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Jean Rolin : une écriture in situ

Jean Rolin : une écriture in situ

Publié le par Emilien Sermier (Source : Anne Sennhauser)

Appel à communication.

Colloque international en littérature française contemporaine. 
« Jean Rolin : une écriture in situ ». 
 
Les 17 et 18 novembre 2016 à l'Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3.

 

On constate actuellement en France une multiplication des ouvrages élaborés à partir d’une expérience concrète du monde – expérience délimitée dans le temps et dans l’espace, qui, du voyage à l’enquête, est mise en scène au sein du récit[1]. À la croisée du documentaire et du romanesque, ces récits reflètent une interrogation face à des mutations en cours que les écrivains abordent non pas en experts mais en témoins, tout en ayant conscience de la concurrence exercée par les autres discours, médiatiques ou politiques. Face à cette mouvance, on peut se demander si la littérature contemporaine se renouvelle au contact – à l’épreuve – du réel. Dans quelle mesure les écrivains cherchent-ils à renforcer sa légitimité par une pratique de l’observation ?

Pour Jean Rolin, qui a d’abord exercé le métier de journaliste, l’œuvre littéraire naît de cette mise en situation de l’écrivain, qui se frotte au reportage sans s’interdire la fiction. L’écriture est étroitement liée à la découverte d’un lieu, arpenté, topographié, recomposé ; elle se nourrit du regard porté sur les choses, de la mémoire qui émerge à leur contact, des réflexions ou des rêveries qui ne manquent pas d’en découler. On peut ainsi dire que son projet littéraire s’élabore autour d’une écriture in situ, entretenant une affinité tant avec le grand reportage qu’avec celle du relevé à la Perec. Comme pour inventer une manière d’aborder les menaces qui pèsent sur la société, les contributions souvent inclassables que l’auteur nous propose depuis une vingtaine d’années – enquête sur les terminaux portuaires[2], sur les chiens errant de par le monde[3], sur le détroit d’Ormuz[4], etc. – explorent une époque mondialisée saturée de conflits.

Prolongeant les diverses études consacrées à l’auteur, le colloque s’intéressera aux formes et aux enjeux de cette écriture qui renvoie à une sensibilité d’époque – désir d’immersion prolongée dans un espace concret face à la saturation des flux médiatiques, redéfinition de la forme littéraire en prise avec l’expérience vécue, inquiétude liée aux bouleversements sociaux et économiques. Il s’agira de réfléchir aux outils qui permettent de penser cette écriture et aux interrogations qu’elle fait émerger en filigrane.

Dans cette perspective, on privilégiera les pistes suivantes :

  • une dimension topographique : Jean Rolin donne à lire une écriture qui, en dépit de son désir d’exactitude, n’est pas inféodée au lieu, mais l’interroge, réactivant la mémoire individuelle et collective tout en cherchant à combler les lacunes du savoir. Comment le regard sur les choses vues permet-il de faire émerger un mouvement plus profond – dans et par l’écriture ?
  • une dimension formelle : l’écriture in situ s’accompagne d’une visée documentaire à une époque qui a épuisé les mythes du grand reportage (« instantanéité, vérité et efficacité », selon Myriam Boucharenc[5]). Comment se passe l’adaptation du reportage au format particulier qu’est le livre, et à une rhétorique qui n’exclut pas les ressources romanesques ? Comment l’expérience vécue des lieux et de ses dynamiques est-elle transformée, recomposée par l’écriture ?
  • une dimension éthique : Jean Rolin place à l’horizon de ses écrits un impératif d’exactitude sans toutefois consentir à un idéal de neutralité. À une époque où la notion d’engagement est repensée[6], son œuvre laisse-t-elle percevoir un nouveau mode d’implication par rapport à la société ? On pourra se pencher tant sur la posture critique de l’auteur-narrateur, entre retrait ironique et intervention véhémente, que sur la manière dont il investit et agence dans son œuvre des motifs à consonance politique comme ceux de l’environnement, de la périphérie, de l’animalité.

 

 

Merci d'envoyer vos propositions de communication (résumé de 300 mots environ), accompagnées d’une brève notice biobibliographique, au plus tard le 1er mars 2016 aux adresses mail suivantes:

Marie-Odile André : marieodile.andre@gmail.com
Anne Sennhauser : annesennhauser@yahoo.fr

Plusieurs invitations à participation ayant déjà été acceptées, seules 6 propositions seront retenues par les organisateurs.

 

 

[1] Nous pouvons citer sans chercher l’exhaustivité plusieurs récits d’enquête ou de voyage parus depuis les années 2000 : voir Emmanuel Carrère (L’Adversaire, 2002), Danièle Sallenave (Passages de l’Est, 1993, ou plus récemment Sibir, 2012), Patrick Deville (romans réunis dans l’ouvrage Sic transit, 2004-2014), François Bégaudeau (Entre les murs, 2006), Florence Aubenas (Le Quai de Ouistream, 2010), Jean-Christophe Bailly (Le Dépaysement : voyage en France, 2011), Joy Sorman (Paris Gare du Nord, 2011), François Chaslin (Paris/Carnet périphérique, Créaphisédition, 2011) ou encore Jean-Paul Kauffmann (Remonter la Marne, Fayard, 2013).

[2] Terminal Frigo, P.O.L., 2005.

[3] Un chien mort après lui, P.O.L., 2009.

[4] Ormuz, P.O.L., 2013.

[5] « Nouvelles fictions du reporter au XXe siècle » in Myriam Boucharenc, David Martens et Laurence Van Nuijs (dir.), Interférences littéraires, n° 7, novembre 2011, p. 124.

[6] Bruno Blanckeman, « L’écrivain impliqué : écrire (dans) la cité », in Bruno Blanckeman et Barbara Havercroft (dir.), Narrations d’un nouveau siècle, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2012 ; Catherine Brun et Alain Schaffner (dir.), Des écritures engagées aux écritures impliquées. Littérature française (XXe / XXIe siècles), Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2015. 

  • Responsable :
    Marie-Odile André, Bruno Blanckeman, Anne Sennhauser
  • Adresse :
    Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle