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Colloque autour d'Ida Rubinstein

Colloque autour d'Ida Rubinstein

Publié le par Jean-Louis Jeannelle (Source : Maryse Bazaud)

L'utopie de la synthèse des arts de la scène dans la France de l'entre-deux-guerres : autour d'Ida Rubinstein

Université de Besançon, 26-27 mai 2005

 

 

La volonté d'associer poésie, musique et danse est une constante de la vie théâtrale. Fondée sur l'exemple mythique du théâtre grec antique, cette utopie dépasse le cadre strictement artistique pour s'inscrire dans une réflexion de nature politique : la collaboration des différents arts apparaît comme le symbole d'une représentation idéale de la cité. Si, en Allemagne, le projet wagnérien de l'oeuvre d'art totale, dans sa volonté de régénération citoyenne, a pu être lié à une forme de totalitarisme esthétique et politique, en France, la situation se présente différemment : dès la fin du XIXe siècle, naît l'idée d'un véritable théâtre populaire et démocratique aux ambitions artistiques élevées, tandis que, parallèlement, les Ballets russes de Diaghilev proposent une forme inédite de spectacles qui excèdent la catégorie traditionnelle du ballet.

 

C'est dans ce contexte qu'il faut situer la personnalité exceptionnelle d'Ida Rubinstein (1883 (?)-1960). Célèbre d'abord comme danseuse au sein des Ballets Russes - elle obtint un triomphe au côté de Nijinski dans Shéhérazade -, elle prit rapidement son indépendance. Complétant sa formation auprès de Sarah Bernhardt, elle devint une interprète multiple - danseuse, récitante et actrice -, et, grâce à sa fortune, put commander des oeuvres à sa mesure - ou démesure -, contribuant au renouvellement et à l'expérimentation artistique à une époque où l'Etat n'était pas encore engagé dans une vraie politique culturelle. C'est ainsi qu'elle fit collaborer les artistes les plus importants de son époque : Gabriele d'Annunzio et Debussy pour Le Martyre de saint Sébastien, Verhaeren et Déodat de Séverac pour Hélène de Sparte, Paul Valéry et Arthur Honegger pour Amphion et Sémiramis, André Gide et Igor Stravinski pour Perséphone, Paul Claudel et Darius Milhaud pour La Sagesse, enfin Paul Claudel et Arthur Honegger pour Jeanne d'Arc au bûcher, sans parler d'autres spectacles et ballets dus à Maurice Ravel, Florent Schmitt ou Jacques Ibert, avec la collaboration de chorégraphes comme Léonide Massine, Michel Fokine ou Bronislava Nijinska, et de décorateurs comme Léon Bakst ou Alexandre Benois.

 

Cette carrière aussi féconde reste, surtout en France, méconnue. En France, seul Jacques Depaulis a consacré une importante biographie à Ida Rubinstein, publiée en 1995 chez Champion. En revanche, plusieurs chercheurs étrangers - Michael de Cossart en Angleterre, Lynn Garafola aux Etats-Unis, Yehuda Moraly en Israël - ont consacré d'importants travaux à l'artiste. Sa personnalité et ses qualités d'interprète, souvent discutées, lui ont attiré des critiques parfois acerbes et ont contribué à sa méconnaissance actuelle. Pourtant, c'est bien à elle et à sa conception artistique que l'on doit des oeuvres comme Le Boléro de Ravel ou Jeanne d'Arc au bûcher de Claudel et Honegger, indéniables succès populaires. Ne serait-il pas temps de réexaminer son cas ? Cherchant à reprendre l'insoluble question de la synthèse des arts, n'a-t-elle pas su proposer une ambition artistique neuve qui mériterait une réévaluation ?

 

 

Ce colloque sera l'occasion de rassembler tous les chercheurs, français et étrangers, s'intéressant à Ida Rubinstein, et d'interroger la validité de son projet esthétique : moins soucieuse de proposer une forme unique et close, à la manière de Wagner, son utopie d'un art total semble plutôt se définir par une collaboration des différents arts, parfois proche du montage. En même temps, cette manifestation permettrait d'examiner les projets concurrents - ceux des Ballets Russes, des Ballets suédois, ou, plus tard, ceux d'un Serge Lifar - afin de souligner la diversité et la richesse des entreprises artistiques de l'époque. Une démarche pluridisciplinaire s'impose d'elle-même, faisant appel à des littéraires, à des spécialistes de l'histoire de l'art et de philosophie politique et esthétique, à des musicologues, à des spécialistes de la danse ou du théâtre.

 

Organisé par le Centre Jacques-Petit, ce colloque s'inscrira dans l'un des axes de la Maison des Sciences de l'Homme de l'Université de Besançon, avec la participation prévue d'autres laboratoires : le laboratoire des sciences historiques, le laboratoire de recherches philosophiques sur les logiques de l'agir, le Laseldi, et l'ISTA. Par ailleurs, le CRLC et le CRLM de Paris IV - Sorbonne, ainsi que le CNRS, soutiendront cette manifestation qui permettra également de rendre hommage à Paul Claudel et Arthur Honegger dont on célébrera la même année le cinquantième anniversaire de la disparition. Paul Claudel a en effet écrit trois oeuvres à la demande d'Ida Rubinstein, tandis qu'Arthur Honegger a été son compositeur de prédilection en composant pour elle aussi bien des musiques de scène - L'Impératrice aux rochers - que des ballets - Les Noces d'Amour et de Psyché - ou des oeuvres de grande ampleur - Amphion, Sémiramis, Jeanne d'Arc au bûcher. Un concert programmé en collaboration avec l'Opéra-Théâtre, le jeudi 26 mai en soirée, sera l'occasion de faire le lien avec le patrimoine bisontin : y seront jouées notamment deux partitas pour deux pianos d'Honegger, composées à partir de la musique de scène de L'Impératrice aux rochers et de Sémiramis.

 

 

Trois axes principaux structureront ce colloque :

1. Le projet esthétique : en quoi la volonté de réaliser, selon l'expression d'Ida Rubinstein, cet " art aux trois visages " - poésie, musique, danse - paraît-elle à la fois prolonger les ambitions wagnériennes et symbolistes, et les renouveler ? En quoi cette utopie est-elle porteuse d'une ambition esthétique et politique neuve pour la vie de la cité ? Quelle valeur accorder aujourd'hui à cette esthétique néoclassique, discréditée par la génération suivante et pourtant poursuivie sous d'autres formes ?

2. Les réalisations : quelle place et quelle valeur accorder à ces oeuvres, souvent signées de noms illustres ? Furent-elles, pour les artistes, de simples commandes lucratives ou de réelles opportunités de renouvellement artistique ? Quelle actualité leur reconnaître ?

3. Les conditions de représentation : comment situer ces oeuvres ambitieuses par rapport à la politique artistique de l'époque, encore dominée par la pratique aléatoire du mécénat ? En quoi sont-elles représentatives des bouleversements artistiques de leur époque, marquée par l'apparition du cinéma et de la radio ? Quel accueil leur a été réservé ?

Les interventions seront ensuite réunies pour publication.

 

Comité scientifique :

Pierre Brunel, Université de Paris-IV Sorbonne

Huguette Calmel, Université de Paris-IV Sorbonne

Pascal Lécroart, IUFM de Franche-Comté

Béatrice Picon-Vallin, CNRS

Organisation :

Pascal Lécroart

Fiche d'inscription à retourner au plus tard le 15 septembre à :

Pascal Lécroart, 10 rue des Alisiers, 25870 Auxon-Dessus

e mail : lecroart.pascal@wanadoo.fr