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Les espaces de sociabilité au cours du long dix-huitième siècle (1650-1850) en Europe et dans les empires coloniaux : approches historiques et perspectives actuelles (Brest)

Les espaces de sociabilité au cours du long dix-huitième siècle (1650-1850) en Europe et dans les empires coloniaux : approches historiques et perspectives actuelles (Brest)

Publié le par Marc Escola (Source : Valérie Capdeville)

Colloque du GIS Sociability/Sociabilités
23-24 MAI 2019

Université de Bretagne Occidentale, UBO, BREST

Les espaces de sociabilité au cours du long dix-huitième siècle (1650-1850)
en Europe et dans les empires coloniaux : approches historiques et perspectives actuelles


Le GIS (Groupement d’Intérêt Scientifique) Sociabilités du long dix-huitième siècle (1650-1850) a pour objectif l’exploration des différents modèles de sociabilité qui ont émergé et circulé en Europe et dans ses colonies. Outre une meilleure compréhension de la sociabilité européenne, le GIS cherche à comprendre les mécanismes de circulation de modes de sociabilité qui ont été imités, adaptés, transformés et exportés dans les empires coloniaux par un processus d’hybridation.

Ce colloque international sera sponsorisé par l’Union Européenne dans le cadre du projet DIGITENS H2020 (H2020-MSCA-RISE 2018) et s’interrogera sur l’évolution des espaces de sociabilité du long dix-huitième siècle et sur leur persistance à travers les époques. L’analyse de l’interaction entre la sociabilité et l’espace ainsi que des modes de construction des espaces de sociabilité de l’époque moderne à l’époque contemporaine/actuelle permettra une relecture de l’histoire des sociétés européennes et impériales.

En Europe, le dix-huitième siècle a vu l’émergence de nouvelles formes de sociabilité et la création de nouveaux lieux dévolus à ses pratiques. En transformant en profondeur les espaces urbains et en structurant les relations sociales, ces pratiques de sociabilité ont été de plus en plus fréquemment associées à leurs caractéristiques spatiales. Elles ont été par ailleurs imitées dans les colonies et adaptées à leurs divers contextes locaux.

Le rapport entre espace et société a été théorisé par l’Ecole interactionniste de Chicago dans les années 1920 (Park & Burgess, The City, 1925) et, plus récemment, un certain nombre de chercheurs se sont attachés à montrer comment les théories de l’espace s’appliquent à la production d’un espace social urbain (H. Lefebvre, La production de l’espace, 1974; E. Soja & Allen J. Scott. Postmodern Geographies: The Reassertion of Space in Critical Social Theory, 1989; Michel de Certeau. L’invention du quotidien, 1980) et comment l’espace peut contribuer à la formation d’une identité sociale (P. Grandjean, Construction identitaire et espace, 2009), favoriser l’inclusion ou, inversement, l’exclusion. Le long dix-huitième siècle, en particulier, a joué un rôle déterminant dans la formulation de théories liant l’espace et la société, particulièrement dans les travaux d’Habermas (L’Espace public: archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, 1978), de Richard Sennett (The Fall of Public Man, 2003), et de Neil Postman (Building a Bridge to the Eighteenth Century, 2000). Quelle est la pertinence de la sociabilité du dix-huitième siècle pour comprendre les rapports entre espace et société au 21e siècle ? Par exemple, quels points communs ont les cafés, clubs et réseaux sociaux d’aujourd’hui avec ceux du siècle des Lumières ?

L’objectif de ce colloque est de mesurer le rôle des espaces de sociabilité du long dix-huitième siècle dans la formation des sociétés européennes et postcoloniales. Cette approche fournira un prisme original et diachronique, permettant une meilleure compréhension de leur héritage, dans la mesure où la sociabilité a contribué à donner un cadre aux interactions sociales des temps modernes et à redéfinir l’organisation spatiale des siècles à venir. Ces espaces de sociabilité ont-ils survécu au 21e siècle ? Jusqu’à quel point ont-ils été reconfigurés dans leurs dimensions sociales, culturelles et politiques ? Dans quelle mesure ces espaces, dévolus à l’interaction humaine, ont-ils été transformés ou redessinés par les architectes d’aujourd’hui ou par les urbanistes par exemple ?

La distinction établie par Jürgen Habermas entre l’état, un public intermédiaire et la sphère privée sera ré-interrogée, comme nous y invite la critique récente qui a conduit à une réévaluation post-Habermassienne. Les communications doivent examiner la relation entre les espaces de sociabilité et les notions de classe sociale, de genre, de sexualité, de race, etc., l’espace social étant compris comme un « système de différences » (P. Bourdieu, La distinction), un facteur structurant et discriminant en termes d’organisation sociale.

Les espaces de sociabilité sont d’abord des espaces géographiques (l’espace bâti comme le monde naturel), mais ils peuvent être dématérialisés, des entités abstraites, comme dans le cas des correspondances qui sont à la fois virtuelles et interpersonnelles, ou même le « salon » qui a fini par faire référence à un ensemble de pratiques sociales, de valeurs et de normes plus qu’à un véritable espace physique. Que l’espace soit compris comme territoire géographique ou paysage imaginaire, la notion elle-même implique une relation entre individu et société, qu’elle soit harmonieuse ou conflictuelle. Si la sociabilité est liée à l’idée d’interaction librement consentie entre les individus (G. Simmel, Sociologie et épistémologie, 1981) la construction d’espaces de sociabilité peut sembler relever de l’utopie. De plus, l’espace peut être littéraire (M. Blanchot, L’espace littéraire, 1955; P. Casanova, La république mondiale des lettres, 1999) et traverser les frontières temporelles par la création d’un concept spatio-temporel. Ce colloque cherche également à examiner l’écart entre la conception ou la représentation des espaces de sociabilité et la réalité de leur construction en Europe et dans le monde colonial pendant plus de trois siècles.

Nous acceptons des propositions en anglais ou en français de chercheurs issus de différents champs disciplinaires (histoire, histoire de l’art, géographie, sociologie, anthropologie, ethnologie, littérature, architecture, études culturelles, études urbaines, études postcoloniales) et travaillant sur différentes périodes historiques afin de comparer les résultats de leur recherche et contribuer à l’écriture d’une histoire comparée de la sociabilité en Europe et dans le monde post-colonial du dix-huitième siècle à nos jours.

Les communications d’une durée de 25 minutes ou les sessions de trois intervenants couvriront un large spectre chronologique et géographique. Les espaces de sociabilité devront être appréhendés à la fois dans leur dimension historique et à travers une réévaluation contemporaine de leur influence passée. Nous encourageons également le recours à des méthodologies et des approches innovantes ainsi qu’à des technologies et techniques numériques pour la collecte, la conservation, l’analyse et la présentation de données.

À titre d’exemple, les communications pourront s’orienter selon les axes suivants :

-L’interaction conceptuelle de la sociabilité et de l’espace
*l’apport de la sociologie
*la dimension philosophique
*les approches historiographiques
-La dialectique sphère publique/sphère privée
*Habermas et l’après-Habermas
*l’émergence d’une « sphère sociale » ou « troisième espace »
-Les espaces institutionnels de sociabilité du 18e siècle à nos jours
*Traits distinctifs et variations (géographie, échelle, temps)
*Etudes de cas dans une perspective comparatiste, passé/présent (cafés, clubs, spas…)
-Sociabilité et différentiation spatiale
*Espaces de sociabilité urbains/ruraux
*Centre/périphérie ; dimension métropolitaine/coloniale
-Matérialité/immatérialité des espaces de sociabilité
*Cartographie du territoire de la sociabilité : méthodologie et nouveaux défis technologiques
*Espace matériel (architecture, décoration intérieure, mobilier et objets)
*Espace abstrait ou communication virtuelle (presse périodique, littérature, correspondances…)
-Espaces de sociabilité et identités
*Espaces genrés
*Espaces de sociabilité et classe sociale
*Espaces de sociabilité et caractère national
-Espaces de sociabilité : tisseurs de liens
*Espaces de sociabilité et le rôle de l’amitié
*Espaces de sociabilité et relations de pouvoir
*Réseaux sociaux : une invention du dix-huitième siècle ?
-La dimension culturelle des espaces de sociabilité
*Les valeurs culturelles qui sous-tendent les espaces de sociabilité (communauté, progrès, politesse…)
*Les espaces de sociabilité et la révolution des loisirs
*Les espaces de sociabilité et l’expérience du voyage
-Espaces de sociabilité et représentation
*Espaces de sociabilité et représentation de soi
*Les représentations artistiques des espaces de sociabilité
-Espaces de sociabilité et transgression

Date limite de soumission : 1er octobre 2018
Pour des propositions de communication individuelle, merci de soumettre un titre et un résumé de 200 mots. Pour des propositions de sessions merci d’inclure également un titre, un résumé de 200 mots ainsi qu’une brève bio pour chaque intervenant.

Les propositions devront être envoyées à :

annick.cossic@univ-brest.fr, brian.cowan2@mcgill.ca,

valerie.capdeville@univ-paris13.fr, Kimberley.Page-Jones@univ-brest.fr

GIS Sociabilités: http://www.univ-brest.fr/gis-sociabilites

Une sélection de communications fera l’objet d’une publication.

Bibliographie
Blanchot, Maurice. L’espace littéraire. Gallimard. 1955.
Capdeville, Valérie & Eric Francalanza, « Les espaces de sociabilité » (Tome 3), La Sociabilité en France et en Grande-Bretagne au siècle des Lumières: L’émergence d’un nouveau modèle de société. Paris : Le Manuscrit, coll. « Transversales ». 2014.
Casanova, Pascale, La république mondiale des lettres. Editions du Seuil.1999.
Castells, Manuel. La société en réseaux. Fayard. 1996. 2001.
Certeau, Michel (de). L’invention du quotidien. Volume 1. Arts de faire, Paris. 1980. Gallimard. 1998.
Cohen, Michele. Fashioning Masculinity: National Identity and Language in the Eighteenth Century. Routledge. 1996.
Deleuze, Gilles & Félix Guattari. Mille Plateaux. Les éditions de minuit. 1980.
Di Meo, Guy & Pascal Buleon. L’espace social. Lecture géographique des sociétés. Armand Colin. 2005.
Elias, Norbert. The Civilizing Process. 1939. Blackwell. 1969.
Florida, Richard. The Rise of the Creative Class: and How It’s Transforming Work, Leisure, Community and Everyday Life. Basic Books. 2002.
Fraser, Nancy. “Rethinking the Public Sphere: A Contribution to the Critique of Actually Existing Democracy” Social Text No. 25/26. Duke University Press (1990). pp. 56-80.
Grandjean, Philippe. Construction identitaire et espace. L’Harmattan. 2009.
Habermas, Jürgen. L’archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise. Payot. 1978.
Ingold, Tim. Making: Anthropology, Archaeology, Art and Architecture. Routledge. 2013. /Faire. Anthropologie, Archéologie, Art et Architecture. Edition Dehors. 2017.
Ingold, Tim & Monica Janowski (eds). Imagining Landscapes: Past, Present and Future. Routledge. 2016.
Joseph, Isaac & Yves Grafmeyer. L’école de Chicago: naissance de l’écologie urbaine. 2009.
Lefebvre, Henri. La production de l’espace. 1974. (4e ed. 2000).
Lussault, M. De la lutte des classes à la lutte des places. Grasset. 2009.
Park, Robert E. & Ernest W. Burgess. The City: Suggestions for Investigation of Human Behavior in the Urban Environment. University of Chicago Press. 1925. 1967.
Pinçon-Charlot, Michel & Monique. Sociologie de la bourgeoisie. La découverte. 2016.
Postman, Neil. Building a Bridge to the Eighteenth Century: How the Past Can Improve Our Future. Vintage. 2000.
Sennett, Richard. The Fall of Public Man. Penguin. 2003.
Simmel, Georg. Sociologie et épistémologie. PUF. 1981.
Soja, Edward & Allen J. Scott. Postmodern Geographies: The Reassertion of Space in Critical Social Theory. Verso Press. 1989.
Squires, Catherine. “Rethinking the Black Public Sphere: An Alternative Vocabulary for Multiple Public Spheres.” Communication Theory. Vol. 12, n° 4 (2002). pp. 446-468.
Vickery, Amanda. The Gentleman’s Daughter. Women’s Lives in Georgian England. Yale UP. 2003.