Web littéraire
Actualités
C. Rosset, Pile (épisode deux)

C. Rosset, Pile (épisode deux)

Publié le par Nicolas Geneix

Christian Rosset, Pile (épisode deux)

Article paru sur le site du9.org, juillet 2016.

"Faire face à ce qui ne pourrait être, en aucun cas, soumis à un quelconque devoir : redonner du jus à la pile — recharger les batteries — de son « devenir-critique » (au sens où Deleuze et Guattari parlaient de « devenir-animal » ou « devenir-minoritaire »), ce qui est quand même autre chose qu’un « devenir-expert-en-jugements » ; le critique est un jardinier qui entretient les haies parfois épineuses de son labyrinthe et y cultive de précieux viatiques comme le sens du ridicule et l’aptitude à l’auto-ironie. On se dira, lisant tel ou tel compte-rendu de telle ou telle parution (du moment, ou non — le premier des droits de la critique est de pouvoir être en retard), qu’il est réussi si, via son écriture, il lui dessine un visage.

C’est une exigence. On pourrait aussi bien parler en termes de timbre. Ou de ton. Les voies de la réflexion, de l’échange, se dégagent d’autant mieux qu’on est attentif à la voix (aux voix) du livre (qui, on s’en doute, ne sont pas seulement celles des personnages). En faire la critique, c’est accorder le dessin de ce visage au bon diapason. C’est une opération évidemment complexe — quoique… Disons plutôt : délicate. Tout dépend de la capacité de chacun à faire surgir un dialogue, polyphonique, se jouant simultanément sur plusieurs scènes, dont une se situerait quelque part dans la tête et une autre à la surface des pages. Un dialogue qui ne serait pas de sourds.

Ne jamais parler à la place de l’autre (au contraire, se mettre à l’écoute afin de lui donner sa juste place). Jean-Luc Nancy, dans Critique, crise, cri (publié dans la revue en ligne diacritik.com), rappelle que « Jean Starobinski a pu écrire à propos de Diderot : « La critique d’art naît en s’attribuant la faculté d’évincer l’art, de parler à sa place » » ; puis il ajoute : « le jugement (positif ou négatif) est toujours trop court. Pensons seulement à Benjamin : « La critique est la mortification des œuvres » ». (...)"

Lire la suite