’ordination des femmes et du mariage homosexuel, par exemple). Jean-Paul Engélibert analyse la tragédie contemporaine comme une forme laïque de fiction qui place l’homme non plus sous l’œil de Dieu, mais plutôt sous son propre regard critique et rétrospectif (Jean-Paul Engélibert, Apocalypses sans royaume - Politique des fictions de la fin du monde, XXe-XXIe siècles, Paris : Garnier, 2013, p. 10). Cependant, les interrogations métaphysiques des mouvements millénaristes trouvent à coup sûr un écho, non seulement dans diverses formes de fiction contemporaine, mais aussi dans l’historicisation complexe de ce qui apparaît comme un présent suspendu, prêt à basculer dans une fin des temps (et de l’histoire) par trop imminente, ce qui interroge à la fois le concept de temps de même que la possibilité d’un récit historique/fictionnel de la fin du monde. Comme l’écrit Michael Fœssel : « ‘le monde’ désigne une transcendance de type résiduel » (Après la fin du monde. Critique de la raison apocalyptique, section 2, chapitre 6, Paris : Le Seuil, 2012, édition Kindle np) qui ne satisfera ni le dévot ni l’artiste posthumain. Il faut encore que les récits fictionnels et historiques s’attaquent au paradoxe suivant : « la fin du monde est l’horizon du monde même » (Après la fin du monde, section 2, chapitre 4).

    Si l’on garde à l’esprit le bon mot de Fredric Jameson selon lequel l’humanité a moins de mal à imaginer la fin du monde que celle du capitalisme, on peut interroger les fondements politiques du discours apocalyptique (lié à la peur, servant à manipuler les populations pour qu’elles acceptent un message politique ou religieux donné, à l’instar d’un perpétuel état d’urgence — voir Giorgio Agamben). On peut également souligner que le capitalisme semble en effet précipiter la fin du monde, si bien que nous vivons un moment culturel dans lequel capitalisme et fin du monde sont devenus indissociables (voir Tout peut changer de Naomi Klein, 2015). Si l’on a pu accuser la théorie postmoderniste de sonner le glas de l’histoire, Linda Hutcheon rejette l’accusation selon laquelle le postmodernisme est, par essence, soit anhistorique, soit nihiliste. Ce qui n’empêche pas d’interroger malgré tout les ambiguïtés des textes apocalyptiques et post-apocalyptiques. La prolifération de la fiction apocalyptique est-elle le signe de nos fantasmes les plus secrets qui se jouent d’abord sur la scène fictionnelle avant de s’incarner dans les scripts du « monde réel » (voir Baudrillard sur le 11 septembre ou encore la notion de terreur virtuelle développée par Marc Redfield dans The Rhetoric of Terror) ? L’itérabilité même du récit apocalyptique est-elle une forme toxique/prophylactique — une forme pharmacologique de préparation affective et/ou prophétique aux chocs réels encore à venir (voir Premediation : Affect and Mediality after 9/11 de Richard Grusin) ? De même que les jeux vidéo et les simulateurs de vol servent à entraîner les soldats et les pilotes, sommes-nous en train de nous préparer à l’apocalypse plutôt que de l’éviter en transformant la société ? La nature cyclique et récurrente de ce qui a trait à l’apocalypse en tant que peur culturelle et thématique fictionnelle vide-t-elle paradoxalement cette peur de toute substance, ou bien ces réécritures constituent-elles, au contraire, des manières d’imprimer au fer rouge les exigeantes urgences de l’heure présente (citant Martin Luther King dans un tout autre contexte) dans l’inconscient politique collectif ?

    Ce que « Forme d(e l’) Apocalypse » se propose d’explorer ne se limite pas à la simple persistance des peurs apocalyptiques archaïques ou à l‘émergence de nouvelles frayeurs, mais les discours et les motifs spécifiques de l’apocalypse, véhiculés par la littérature, le cinéma et autres formes… Le thème de l’apocalypse contamine-t-il la langue en retour (voir la langue confuse des sections post-apocalyptiques de Cartographie des nuages, ou les formes hybrides qui mêlent code informatique et langues naturelles dans différents exemples de la fiction et/ou de la poésie numérique) ? Si la postmodernité est hantée par des formes de l’apocalypse passées (les guerres mondiales, la Shoah, Hiroshima…) et par celles qui restent à venir (cf. Derrida), les représentations de l’apocalypse miment-elles de fait les mécanismes traumatiques —répression, ellipse, blanc, auxquels s’ajoutent le retour du refoulé ou de souvenirs verrouillés sous formes de flashes post-traumatiques, formes ou récits violents, « embrouillés », chaotiques, et non linéaires ? Les théories de Vilèm Flusser contribueront ici à nous aider à penser ce qui pourrait être un nouveau paradigme technologique tandis que «  la linéarité de l’histoire se voit opposée à la circularité des images techniques. L’histoire avance pour se traduire en images — en une posthistoire » (Into the Universe of Technical Images, Nancy Ann Roth tr., Electronic Mediations, vol. 32, Minneapolis, MN, et Londres, GB : University of Minnesota Press, 2011, p. 57). En d’autres termes, la fin de la narrativité. L’apocalypse convoque la notion d’horizon non seulement en tant que fin téléologique, mais aussi en tant que champ de potentialités qui caractérisent le monde indéfini qui va finir, ce qui implique la délinéation de sa, ou de ses formes. Tandis que le genre semble exclure tout récit linéaire, toute profondeur psychologique des personnages et toute fin heureuse, un certain nombre de romans post-apocalyptiques semblent suivre un scénario optimiste,  à défaut d’être réconfortant — alors même que d’autres abordent « l’après » catastrophe avec un humour noir, distancié, absurde, et désincarné.

 

Les langues du colloque seront le français et l'anglais.

Merci d’envoyer vos propositions via EasyChair (cf. lien infra) ainsi qu'une brève présentation bio-bibliographique.

https://easychair.org/conferences/?conf=apoc2016

N’oubliez pas de téléverser vos documents au format PDF sur le site (moins de 3000 signes)

Pour tout autre renseignement, merci de nous contacter à l’adresse suivante 2016apoc at gmail dot com